Soupçons de financement libyen : Tout comprendre au procès de Nicolas Sarkozy qui s’ouvre ce lundi
Dix ans d’enquête, 54 perquisitions, 22 recours, 73 tomes de procédure. Et surtout 12 prévenus, dont trois anciens ministres de droite et un ex-chef d’Etat. A partir de ce lundi, la justice se penche sur l’affaire des soupçons de financement libyens de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Durant 13 semaines, les juges vont tenter de cerner les mécanismes complexes mis en place par des proches de l’ancien président de la République, avec son aval, pour dépenser l’argent que lui aurait donné Mouammar Kadhafi en échange de « contreparties » françaises.
Une « fable », selon Nicolas Sarkozy qui conteste les accusations. Lors d’un interrogatoire, il a estimé qu’il n’y avait « pas même un début de commencement de preuve ». Alors que débute ce procès tentaculaire, 20 Minutes vous explique tout.
Le procès de l’affaire dite du “financement libyen” de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy de 2007 s’est ouvert ce lundi 6 janvier. Pour la presse étrangère, l’ancien président français, déjà condamné à de la prison ferme et poursuivi dans d’autres affaires, risque gros.
“Ce n’est pas sa première convocation au tribunal. Il pourrait d’ailleurs s’y rendre avec son bracelet électronique. Mais c’est sans conteste la plus embarrassante pour l’ancien président de la République”, commente la correspondante à Paris du journal belge Le Soir. Le 6 janvier s’est ouvert devant la 32e chambre correctionnelle de Paris le procès de l’affaire dite du “financement libyen” de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy de 2007. “Le fantôme de Mouammar Kadhafi va planer sur un tribunal de Paris”, annonçait The Times, au Royaume-Uni, avant l’ouverture de l’audience. “C’est un procès majeur, complexe et tentaculaire”, relevait La Libre depuis Bruxelles. “C’est peut-être le plus gros scandale de corruption de l’histoire française impliquant un ancien président”, ajoute Die Zeit.
Ce procès prévu pour durer jusqu’au 10 avril “pourrait apporter un éclairage nouveau sur les relations entre le dictateur libyen et l’ancien président français : il est notamment reproché à Nicolas Sarkozy d’avoir reçu jusqu’à 50 millions d’euros de la part du président libyen.
Qui sont les autres principaux prévenus ?
Trois anciens ministres de droite seront assis sur les bancs des prévenus, soupçonnés d’avoir joué les intermédiaires :
Claude Guéant, 79 ans, est jugé pour avoir « pris une part active, voire essentielle, dans la mise en place et l’organisation d’un soutien financier illégal de la campagne présidentielle de 2007 », selon l’ordonnance de mise en accusation signée par les deux juges d’instruction. « Postérieurement à l’élection, il apparaît avoir continué à bénéficier des canaux de financement illégaux mis en place », insistent les magistrats. L’ex-secrétaire général de l’Elysée devra notamment s’expliquer sur la somme de 500.000 euros reçue après l’élection présidentielle. Selon lui, il aurait touché cet argent en vendant deux tableaux du peintre hollandais Andries Van Eertvelt à un acheteur anonyme par l’intermédiaire d’un avocat malaisien, Sivajothi Rajendram. Pour l’accusation, l’argent aurait servi à rembourser l’un des intermédiaires officieux de ce dossier, l’homme d’affaires Franco-Algérien Alexandre Djouhri, 65 ans, « dans le cadre de cette opération ».
Brice Hortefeux, 66 ans, est pour sa part soupçonné d’avoir participé « à l’organisation de transferts de fonds dans le cadre du financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy par le régime libyen ». L’ancien ministre délégué aux collectivités territoriales aurait aussi joué ce rôle d’intermédiaire avec des proches de Kadhafi lors d’une « visite prétexte en Libye ». Son intérêt dans cette affaire ? Après l’élection de Nicolas Sarkozy, son « ami », il a été nommé ministre de l’Intérieur. La justice le soupçonne également d’avoir « tiré un profit financier personnel ».
Éric Woerth, 68 ans, a été président de l’association de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy. Il lui est reproché d’avoir, à ce titre, utilisé de l’argent liquide « pour régler des notes de frais non reportées dans le compte de campagne, mais également des salaires de chauffeurs, et plus généralement des rémunérations non déclarées ». Selon lui, cet argent proviendrait de « dons anonymes », reçus « par courriers ou par dépôts », qui « n’avaient pas été entrés en comptabilité ». Les juges d’instruction estiment que l’ancien ministre du Budget avait la « volonté de dissimuler l’origine réelle des fonds ayant circulé durant cette période ». Ils soulignent d’ailleurs que, selon un autre intermédiaire officieux, le franco-libanais Ziad Takieddine – en fuite au Liban –, des « valises remises à Claude Guéant contenaient elles aussi de grosses coupures », environ 5 millions d’euros.
Thierry Gaubert, 73 ans, a été le chef adjoint du cabinet de Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de la Communication de 1993 à 1994. Dans ce dossier, il est soupçonné d’avoir reçu, de la part de Ziad Takieddine, la somme de 440.000 euros en février 2006. De l’argent versé sur un compte ouvert aux Bahamas « dont il était bénéficiaire économique », et ce « dans une temporalité proche et compatible avec un possible financement de la campagne électorale » de l’ancien président de la République. Il a d’ailleurs effectué, remarquent les magistrats instructeurs, des « retraits d’espèces significatifs en 2006 et 2007 ».
Quelles peines encourent-ils ?
Claude Guéant : Dix ans d’emprisonnement et 750.000 euros d’amende jusqu’à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment.
Brice Hortefeux : Dix ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende.
Ziad Takieddine : Dix ans d’emprisonnement et de 375.000 euros d’amende jusqu’à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment.
Nicolas Sarkozy : Dix ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende.
Éric Woerth : Un an d’emprisonnement et 3.750 euros d’amende.
Alexandre Djouhri : Dix ans d’emprisonnement et 750.000 euros d’amende jusqu’à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment.
Thierry Gaubert : Dix ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende.
Leave feedback about this