Le président français Emmanuel Macron a accu sé mercredi, depuis le
Bénin, la Russie d’être «une des dernières puissances impériales coloniales» après avoir lancé «une guerre territoriale» en Ukraine.
A COTONOU COMME A YAOUNDE, MACRON AC CUSE LA RUSSIE D’ETRE «UNE DES DERNIERES PUISSANCES IMPERIALES COLONIALES».
«La Russie a lancé une offensive contre l’Ukraine, c’est une guerre territoriale qu’on pensait disparue du sol européen, c’est une guerre du début du XXe, voire du XIXe siècle. Je parle sur un continent (l’Afrique, NDLR) qui a subi les impéria lismes coloniaux», a-t-il indiqué lors d’une conférence de presse avec son homologue béninois Patrice Talon à Cotonou
«La Russie est l’une des dernières puissances impériales coloniales» en décidant «d’en vahir un pays voisin pour y dé fendre ses intérêts», a-t-il affirmé. Macron oublie l’agression occidentale de 1999 contre la Yougoslavie, pour appuyer la sécession du kosovo …
Pour le président français, en tournée africaine au même moment que le chef de la di plomatie russe Sergueï Lavrov, «la Russie a commencé un nouveau type de guerre mon diale hybride». «Elle a décidé que l’information, l’énergie et l’alimentation étaient des ins truments militaires mis au ser vice d’une guerre impérialiste continentale contre l’Ukraine»,
a-t-il tonné, affirmant vouloir «qualifier dans les termes les plus crus ce qui se passe aujourd’hui».
Selon lui, ce sont les Russes qui créent des «déséquilibres malgré toutes les tournées diplomatiques et la désinformation qu’ils font à travers le monde» et la Russie est «l’un des pays qui, avec le plus de force, utilise des instruments de propagande», notamment via les chaînes de télévision Rus
sia Today et Sputnik.
Oubliant que c’est Washigton
et Bruxelles, qui ont déclen ché la guerre des sanctions contre Moscou, Il a également de nouveau dénoncé le «chan tage» de Moscou sur l’alimen tation, «parce que c’est eux qui ont bloqué les céréales en Ukraine» mais aussi sur l’éner gie avec les Européens. «Je pense qu’il est sage de la part des Européens de ne pas s’ex poser à ces stratégies, parce que c’est l’un des éléments de cette guerre hybride», a-t-il ajouté.
Emmanuel Macron avait déjà vivement critiqué Moscou la veille, lors de sa visite au Cameroun, disant vouloir «tordre le cou à beaucoup de contrevérités».
Au même moment, Sergueï Lavrov, a estimé de son côté en Ouganda que la Russie n’était pas responsable des «crises de l’énergie et des denrées
alimentaires», dénonçant «une campagne très bruyante autour de cela».
Les livraisons de gaz à l’Europe via le gazoduc Nord Stream ont, comme annoncé par l’énergéticien russe Gazprom, baissé mercredi à près de 20% des capacités du gazoduc, selon les données de l’opérateur allemand Gascade, renforçant les risques de pénurie cet hi ver dans plusieurs pays européens.
LAVROV MET L’AFRIQUE EN GARDE CONTRE L’OCCI DENT : «ILS N’HESITERONT PAS A FAIRE DE MEME A TOUT AUTRE PAYS QUI LES ENERVERAIT D’UNE MA NIERE OU D’UNE AUTRE»
Le ministre russe des Affaires étrangères a appelé mercredi à Addis Abeba, en Éthiopie, les pays en développement, notamment africains, à ne pas soutenir un monde régi par les États-Unis, les avertissant qu’ils pourraient être les prochains à subir les foudres américaines.
«C’est à nous de décider si nous voulons un monde où un Occident (…) totalement inféo dé aux États-Unis (…) estime qu’il a le droit de décider quand et comment promouvoir ses propres intérêts sans respecter le droit international», a déclaré Sergueï Lavrov.
- Lavrov s’adressait à un par terre de diplomates majoritaire ment africains à l’ambassade de Russie en Éthiopie, dernière étape d’une mini-tournée afri caine qui l’a aussi conduit en Égypte, au Congo-Brazzaville et en Ouganda.
Lors de son séjour d’une vingtaine d’heures à Addis Abeba, siège de l’Union africaine (UA), M. Lavrov s’est notamment en tretenu avec son homologue éthiopien Demeke Mekonnen, également vice-Premier ministre. Mais il n’a rencontré aucun responsable de l’UA, officiellement pour cause d’in compatibilité d’agendas.
«L’Occident a créé un système basé sur certains principes – économie de marché, concurrence loyale, inviolabilité de la propriété privée, présomption d’innocence…: tous ces principes ont été jetés à l’égout quand il s’est agi de faire ce qui leur semblait nécessaire pour punir la Russie», a expliqué Sergueï Lavrov. «Et je n’ai pas le moindre doute que si besoin est, ils n’hésiteront pas à faire de même à tout autre pays qui (…) les énerverait d’une manière ou d’une autre», a-t-il ajouté.
Selon le chef de la diplomatie russe, «nous traversons une période historique très impor tante. Une période où nous déciderons tous dans quel univers nous allons vivre, pour nos en fants et nos petits-enfants: un univers basé sur la charte des Nations unies (…) ou un monde où domine le droit basé sur la force, la loi du plus fort».
Il a nié que la Russie, du fait de son intervention en Ukraine,
soit responsable de l’actuelle flambée des prix alimentaires et de l’énergie, durement res sentie en Afrique, invoquant notamment la pandémie de Co vid-19 et les politiques de tran sition énergétiques aux États Unis et en Europe.»Oui, la situation en Ukraine a un effet additionnel négatif sur les mar chés alimentaires. Mais pas en raison de ‘l’opération spé ciale russe en Ukraine’, plutôt à cause de la réaction absolu ment inadéquate de l’Occident qui a annoncé des sanctions et a déstabilisé la disponibilité de la nourriture sur les marchés», a-t-il martelé.
LE VRAI VISAGE DU NEOCO LONIALISME FRANÇAIS : FRANCAFRIQUE, L’EMPIRE QUI NE VEUT PAS MOURIR
Un ouvrage collectif retrace
quatre-vingts ans d’histoire des relations franco-africaines et démontre que la « Françafrique » est un système de domination bien vivant, malgré ses mutations. Un rappel salutaire au moment où Macron ment sans vergogne.
* L’Empire qui ne veut pas mou rir –
Une histoire de la Françafrique Thomas Borrel, Amzat Bouka ri-Yabara, Benoît Collombat, Thomas Deltombe
« Foutez-moi la paix avec vos nègres » (de Gaulle à Foccart)
LA NOUVELLE HISTOIRE DE LA FRANCAFRIQUE
A Paris comme à Yaounde, on entend de toute part le même
refrain : « La Françafrique est morte et enterrée ! « Pourtant, de Ouagadougou à Libreville, de Dakar à Yaoundé, de Ba
mako à Abidjan, la jeunesse se révolte contre ce qu’elle perçoit comme une mainmise française sur son destin. Quinze ans après la Seconde Guerre mondiale, la France a officiel lement octroyé l’indépendance à ses anciennes colonies africaines.
Une liberté en trompe l’oeil.
EN REALITE, PARIS A PER PETUE L’EMPIRE FRANÇAIS SOUS UNE AUTRE FORME : LA FRANÇAFRIQUE.
Un système où se mêlent des mécanismes officiels, assumés, revendiqués (militaires, monétaires, diplomatiques, culturels…), et des logiques de l’ombre, officieuses, souvent criminelles. Un système érigé contre les intérêts des peuples, avec l’assentiment d’une partie des élites africaines et qui pro
fite toujours aux autocrates africains « amis de la France «. Un système que tous les présidents français ont laissé prospérer, Macron comme les
autres, en dépit des promesses de « rupture «. Exceptionnel par son ampleur, inédit par son contenu, cet ouvrage re
trace cette histoire méconnue, depuis les origines coloniales de la Françafrique jusqu’à ses évolutions les plus récentes. Rédigées par des spécialistes reconnus – chercheurs, journalistes ou militants associatifs -, les contributions rassemblées dans ce livre montrent que le système françafricain, loin de se déliter, ne cesse de s’adap ter pour perdurer.
« FRANÇAFRIQUE : L’EM PIRE CONTRE-ATTAQUE »⠀ ⠀
« Combien de pages faut-il pour convaincre un pays de se regarder en face ? Avec la parution ce jeudi 7 octobre de « L’empire qui ne veut pas mourir. Une histoire de la Françafrique » (Seuil), on tient une réponse :⠀
C’est beaucoup » dit Media part. « Ce n’est pas trop. Il faut bien 1 008 pages pour documenter pour la première fois de manière aussi complète le système de domination et de prédation qu’on appelle « Françafrique », sa genèse, l’étendue de ses crimes, ses instruments, ses cerveaux et ses petites mains, ses dissimulations et ses formes contemporaines. Il faut bien s’y mettre à vingt-six (le nombre de contributeurs de l’ouvrage) pour tirer les conséquences déplaisantes de cet examen historique : la France n’a pas cessé d’être un empire.⠀
Le hasard est parfois facétieux : « L’empire qui ne veut pas mourir » sort la veille du « Nouveau Sommet Afrique-France » organisé par la présidence française pour « réinventer la relation » entre la France et le continent. Une contre-programmation au dacieuse mais involontaire. La date du sommet, initialement prévu du 8 au 10 juillet, est venue se caler fortuitement sur celle de la publication du livre après un report pour cause de situation sanitaire ».⠀
«Sa lecture devrait en tout cas suffire à pulvériser l’exercice de communication présidentielle – on ne solde pas quatre-vingts ans d’ingérences, de crimes et de prédation par un « dialogue » longuement préparé avec dix « jeunes » que l’on a soi-même choisis, si méritants soient-ils» . »⠀ ⠀
« UN MORT BIEN VIVANT »
Les coordonnateurs du livre en conviennent en introduction : le mot « Françafrique (respective ment historien, porte-parole de l’association Survie, journaliste) est un peu défraîchi, assimilé avec méfiance au monde mi litant qui l’a popularisé, pointé pour ses supposées outrances.
Pour beaucoup, il évoque un homme – Jacques Foccart, « monsieur Afrique » des pré sidents de Gaulle et Pompi dou –, des méthodes et une époque que certains disent « révolus ». Mais on sait bien sur Afrique Média que Le Drian, le M. Afrique de Hollande et Macron, est la copie-carbonne de Foccart ! Pourtant Foccart est mort en 1997 et pas un président français depuis n’a cessé de clamer la « fin » de la
Françafrique. N’a-t-on d’ailleurs pas renommé depuis 2005 les sommets « France-Afrique » en sommets « Afrique-France » ?
Pourtant, « il ne suffit pas de décréter la “fin” de la Fran çafrique pour que s’évapore cet encombrant héritage », re lèvent les auteurs. Si Foccart est bien mort, le système qui l’a produit (et qu’il a perfectionné en retour) lui a survécu.
Mais de quel système parle-t on exactement ? Constatant que le mot « Françafrique » est souvent brandi mais rarement défini, les quatre coordonna teurs du livre en proposent une définition. La Françafrique, postulent-ils, est « un système de domination fondé sur une alliance stratégique et asy métrique entre une partie des élites françaises et une partie de leurs homologues africaines », qui permet « à ces élites franco-africaines de s’appro prier et de se partager des res sources, économiques, mais
aussi politiques, culturelles et symboliques, au détriment des peuples africains ».
LES GRANDES ETAPES DE LA FRANCAFRIQUE
1- CHARLES DE GAULLE ET FOCCART :
La définition est large mais prend sens dès lors qu’on entre dans la partie historique du livre (qui débute en 1940). La Fran
çafrique, réussissent à démon trer les auteurs, est en réalité le nom que l’on peut donner à un tour de force (et de passe passe) : elle désigne la manière dont les classes dirigeantes françaises ont réussi à garder la main sur les ressources du continent africain malgré les in dépendances.
Deux copieuses parties histo riques reviennent sur ces « in dépendances piégées », soit la manière dont les représentants de l’État français se sont peu à
peu résolus à l’idée d’octroyer une indépendance « formelle » à leurs anciennes colonies pour mieux perpétuer un « impérialisme informel ». Une stratégie résumée en 1959 par de Gaulle : « Nous avons grand avantage à passer le témoin à des responsables locaux, avant qu’on nous arrache la main pour nous le prendre. »
Des responsables locaux dû ment choisis pour leur loyau té vis-à-vis de la France. Au Cameroun, les nationalistes de l’Union des populations du Cameroun sont combattus par la surveillance, l’infiltra tion, le harcèlement judiciaire, avant d’être internés dans des camps, torturés et assassinés – jetés du haut des chutes d’eau du pays bamiléké ou fusillés. En Guinée, la France émet de la fausse monnaie pour ruiner le pays et ainsi sanctionner le régime de Sékou Touré, qui a osé prendre son indépendance dès 1958.
– LE « TEMPS DE LA RECON QUETE », ENFIN, S’OUVRE EN 2010 : RECONQUETE DES CŒURS ET DES ESPRITS, RECONQUETE MILITAIRE MAIS AUSSI RECONQUETE DE PARTS DE MARCHE.
Suivent trois autres parties his toriques, sur la « folie des gran deurs » des présidences Pom pidou et Giscard d’Estaing – où
le système françafricain s’épa nouit dans ses aspects les plus grossiers, des parties de chasse de VGE aux sinistres aventures des mercenaires français –, la « fausse alternance » des an nées Mitterrand et le retour à une « Françafrique décom plexée » sous les mandats de Jacques Chirac et Nicolas Sar kozy.
Le « temps de la reconquête », enfin, s’ouvre en 2010 : re conquête des cœurs et des esprits dans un contexte de dé fiance renouvelée des opinions africaines face à la politique française et de concurrences
(chinoise, turque, russe…), re conquête militaire avec les opé rations extérieures en Centra frique et au Sahel, mais aussi
reconquête de parts de marché, avec la « diplomatie économique » impulsée par Laurent Fabius et mise au service des champions de la « Françafrique entrepreneuriale » – Vincent Bolloré a l’honneur d’un chapitre à son nom. Vincent Bolloré avec le président guinéen, Alpha Condé, lors de l’inauguration du service de transport ferroviaire Blueline.
Tout au long de cette progression, les auteurs s’attellent à raconter aussi bien les « mécanismes occultes, souvent il légaux, parfois criminels » du système françafricain – cor ruption, financements illégaux, fraudes électorales, coups
d’État, assassinats – que ses mécanismes officiels, visibles et assumés par les États, dont on a tendance à oublier de s’in
digner, de l’encadrement mo nétaire par le franc CFA à la présence continue de bases militaires.
3- CRAPULERIES D’ANTAN ET D’AUJOURD’HUI
On l’a dit : ces 1 008 pages ne sont pas de trop. L’empire qui ne veut pas mourir est un pavé bien tassé, mais la somme est justifiée. D’abord, tout simple
ment, parce qu’elle fait œuvre de recension : mettant bout à bout des travaux produits à des époques et par des mi
lieux divers (universitaire, journalistique, militant), digérant et donnant sens à des milliers de sources, et balisant ainsi ce qui devrait être un champ d’études en soi – étudié, discuté, docu menté, débattu, enrichi.
La somme est justifiée, ensuite,
parce qu’elle évite le risque ma jeur qui guettait ses auteurs et autrices : devenir un catalogue. Pourquoi et comment une par tie des élites africaines a-t-elle contribué à détruire les espoirs des indépendances ? D’où écrit-on l’histoire ? Qu’est-ce qui définit la « puissance » d’un État ? Comment les échanges avec le continent africain transforment-ils, en retour, les classes dirigeantes françaises ? Les questions qui traversent l’ouvrage lui donnent un sens et une épaisseur qui en font bien plus qu’un simple « dictionnaire de la Françafrique ».
Parcourir d’une traite quatre vingts années de relations franco-africaines a une autre vertu. En mettant côte à côte pratiques des années 1950, 60 ou 70 et pratiques des an nées 2010, en racontant avec le même ton (accessible sans être simpliste) et la même ri gueur Omar Bongo et Ziad Ta kieddine, Pierre Messmer et
Vincent Bolloré, Hubert Védrine et Patrick Balkany, renverse ment de Bokassa en 1979, af faires d’hier (Elf, « biens mal acquis »…) et d’aujourd’hui (Sarkozy-Kadhafi), intrigues du SDECE et de la DGSE, le livre édité par le Seuil permet de se rendre compte que rien, foncièrement, ne distingue crapuleries d’hier et d’aujourd’hui, si ce n’est notre absence de recul et une forme de naïveté vou lant que les sales coups appar tiennent forcément au passé.
Un tel inventaire réfute l’idée que crimes, corruptions et ré pressions ne seraient que des « dérives » : leur constance fait système.
DECENTRAGES HISTO RIQUES
Si les chapitres qui retiendront le plus l’attention sont certaine ment ceux portant sur la période contemporaine – « nouveauté » oblige –, les parties histo-
riques sont tout aussi riches. Certes, ces grandes lignes sont connues de qui s’intéresse au continent africain et à cette pé
riode. Mais un méticuleux tra vail d’archives leur donne une lumière nouvelle.
Leurs auteurs ne font pas que retrouver l’origine exacte du mot « Françafrique » qui, contrairement à une idée ré
pandue, n’a pas été inventé par Félix Houphouët-Boigny. Ils mettent également en avant le rôle central de François Mit
terrand (et de sa relation avec Houphouët-Boigny, justement), proposent des découpages chronologiques contre-intuitifs mais éclairants (la partie sur les « indépendances piégées » débute non pas en 1960, année où dix-sept États africains ac
cèdent à l’indépendance, mais en 1957) et rendent le tout par ticulièrement incarné grâce à des verbatim hauts en couleur.
On découvre un de Gaulle ordu rier et méprisant pour ses pairs africains (« Foutez-moi la paix
avec vos nègres », lance-t-il à Foccart), un Mitterrand poète raté (l’Afrique est un « fauve au pelage déchiré par la lèpre et la solitude ») et, globalement, un boy’s club raciste, testostéro
né et satisfait de lui-même. Le portrait de groupe n’épargne d’ailleurs pas la profession de journaliste, dont un représentant (Pierre Biarnès, correspondant du Monde à Dakar dans les années 1960-1970) illustre jusqu’à l’absurde le pire du métier : informateur pour les renseignements français, ami des autocrates, se répandant en anecdotes salaces sur les femmes africaines et louant les proxénètes qui lui permettent de « trouve[r] encore des putes blanches ».
– DERRIERE LES FAUSSES « RUPTURES »
On ressort de L’empire qui ne voulait pas mourir avec des questions mais aussi la force que donne la connaissance his
torique. Le temps long prémunit contre les fausses nouveautés
et les ruptures cosmétiques.
Emmanuel Macron veut « réinventer la relation » fran co-africaine et rompre avec les pratiques du passé ? Nicolas Sarkozy, François Hollande ou encore Manuel Valls l’ont eux aussi répété à l’envi en leur temps – sans changement ma jeur. Il encourage en 2017 « ceux qui en Afrique […] veulent faire souffler le vent de la liberté et de l’émancipation » ? Valéry Giscard d’Estaing vibrait en 1974 pour « la cause de la liberté et du droit des peuples, je dis bien des peuples, à dis poser d’eux-mêmes ». Fran çois Mitterrand s’enflammait en 1981 pour la « non-ingérence » et la « libre détermination des peuples ». L’un terminera son mandat par la calamiteuse af faire dite « des diamants » de Bokassa, l’autre compromettra la France avec le régime géno cidaire rwandais.
Les craintes de la « Chinafrique » succèdent à la crainte des « Anglo-Saxons » dans les années 1950, des « communistes » dans les années 1960-70, des États-Unis dans les années 1990, des russes aujourd’hui.
Les milieux militaires et diplo matiques français alertent sur la « perte d’influence » française face aux avancées chinoises, russes ou turques sur le conti nent ? Les auteurs de L’empire qui ne veut pas mourir rap pellent que dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, « les difficultés que la France ren contre dans ses colonies sont presque toujours imputées à des “influences extérieures” » : les craintes de la « Chinafrique » succèdent à la crainte des « Anglo-Saxons » dans les an nées 1950, des « communistes » dans les années 1960-70, des États-Unis dans les années 1990.
On se satisfait de l’ambitieuse politique française « d’aide au développement » en direction du continent ? La promesse de « développement » était déjà au cœur de la conférence de Brazzaville, en 1944 – et les
milliards envoyés vers les colo nies y étaient (déjà) largement captés par des entreprises mé tropolitaines.
– LA FRANCE REPETE QU’AU SAHEL LES OPERA TIONS MILITAIRES DOIVENT « S’AFRICANISER » (REPO SER DAVANTAGE SUR LES ARMEES AFRICAINES) ?
Le gouvernement Jospin faisait de l’« africanisation » l’une des clés de sa « nouvelle doctrine » concernant les opérations extérieures… en 1997.
Le nouveau « Nouveau Som met » Afrique-France a-t-il dé menti les pronostics, en étant autre chose qu’une énième promesse de rupture cachant mal la persistance d’un impé rialisme français, certes mo dernisé ? L’intellectuel came rounais Achille Mbembe, qui a participé à son organisation, a mis de côté ses critiques du « militarisme et du mercantilisme » français pour organiser le « dialogue » entre le président français et les jeunesses afri
caines, et contribuer à une « politique des petits pas ».
Les auteurs de L’empire qui ne voulait pas mourir lui opposent l’histoire : « Comment croire pourtant que “dialogue” et “pe
tits pas” permettront de mettre fin à la Françafrique ? Ce sys tème évolutif n’a-t-il pas fait la preuve, depuis des décennies, de sa capacité à s’adapter aux évolutions du monde et à digé rer les critiques pour mieux se réinventer ? »
Luc MICHEL (Люк МИШЕЛЬ)