Lors d’une audience au Palais de justice du Plateau le 15 mai, à Abidjan, les avocats des deux parties ont discuté de la pertinence de la procédure de Valérie Yapo pour obtenir l’annulation de son exclusion temporaire du PDCI, au lendemain de la réélection de Tidjane Thiam.
Devant une salle d’audience bondée, Me Alain Bokola est le premier à prendre la parole ce 15 mai. À ses côtés, sa cliente, Valérie Yapo, se tient à la barre. Il loue son courage et son parcours au sein de sa famille politique, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), qu’elle attaque aujourd’hui devant la juge. <«<Lors du coup d’État de 1999, alors que les fusils tonnaient encore, Valérie Yapo a coorganisé une conférence de presse au Novotel pour dénoncer ce coup de force. Pendant ce temps, d’autres fuyaient le pays pour ne revenir que vingt–trois ans plus tard », lance l’avocat. Il énumère plusieurs moments charnières pendant lesquels sa cliente s’est engagée pour défendre les intérêts du «vieux parti ».
Depuis quelques mois, Valérie Yapo et le PDCI sont à couteaux tirés. Cette militante demande l’annulation de son exclusion temporaire, prononcée par le conseil de discipline le 3 octobre 2024. Pour son avocat, les organes qui ont pris cette décision n’étaient pas habilités à le faire. Selon lui, elle aurait dû être sanctionnée par le congrès et non par le conseil de discipline. << Au moment où nous préparions ce dossier, c’est M. Thiam lui–même qui a déclaré avoir renoncé à sa nationalité française«<, plaide Alain Bokola, qui estime que Thiam ne remplissait donc pas les conditions pour être élu à la tête du parti selon la loi. Il demande l’annulation de la sanction et << un franc
symbolique pour le préjudice subi »>.
<<< Vous allez prendre une décision pour annuler celles d’un président qui ne l’est plus », s’énerve Rodrigue Dadjé, l’un des avocats du PDCI. «Tidjane Thiam a démissionné, le président par intérim a annulé tous les organes qu’il a créés. […] [Valérie Yapo] demande la mise en place d’une administration provisoire suivant l’article 40 de nos statuts. C’est ce qui a été fait il y a quelques jours, avec la désignation du doyen d’âge des vice–présidents, Ernest N’Koumo Mobio, comme président par intérim. C’est de l’acharnement ! » ajoute–t–il. Le 11 mai dernier, ce fut le coup de théâtre lorsque Tidjane Thiam a démissionné de son poste de président du parti, avant d’être réélu le 14 mai lors d’un congrès « éclaté ». Fin mars, Thiam avait levé les sanctions contre plusieurs cadres, dont Valérie Yapo.
<<<< Ce n’est pas la victime qui pleure, mais l’auteur des coups »
Pour les avocats du PDCI, la poursuite de cette procédure judiciaire n’a pour objet que de revenir sur la question de la nationalité de Tidjane Thiam. << En réalité, c’est un contentieux de la nationalité qui est engagé. Seul le procureur de la République est compétent en la matière »>, insiste Me Émile Suy Bi. Alors que les avocats de Thiam continuent de clamer que leur client est né Français et que, par conséquent, l’article 48 du code de la nationalité ne s’applique pas à lui, celui de Valérie Yapo s’est appliqué à réfuter cet argument.
Côte d’Ivoire : tout comprendre au débat sur l’inéligibilité de Tidjane Thiam
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<<< Ce n’est pas la victime qui pleure, mais l’auteur des coups », s’est indigné Alain Bokola. << La justice n’est pas
un office du PDCI. On ne peut pas dire que cette affaire est devenue sans objet. Ma cliente réclame un franc symbolique de dommages et intérêts pour tout ce qu’elle a subi», a–t–il martelé. Rodrigue Dadjé s’approche de lui et lui glisse un billet de 1000 francs entre les mains. << C’est fini maintenant », dit–il, sous les rires de la salle. La plaisanterie semble moyennement appréciée par la juge, qui réclame le silence avant de mettre fin aux débats. Le
délibéré est fixé au 22 mai.
<<< Si je n’avais pas saisi la justice, ils ne m’auraient jamais réintégrée. Leur objectif, c’est de me chasser du PDCI parce que je dénonce la tricherie de M. Thiam à la tête du PDCI. Il ne remplissait pas les conditions pour être éligible. La question de sa nationalité s’est ajoutée au moment où il a avoué s’être libéré de son allégeance française », a déclaré Valérie Yapo au sortir de l’audience.
Destitution de Tidjane Thiam: au PDCI, les coulisses de l’opération de la dernière chance
En procédant à une réélection express de son président, le PDCI a pour l’instant évité l’éventualité d’une destitution de Thiam, car la procédure actuelle vise la période antérieure à la renonciation à sa nationalité. Mais plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer les conditions d’organisation de cette nouvelle élection. Mercredi, à quelques minutes de l’annonce des résultats,
la juge des référés a estimé irrecevable une plainte en annulation du congrès. « Ce congrès pourrait lui–même être contesté»>, a estimé Valérie Yapo, qui a dénoncé un événement organisé «< sans ouverture, sans président, sans secrétaire général, sans rapporteur ni contrôle >>.
Jean Moliere : JA
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