16 janvier 2025
Paris - France
POLITIQUE

François Bayrou nommé Premier ministre , Emmanuel Macron met la balle au centre

« Un Himalaya devant nous » : les trois moments de la passation de pouvoir entre Michel Barnier et François Bayrou qu’il ne fallait pas manquer
En deux discours brefs, l’ancien et le nouveau locataire de Matignon se sont passé le témoin dans une ambiance solennelle mais loin d’être hostile.

Le cérémonial est bien rodé, pour la troisième passation de pouvoir de l’année à Matignon. Le nouveau maître des lieux pénètre dans la cour, foule le tapis rouge et grimpe l’escalier tout en étant accueilli par son prédécesseur. François Bayrou a tracé en quelques minutes, vendredi 13 décembre, les grandes lignes de son action alors qu’il va désormais s’atteler à la tâche de former son gouvernement. Peut-être certains membres de l’équipe sortante qui se massaient dans l’assistance, de Bruno Retailleau à Anne Genetet, caressent-ils l’espoir de prolonger leur mission ministérielle à l’Intérieur ou à l’Education.

La « réconciliation », « seul chemin possible vers le succès »

Le nouveau Premier ministre n’a pas minimisé l’ampleur de sa tâche, dans un discours long de 10 minutes. « Je sais que les chances de difficultés sont beaucoup plus importantes que les chances de succès. Je n’ignore rien de l’Himalaya qui se dresse devant nous. (…) Je sais tout ça. Je pense qu’il faut essayer. » L’ancien haut-commissaire au Plan espère trouver un « chemin inédit » vers la réconciliation, seule manière selon lui que son gouvernement dure.

Le Palois n’a pu s’empêcher d’évoquer en ce 13 décembre l’anniversaire d’Henri IV, « un ami pour [lui]« , et de se comparer au roi qui a tenté de réconcilier catholiques et protestants à la fin du XVIe siècle. « Il a fondé sa rencontre avec la France dans des circonstances plus difficiles. (…) Si je peux à mon tour, j’essaierai de servir cette réconciliation nécessaire. Je pense que c’est le seul chemin possible vers le succès. »

François Bayrou veut « rendre des chances à ceux qui n’en ont pas »

François Bayrou a présenté ses deux obsessions. « La première, c’est le mur de verre qui s’est construit entre les citoyens et les pouvoirs ». Le nouveau locataire de Matignon a aussi présenté comme un « devoir sacré » de « rendre des chances à ceux qui n’en ont pas ». Un engagement central du programme du candidat Macron en 2017, que François Bayrou avait déjà adoubé à l’époque, et qui peut trouver un écho à gauche.

Il n’a pas nécessairement cherché à marquer sa différence avec Michel Barnier, qui a le même âge que lui (73 ans) et avec qui il partage des engagements anciens, pour l’Europe, comme l’a rappelé le sortant, et au sein de l’éphémère mouvement des Rénovateurs, un aréopage de députés RPR et UDF qui voulait secouer la droite à la fin des années 1980.

« Nous avons remis l’Etat en marche », se félicite Michel Barnier

L’éphémère locataire de Matignon a tiré le bilan de ses trois mois passés à la tête du gouvernement. « Nous avons lancé des chantiers. » Faute de pouvoir mettre en avant des résultats, il a souligné sa méthode (« de la politique autrement avec peu d’effets d’annonce, en parlant moins, en écoutant plus »), ses intentions (« nous avons remis l’Etat en marche »), en rappelant les difficultés : « Je savais depuis le premier jour que le temps de mon gouvernement était compté. »

Il est aussi revenu sur l’épisode du budget, qui lui a coûté sa place. « Nous étions proches d’un accord équilibré, notamment au Sénat. Ce déficit n’a pas disparu depuis la motion de censure. » « Notre pays est dans une situation inédite et grave », a-t-il mis en garde. « Je continue à croire que notre pays a besoin d’apaisement, de dignité, de réconciliation. » Ce n’est plus lui désormais qui est chargé de cette délicate mission.

François Bayrou les huit moments clés de sa carrière

François Bayrou a été nommé Premier ministre par le chef de l’État ce vendredi. Cette nomination intervient après la chute du gouvernement de Michel Barnier suite à l’adoption d’une motion de censure déposée par la gauche. Retour sur les huit moments clés de la carrière politique du maire de Pau.

Le maire de Pau, François Bayrou a été nommé Premier ministre par le président de la République. © AFP – Ludovic Marin

François Bayrou est devenu ce vendredi 13 décembre le 28e Premier ministre de la Ve République. Emmanuel Macron a annoncé avoir choisi le maire de Pau pour composer et conduire la nouvelle équipe gouvernementale. Le chef de l’État a fait part de sa décision neuf jours après le renversement du gouvernement de Michel Barnier, consécutif à l’adoption d’une motion de censure déposée par la gauche à l’Assemblée nationale.

Le président du MoDem avait déjà été pressenti pour intégrer le gouvernement de Gabriel Attal début février, après avoir été relaxé par la justice dans l’affaire des assistants d’eurodéputés de son parti. François Bayrou, allié d’Emmanuel Macron depuis son ascension vers l’Élysée, nommé ministre de la Justice en mai 2017, avait quitté le gouvernement quelques semaines plus tard, en raison de cette affaire. France Bleu revient sur les moments clefs de la carrière politique de ce fils d’agriculteurs, né le 25 mai 1951 à Bordères (Pyrénées-Atlantiques).

Le ralliement à Emmanuel Macron

Le 22 février 2017, depuis le siège du Modem à Paris, François Bayrou annonce qu’il ne sera pas candidat à l’élection présidentielle. Face à la « flambée de l’extrême droite, le pire des risques », il fait une « offre d’alliance » à Emmanuel Macron, qui l’accepte. Cette offre de François Bayrou est assortie de certaines « exigences d’intérêt général », et surtout « une loi de moralisation de la vie publique, en particulier de lutte déterminée contre les conflits d’intérêts ».

L’effet de surprise est total en Béarn. Après la victoire d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, le maire de Pau est nommé garde des Sceaux et ministre de la Justice en mai 2017.

Relaxé dans l’affaire des assistants d’eurodéputés du Modem

François Bayrou quitte le gouvernement le 21 juin 2017, quelques semaines après sa nomination comme garde des Sceaux et ministre de la Justice. Il indique qu’il « souhaite se défendre » dans l’enquête sur les assistants parlementaires du MoDem, le parti centriste qu’il dirige, et cela « simplifie la situation ». Cette enquête, ouverte par le parquet de Paris quelques jours plus tôt, vise à déterminer si le MoDem a employé des collaborateurs aux frais du Parlement européen où ils auraient occupé des emplois fictifs d’attachés parlementaires.

François Bayrou est finalement renvoyé devant le tribunal correctionnel pour complicité de détournements de fonds publics. Le président du Modem nie fermement les accusations d’existence d’un système de détournement de fonds, dont le ministère public l’accuse pourtant d’être le chef d’orchestre, le « décideur principal », pendant le procès qui se déroule du 16 octobre au 21 novembre 2023. Durant les cinq semaines d’audience, le maire de Pau a une pensée pour Marielle De Sarnez, ex-députée européenne et vice-présidente du MoDem, morte en janvier 2021 d’une leucémie. Mise en examen dans cette affaire, François Bayrou se dit convaincu que les poursuites judiciaires l’ont rongé au point d’en mourir. Le tribunal correctionnel de Paris tranche le 5 février dernier : François Bayrou est relaxé « au bénéfice du doute ». Après le prononcé de la décision, il parle de la fin d’un « cauchemar » et d’un « gâchis politique, humain et financier ».

Trois fois candidat à la présidentielle

Le Béarnais a toujours voulu que l’UDF reste une force politique centriste indépendante. C’est pour cela qu’en 2002, il représente son courant à l’élection présidentielle en se présentant pour la première fois sa candidature à la présidence de la République. Lors de cette campagne, quartier de la Meinau à Strasbourg, il gifle un garçon de onze ans en lui lançant « tu ne me fais pas les poches », un « réflexe de père de famille » dit-il qui le popularise. François Bayrou termine quatrième au premier tour, avec 6,84% des voix.

Cinq ans plus tard, François Bayrou crée la surprise en s’imposant comme le troisième homme de l’élection présidentielle, derrière Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Avec un discours axé notamment sur l’exigence d’intégrité dans la vie politique française, d’une véritable séparation des pouvoirs, le Béarnais recueille près de 19 % des suffrages au premier tour.

François Bayrou se présente pour la troisième fois en 2012, en appelant toujours à rassembler la gauche et la droite. Il termine cinquième, derrière Nicolas Sarkozy, François Hollande, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.

La mairie de Pau

François Bayrou est élu maire de Pau pour la première fois en mars 2014 avec près de 63% des voix. La Ville bascule à droite après 43 ans aux mains des socialistes. « C’est une transition symbolique […] J’ai la ferme intention de changer beaucoup la manière dont les élus et la population sont reliés, je veux que ce soit simple, direct (…) et s’il y a des mauvaises surprises, je le dirai aux Palois » réagit le nouveau maire au micro de France Bleu Béarn.

François Bayrou est réélu maire de Pau en 2020. Il s’était déjà présenté aux élections municipales dans la préfecture des Pyrénées-Atlantiques en 1989. Il avait perdu au second tour face au maire socialiste sortant, André Labarrère, en recueillant 48% des voix. Il avait aussi perdu en mars 2008, battu par la socialiste Martine Lignières-Cassou.

François Bayrou, nouveau maire de Pau, lors de la session inaugurale du conseil municipal le 4 avril 2014. © AFP – Mehdi Fedouach
Émanciper le centre de la droite

Élu président de l’UDF en 1998, François Bayrou rêve d’émanciper le centre de la droite. En 2002, il prône une ligne politique autonome, séparée de celle du RPR. Il s’oppose ainsi logiquement à l’idée d’un parti unique, mais l’UMP est fondé en novembre. Si deux tiers des élus de l’UDF rejoignent ce nouveau parti, ce n’est pas le cas de François Bayrou.

À l’issue de l’élection présidentielle de 2007, fort de sa troisième place, François Bayrou crée le Mouvement Démocrate avec plusieurs de ses partisans, notamment Marielle De Sarnez. Il en devient président. Fidèle à la stratégie d’indépendance vis-à-vis de la droite porté par le Béarnais, le MoDem se positionne comme un parti d’opposition à Nicolas Sarkozy, récemment élu président de la République.

François Bayrou au Parlement européen

En 1999, François Bayrou, élu à la tête de l’UDF un an plus tôt, mène la liste centriste aux élections européennes. Élu au parlement de Strasbourg, il défend notamment sa vision d’une « Europe des peuples et d’une construction communautaire qu’il juge indispensables dans un monde qui a changé d’échelle », indique le Modem sur son site internet.

Nommé ministre de l’Éducation nationale

En 1993, succédant à Jack Lang, François Bayrou est nommé ministre de l’Éducation nationale dans le gouvernement de cohabitation d’Édouard Balladur. Il veut donner la priorité aux fondamentaux : renforcement de l’apprentissage du français et des mathématiques, cours de remise à niveau en petits groupes dès la sixième etc. Il va aussi introduire les langues vivantes à l’école ou encore créer des filières pour le baccalauréat (S, ES, L, STT, STL et STI).

Ministre de l’Éducation nationale, François Bayrou souhaite aussi réformer la loi Falloux pour permettre aux collectivités locales de subventionner les investissements des établissements d’enseignement privé. Son projet, contesté, provoque de grosses manifestations de défense de l’école laïque.

Opposé à la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Jacques Chirac en 1997, François Bayrou quitte le ministère de l’Éducation nationale.

François Bayrou, ministre de l'Éducation Nationale, dans une école maternelle d'Orléans lors de la rentrée scolaire 1993/94.François Bayrou, ministre de l'Éducation Nationale, dans une école maternelle d'Orléans lors de la rentrée scolaire 1993/94.
François Bayrou, ministre de l’Éducation Nationale, dans une école maternelle d’Orléans lors de la rentrée scolaire 1993/94. © AFP – Gérard Fouet
Premier mandat politique à l’âge de 31 ans

Après avoir obtenu son agrégation de lettres classiques à 23 ans à l’université de Bordeaux, François Bayrou débute dans l’enseignement. Il commence sa carrière dans la politique en 1982. Il est élu conseiller général des Pyrénées-Atlantiques dans le canton de Pau-Sud, mandat qu’il conserve jusqu’en 2008, pendant 26 ans.

François Bayrou devient député des Pyrénées-Atlantiques pour la première fois en 1986, sous l’étiquette UDF, à l’âge de 35 ans. Il sera ensuite réélu à l’Assemblée nationale, cinq fois.

Le Béarnais préside aussi le conseil général des Pyrénées-Atlantiques entre 1992 et 2001.

Jean Moliere. / AFP

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