Sous Houphouet-Boigny, une personnalité s’était faite remarquer. Balla Kéita. Originaire nord, il a su s’imposer dans l’entourage du vieux comme un griot : le griot de Nanan Felix Houphouet-Boigny. Cependant à l’avènement de Bédié en 1993, la nouvelle équipe dirigeante commençait à faire des frustrés dont le bouillant Balla Kéita. Il a été progressivement mis à l’écart puis dépourvu de fonctions au sein du PDCI RDA.
Quand arrive le Général Guéi avec qui il avait des accointances, Balla Kéita revient au devant de la scène. Il devient son Conseiller spécial et le Secrétaire Général de l’UDPCI, parti que crée le Général Guéi quand il laisse le tréhi militaire pour briguer la magistrature suprême. D’aucun imagine même qu’il serait à la base des ambitions présidentielles du Général putschiste.
A l’arrivée de Gbagbo Laurent au pouvoir, Balla Kéita se réfugie au Burkina Faso en mars 2001, où il obtient le statut spécial de la Présidence de Ouagadougou. Ce sont les hommes de Gilbert Diendéré qui sont chargé de sa sécurité. Il vit au frais du palais de Ouaga. C’est un hôte de luxe et très important, pour avoir été dans le système de l’Etat ivoirien. Il est bichonné et a désormais le passeport diplomatique burkinabé. Plus important, il est en lien direct avec l’homme fort de Kabakouma. A son insu, son téléphone est sur écoute. Le soir du 22 juillet 2002, il est 23.12 lorsque la sécurité présidentielle informe l’illustre hôte de la visite de celui qu’on nomme désormais le « Général » .
Ibrahim Coulibaly alias IB, se présente ainsi devant Balla Kéita. Les deux hommes évoquent le passé glorieux de la Côte d’Ivoire, le temps où, le « Vieux » ne faisait aucune distinction entre les ivoiriens. Balla Kéita semble adhérer au discours sur un ton martial de IB. Il l’écoute religieusement sans mot dire. Ib lui rappelle alors la charte du Nord. Ce document avait émergé en 1995 sous Bédié, pour solidariser les cadres du nord de la Côte d’Ivoire, mais surtout, ce document était une constitution d’un territoire du nord libre, affranchi de la Côte d’Ivoire qui aurait comme capitale Kong. Qu’est ce qu’un enfant de la paix, un adopté par Nanan Houphouet-Boigny, avait à voir dans un projet aussi macabre -dixit Balla Kéita à son fils Omar Kéita-.
A l’école du sage, on ne peut qu’apprendre la sagesse. Balla Kéita comprend les raisons de cette visite nocturne. Il est en de très bonne compagnie. Une compagnie, une dame choisie par les services de Diendéré, qui partage des nuits et des fantasmes… IB lui explique alors le projet d’une attaque bien planifiée et ficelée, pour renverser le pouvoir ivoirien. Les arguments sont clairs, référencés et documentés. A la question de Balla Kéita de comprendre pourquoi le Burkina Faso s’impliquerait dans ce complot, il lui est opposé les milliers de Burkinabés chassés des terres de l’ouest, qui n’ont plus rien. Ils étaient des ouvriers dans les plantations de cacao et suite à une loi sur le foncier rurale de 1998 sous Henri Konan Bédié, ils avaient été dépossédé des terres qu’ils occupaient. Ces ouvriers étrangers étaient de la main-d’oeuvre bon marché depuis Houphouet-Boigny. Ils travaillaient sans relâchent dans les plantations et en contre-parti, il leur était offert une parcelle de terre. Parcelle qu’ils exploitaient et occupaient immémorialement avec leur famille venant du Burkina Faso et ce, depuis les années 70.
Le très désormais « Général » Ibrahim Coulibaly, va alors demander à Balla Kéita de prendre la tête du mouvement qu’il a mis sur pied et qui va incessamment se déferler sur Abidjan. L’objectif ne serait pas de faire un coup d’Etat, mais de déstabiliser le pouvoir et créer un chaos de sorte à pouvoir négocier de nouvelles élections pour installer Alassane Dramane Ouattara. La discussion prend fin vers 3h du matin. Cherif Ousmane fait signe à IB qu’il a cru apercevoir une lumière sous le grand boubou blanc écarlate de Balla Kéita. Les deux hommes chuchotent longtemps. Puis prennent congé de la villa 325 de la Résidence des hôtes à la Zone du Bois de Ouagadougou. Balla Kéita s’enferme dans sa chambre et ne peut fermer l’œil. Il a une décision à rendre dans la journée. Mais un chose est claire, pas question d’être complice de complot. Il vient d’apprendre que Guéi a des ennemis qui ont décidé de lui faire subir un châtiment comme Samuel Doh, le chef rebelle libérien. Il a tout sur son dictaphone. Une pratique qu’il a gardé depuis ses années passées aux côtés du « Vieux », un héritage de l’ambassadeur Georges Ouégnin, qui n’assiste à aucune entrevue sans dictaphone.
Mais comment transmettre cette information? Comment joindre le Général Guéi et lui dire de se méfier car même sa garde rapprochée est dans le coup? Peut-il faire confiance à cette dame qui partage secrètement ses nuits? Il ne faut pas tarder pour ne pas faire douter les comploteurs. A 10.39, il joint IB et lui donne son accord et veut en savoir plus.
Plusieurs rencontres sont organisée. Balla Kéita feint de s’investir et il en sait assez. Le mardi 30 Juillet 2002, le ministre Boga Doudou arrive à son bureau. Il doit préparer le conseil des ministres du lendemain et signer des dossiers. Sa garde et son service de renseignement lui emmène une dame, une commerçante toute tremblante. Elle lui tend 3 petites cassettes en miniature. Elle a peur pour sa vie. L’équipe autour du ministre écoute patiemment. Il faut présenter cet enregistrement au président et définir des mesures à prendre pour protéger la république. Le conseil des ministres du mercredi 31 juillet se terminent plutôt que prévu. Le président a convoqué le Conseil de sécurité de l’Etat composé du chef d’Etat Major des armées Mathias Doué, Des chefs de corps d’armée (Gendarmerie, police; marine, air) du ministre de la défense Lida Kouassi et du Ministre de l’intérieur ainsi que du directeur de la DST. Mais savent -ils qu’en plus d’être sur écoute au Palais, quelqu’un parmi eux est un traître? Boga Doudou ne fera écouter que la cassette du 22 juillet et informe que les autres cassettes sont en cours d’analyse parce que détenant des informations d’éventuels traîtres de la République.
Dans la nuit du 1er au 2 août 2002, Balla Kéita est retrouvé mort, lâchement assassiné de 7 coup de couteaux. Guéi Robert est très meurtri quand il apprend la nouvelle. Il va dépêcher un médecin, un cadre de son parti, pour aller autopsier le corps et faire le constat d’usage. Le Docteur Mabri Touakeuse qui arrive sur place avec la famille, est sommé par Tuo Fozié de ne pas dévoiler les sévices corporels sur les jambes, au risque de ne pas pouvoir sortir du Burkina Faso.
La fausse piste d’un crime passionnel est vite écartée par les analyse de sang. En effet, pour brouiller les pistes, une lettre avait été déposée auprès du corps de Balla Kéita : » Tu es séropositif. Tu m’as poignardé dans le dos en me transmettant le Sida, je te poignarde aussi dans le dos ». Vraisemblablement, il a été assassiné par un homme, grand, trapu, déguisé en femme, qui a une brèche, des yeux profond. (Information reçu de Ilboudo, chargé de la sécurité de Balla Kéita).
C’est seulement le 4 aout que l’ambassadeur Richard Kodjo sera mis au courant. A son arrivée, le corps n’y est plus. il aura seulement droit à visiter la villa 325. A la morgue, on lui montrera seulement à travers une vitre, le visage du corps sans vie.
Le corps de Balla Kéita repose à Korhogo. La jeune dame n’a jamais été retrouvée…
Ps.. Notre rédaction salue chaleureusement Omar Kéita et remercie Ilboudo Vassily et Diallo Traoré Oumou
Mouhamadou Soumahoro
Journaliste d’investigation
Generations Africaines Conscientes
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