Côte d’Ivoire: la société civile rencontre les politiques pour parler de réconciliation.
En Côte ďIvoire, la société civile devance la classe politique sur la question de la réconciliation. L’organisation Alternative citoyenne ivoirienne a lancé jeudi 19 novembre son programme inclusif qui précise les grands axes et projets du processus de réconciliation nationale.
Plusieurs organisations dénoncent une restriction de leurs activités par les autorités. Ces dernières arguent de la nécessité d’adapter les textes pour mieux lutter contre << la criminalité transnationale ».
<< On veut restreindre nos libertés », lance Pulchérie
Gbalet, présidente d’Alternative citoyenne ivoirienne. Au siège de l’Observatoire ivoirien des droits de l’homme (OIDH) ce 12 septembre, l’activiste attend ses camarades d’autres organisations pour tenir une réunion. Ensemble, ils doivent décider des actions à mener pour se faire entendre. Le 12 juin dernier, à l’issue du conseil des ministres, une ordonnance de 135 articles portant sur l’organisation de la société civile a été prise. Elle remplace désormais la loi de 1960 relative aux associations.
Depuis, plusieurs leaders d’associations, d’ONG et de mouvements ne cessent de critiquer ce texte. Ce 12 septembre, 37 organisations prennent part à la rencontre qui durera plusieurs heures. Si pour le gouvernement, il permet de prendre en compte «<les exigences actuelles de la lutte contre la criminalité transnationale organisée », la société civile dénonce de nombreuses insuffisances.
Une vingtaine d’articles visés
Les organisations manifestent des inquiétudes à propos de ce qu’elles estiment être un «<asservissement de la société civile par l’administration publique >>. Selon elles, une vingtaine d’articles de l’ordonnance décriée << sont de nature à restreindre la marge de manoeuvre de la société civile, offrant la possibilité à l’administration publique d’exercer une tutelle et un contrôle étouffant », est–il écrit dans un mémorandum rédigé à l’issue d’une précédente rencontre.
Elles pointent du doigt << la possibilité de dissoudre [par décret] et sans voie de recours, les organisations de la société civile [OSC] dont les activités n’iraient pas dans le sens de l’ordre public ou de la cohésion sociale, sans pour autant définir ces notions >>.
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L’article 48 prévoit par exemple qu’elles << sont tenues de présenter, chaque année, au plus tard le 31 mars de l’année suivante, à l’autorité territorialement compétente, un rapport général des activités de l’année écoulée». L’ordonnance prévoit également des peines de prison et des amendes, voire la dissolution des organisations, en cas de non–respect de la nouvelle réglementation.
Obligations et sanctions
Certains leaders interrogent également la définition qui est donnée de la société civile << comme n’ayant aucun lien avec les partis et groupements politiques >>. << Qu’est–ce que cela signifie concrètement ? Qu’est–ce qu’on considère comme étant un lien ? Une loi imprécise est forcément mauvaise car elle ne doit pas donner place à l’interprétation. Nous sommes tous des acteurs qui occupons un espace démocratique. Nous devons pouvoir nous parler. Il faut donc qu’on définisse clairement quel type de relation nous ne devons pas avoir »>, estime Pulchérie Gbalet.
Le 9 août, des OSC avaient été associées à une rencontre avec des partis politiques afin de mettre en commun leurs recommandations pour une meilleure tenue de la présidentielle de 2025 et l’organisation d’un dialogue inclusif. À l’issue de cette rencontre, un proche de Guillaume Soro avait d’ailleurs été arrêté et emprisonné.
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Dans une correspondance adressée à la rapporteuse spéciale des Nations unies en août, cinq OSC avaient déploré le fait qu’il n’existe dans cette ordonnance que des obligations et des sanctions, y compris des sanctions pénales, et qu’aucune mention ne soit faite de leurs droits ni des obligations de l’administration.
Contacté par Jeune Afrique, le ministère de l’Intérieur précise que «< cette disposition fera l’objet d’un texte spécifique, compte tenu du fait que l’ordonnance n’avait pas vocation à traiter cet aspect>>. << L’adoption de ce texte répond à des questions d’urgence liées aux besoins pressants exprimés par les OSC», ajoute le ministère.
<<< La liberté de réunion est encadrée >>
Un argument qui fait bondir les OSC qui interrogent la pertinence de légiférer par ordonnance. << Il fallait que le texte soit débattu par les parlementaires, comme cela nous l’avait été indiqué au départ dans les consultations avec le ministère de l’Intérieur »>, regrette Éric–Aimé Semien, président de l’OIDH. Depuis quelques années, des discussions ont été entamées entre le gouvernement et les acteurs de la société civile. Or, ces derniers disent avoir découvert avec surprise un texte qui ne répond pas à leurs préoccupations.
Éric–Aimé Semien ajoute : << Les OSC sont désormais tenues de présenter un rapport d’activité annuel, même celles qui ne perçoivent pas de subventions publiques. L’ordonnance permet même à l’administration de nous demander des rapports spéciaux sur chaque projet en cours. C’est une manière de faire pression sur les associations qui auraient une ligne divergente du gouvernement>>.
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Le ministère de l’Intérieur rejette ces arguments. «< En tout état de cause, la liberté de réunion est encadrée,
donc définie par la loi, en tenant compte des exigences liées au respect de l’ordre public », insiste le ministère. Plusieurs OSC ont déjà commencé à rencontrer des élus afin de leur faire part de leurs inquiétudes avant la rentrée parlementaire prévue le 1er octobre. Car, même si le texte a été publié au Journal officiel, il doit être ratifié par le Parlement. Elles ont également annoncé vouloir .
JM Source JA
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