En Côte d’Ivoire, la Couverture maladie universelle a-t-elle vraiment changé la donne ? Si les avancées sont significatives, le système de protection sociale ivoirien suscite encore beaucoup de crispations. La faute à des retards et des lenteurs, que le gouvernement s’est néanmoins engagé à corriger.
<«<Cela fait plus d’un an que je me suis fait enrôler et on me dit toujours que ma carte n’est pas disponible. Il faut combien d’années pour l’obtenir ?» s’interroge sur les réseaux sociaux un Ivoirien exaspéré. Comme lui, ils sont nombreux à pointer du doigt les dysfonctionnements et les lenteurs administratives de la Couverture maladie universelle (CMU), programme social phare du deuxième quinquennat d’Alassane Ouattara, effectif depuis octobre 2019. Avant la mise en place de ce système garantissant à tous les Ivoiriens l’accès à des soins de qualité à moindre coût – le patient doit s’acquitter de 30% des frais de santé-, seuls 5% de la population bénéficiaient d’une couverture maladie, principalement les salariés du secteur formel.
Les autorités sont conscientes des défis à relever. << La mise en place d’un système d’assurance maladie universelle est un chantier de longue haleine, nous sommes encore dans la phase de consolidation >>,
reconnaît le ministre ivoirien de l’Emploi et de la Protection sociale, Adama Kamara. Le 18 juin, lors de son discours devant le Parlement, le président Alassane Ouattara a néanmoins salué les progrès réalisés. « La Couverture maladie universelle a connu une avancée
significative en matière d’enrôlement et d’accès aux soins. L’efficacité de la prise en charge des assurés s’est accrue, conformément à notre engagement. >>
Production des cartes décentralisée
Avec plus de 13,3 millions de bénéficiaires sur une population totale d’environ 29,3 millions d’habitants, la CMU affiche, à ce jour, un taux de couverture de 45 % de la population totale. Mais pour l’heure, seulement 29 % des personnes enrôlées ont obtenu leurs cartes.
Le gouvernement ivoirien, conscient de ces retards, s’est fixé un objectif ambitieux : atteindre 20 millions de personnes enregistrées d’ici à la fin de décembre 2024. En 2030, tout le territoire doit être couvert. Pour y parvenir, la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) a récemment mis en place une nouvelle stratégie.
Auparavant, la production des cartes CMU était centralisée sur un seul site à Abidjan, ce qui posait des problèmes de disponibilité pour les assurés. Désormais, 12 autres sites ont été déployés à travers le pays. Quatre bureaux mobiles complètent ce dispositif.
Côte d’Ivoire : un système de santé en voie de guérison ?
Pour lutter contre la fraude et assurer l’intégrité du système, la Côte d’Ivoire a opté pour un enrôlement biométrique permettant une vérification rigoureuse de son identité et de ses droits lors des consultations. Cette approche, bien que techniquement avancée, se heurte à des réalités de terrain. Dans les zones rurales, où l’analphabétisme reste élevé, la sensibilisation et l’accès à l’enrôlement demeurent problématiques. Pour y remédier, des équipes mobiles équipées de 150 kits d’enrôlement sillonnent le pays.
Par ailleurs, le budget alloué à la CMU devrait passer de 800 millions de F CFA à 1,2 milliard de F CFA (près de 2
millions de dollars). Des fonds destinés à améliorer les infrastructures de santé, renforcer les équipements et former le personnel médical. Sauf que le mécanisme de cotisation, bien établi pour le secteur formel (un partage à parts égales est réalisé entre l’employeur et l’employé), soulève des questions pour le secteur informel qui représente une part importante de l’économie ivoirienne.
Les agents d’accueil de la CMU en grève
En outre, les soins couverts par la CMU font l’objet de débats. Si de nombreuses pathologies sont prises en charge, certaines maladies chroniques ou traitements coûteux restent exclus, laissant des patients dans des situations précaires. «Nous avons renforcé la prise en charge de l’insuffisance rénale, qui est une pathologie lourde et financièrement éprouvante, grâce à une très forte subvention de l’État», précisait Alassane Ouattara lors de son allocution du 18 juin.
Côte d’Ivoire : la couverture maladie universelle, un immense défi pour le gouvernement
Les prestations garanties ne sont prises en charge par la CMU que lorsqu’elles sont délivrées par un prestataire, public ou privé, ayant signé ou adhéré à une convention avec la CNAM.
Le taux de couverture de la CMU est de 70 %.
L’assuré, dans le cadre du régime de base, assume le « ticket modérateur », soit le montant restant à sa charge (30 %).
Les accouchements et les césariennes sont déjà pris en charge dans le cadre de la politique de gratuité en vigueur.
Enfin, les agents d’accueil de la CMU ont observé en janvier dernier un mouvement de grève pour réclamer de meilleures conditions de travail, une revalorisation salariale et surtout leur intégration à la fonction publique. << Recrutés par l’Agence emploi jeune en 2019,
nous avons tenu bon dans nos centres de santé durant bientôt cinq ans, même pendant le Covid–19», a dénoncé
début juin, le porte–parole d’un collectif d’agents. Or ils bénéficient toujours de contrats à durée déterminée et de salaires dérisoires. L’État ivoirien, via la CNAM, vient de lancer le recrutement de 2000 nouveaux agents.
Jean Moliere source/ JA
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