9 février 2025
Paris - France
AFRIQUE

En Afrique du Sud : 78 corps de mineurs clandestins extraits d’un gisement d’or cerné par la police

Plusieurs centaines de personnes se trouveraient encore au fond de ce puits aurifère à Stilfontein, où les autorités ont lancé en novembre une opération pour mettre fin à son exploitation illégale.

Soixante-dix-huit corps de mineurs clandestins ont été extraits d’un puits d’or désaffecté en Afrique du Sud après trois jours d’opérations de secours, a annoncé, mercredi 15 janvier, la police, qui cerne le site depuis des mois pour les déloger. Et 216 en sont sortis vivants.

Selon L’Humanité :« Stilfontein est le pire massacre perpétré par l’État depuis la fin de l’apartheid »

Des dizaines de cadavres ont été remontés de la mine illégale située à 150 km de Johannesburg. À l’image du syndicaliste Mametlwe Sebei, des voix s’élèvent dans la société sud-africaine pour dénoncer la responsabilité du gouvernement et des compagnies minières dans cette tragédie.

Une horreur indicible. Tandis que les opérations de secours ont pris fin ce jeudi dans la mine illégale de Stilfontein, à environ 150 km au sud-ouest de Johannesburg (Afrique du Sud), le monde entier découvre avec stupeur le drame qui se joue depuis des mois sous terre. Des centaines de mineurs clandestins se sont retrouvés piégés par les autorités sud-africaines, les privant de ravitaillement en eau et en nourriture.

La police est aujourd’hui accusée d’actes inhumains survenus dans le cadre de l’opération Vala Umgodi, dont le but était d’appréhender ces travailleurs pauvres issus des pays frontaliers. Mametlwe Sebei a milité durant des semaines pour permettre l’envoi de nourriture dans la mine. Le président du Syndicat des travailleurs des industries générales d’Afrique du Sud se dit effaré par l’ampleur du drame et demande la création d’une Commission d’enquête pour définir les responsables de ce bain de sang.

Quel bilan humain pouvez-vous communiquer ?

Au total, 248 mineurs ont été secourus dans un état de santé critique et 78 corps ont été trouvés. Il est clair qu’en réalité, il y a certainement plus de cent morts, en raison des chutes et des noyades survenues dans les tunnels souterrains inondés, alors qu’ils essayaient désespérément de se frayer un chemin vers la sortie.

Le fait est que des mineurs étaient isolés au fin fond de la mine, ils ont dû entreprendre un voyage périlleux de plusieurs jours en rampant dans l’obscurité pour tenter de s’évader. Les images qui nous parviennent montrent des cadavres en état de composition avancé. C’est un massacre. L’état horrible des survivants qui sont complètement émaciés et le bilan désastreux nous font dire que l’opération Vala Umgodi qui s’est déroulée à Stilfontein est le pire massacre perpétré par l’État depuis la fin de l’apartheid.

« Pour l’eau, l’État a fait valoir que des bouteilles de 50 centilitres seraient suffisantes pour assurer leur subsistance pendant deux semaines. Imaginez le niveau de déshydratation. »

Il s’agit d’un acte de violence étatique révoltant, dirigé contre une classe ouvrière noire pauvre qui a été déshumanisée et criminalisée à un point tel que personne n’a pensé qu’il était possible d’en arriver là. Le nombre de morts est l’aboutissement sanglant d’une série de décisions prises par la police, avec l’approbation de l’establishment politique, qui ne pouvait avoir d’autre fin que d’affamer et de déshydrater ces personnes jusqu’à ce qu’elles meurent.

On parle d’un trou jusqu’à 2,6 kilomètres de profondeur sans escalier. La seule façon pour ces mineurs de sortir, c’était d’être tirés à l’aide d’une nacelle. Des mois se sont écoulés sans qu’ils reçoivent de la nourriture, de l’eau et des médicaments. Il n’y avait aucune chance qu’ils s’en sortent par eux-mêmes.

Considérez-vous le gouvernement responsable de cette situation ?

Absolument. Nous demandons une Commission d’enquête pour désigner les responsables des événements qui ont mené au massacre. Le gouvernement a tout simplement trompé les gens à la surface, au moyen d’une propagande de déshumanisation largement relayée par certains médias. Dès le début, leur approche a consisté à soumettre ces mineurs. La police a chassé les personnes qui fournissaient la nourriture et en réalité, elle n’a autorisé les mineurs à sortir qu’au bout de trois mois.

Pour l’eau, l’État a fait valoir que des bouteilles de 50 centilitres seraient suffisantes pour assurer leur subsistance pendant deux semaines. Imaginez le niveau de déshydratation. Certains ont bu de l’eau souterraine. Les personnes qui sont remontées vivantes à la surface souffrent de diarrhée et d’autres maladies, à cause de l’eau hautement contaminée par les eaux usées et les produits chimiques. L’industrie minière, qui a profité de l’extraction et de l’exploitation de la main-d’œuvre noire et migrante bon marché en Afrique du Sud pendant des décennies, porte également une responsabilité importante dans cette crise.

Le drame de Stilfontein est-il un cas isolé en Afrique du Sud ? Combien de mines de ce genre existent ?

Ces événements mettent en évidence les échecs systémiques au sein du Ministère des Ressources minérales et pétrolières (DMPR), dont la négligence et la corruption ont permis les conditions dangereuses des mines abandonnées qui poussent les mineurs artisanaux à travailler sous terre ainsi que les conditions qui permettent la dévastation socio-économique des communautés affectées par l’exploitation minière par les sociétés minières.

Le problème est que les fermetures de mines illégales sont inefficaces et inappropriées à grande échelle en Afrique du Sud. La mine de Stilfontein n’est qu’une des quelque 6 000 mines abandonnées dans le pays. En 2012, il y a eu massacre de Marikana (34 mineurs furent tués par la police suite à une grève sauvage dans une mine de platine dans la région de Marikana, NDLR). À l’époque déjà, les travailleurs miniers étaient criminalisés par les autorités.

Plus généralement, comment jugez-vous la politique migratoire du gouvernement sud-africain ?

Elle est dégoûtante à bien des égards. Ce gouvernement est composé de personnes qui se sont exilées dans les pays de ces mêmes migrants. Ils ne peuvent pas faire semblant de ne pas comprendre pourquoi les gens quittent leur pays. Dire qu’il y a une différence entre nous et eux est une erreur.

Ils fournissent à l’Afrique du Sud de l’eau qui alimente toutes les mines et tous les logements, sans laquelle l’économie s’effondrerait. Nos dirigeants croient qu’ils peuvent utiliser une main-d’œuvre étrangère noire bon marché. Ils ont fait des migrants des boucs émissaires. Dus aux échecs des politiques libérales, les niveaux dévastateurs de chômage sont imputés aux migrants. Or, plus de 12,4 millions de personnes dans ce pays sont au chômage, alors les migrants ne représentent qu’une fraction infime de la population.

Jean Moliere

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