Pour l’Afrique, le coût annuel de la dette s’élève à 44 milliards de dollars. C’est le prix à payer pour le développement des pays.
« Dette de l’Afrique : le G8 envisage l’annulation intégrale des obligations multilatérales », écrivait la revue onusienne Afrique Renouveau en… 2005. « Il y a de plus en plus de raisons d’espérer que l’année 2005 marquera une étape décisive dans la campagne visant à annuler une grande partie de la dette extérieure de l’Afrique – ce qui aurait été impensable lorsque le mouvement mondial anti-dette a pris forme il y a une vingtaine d’années », poursuivait bercé d’optimisme l’article. Le miracle n’a pas eu lieu, 15 ans après, la dette africaine est à son plus haut. Elle représente aujourd’hui 365 milliards de dollars dont 145 milliards d’avoirs détenus par la Chine.
La dette déjà allégée a regonflé
« En Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, NDLR), le poids de la dette a aujourd’hui quasiment doublé par rapport à 2010 et semble peu enclin à diminuer, ce qui soulève des préoccupations quant à sa soutenabilité. Cette tendance s’accompagne de coûts économiques et sociaux potentiellement importants », explique Moody’s.
Les pays pauvres très endettés (PPTE) ont pourtant vu un allègement de leur dette entre 2000 et 2010 grâce à l’effort de la communauté internationale. Le poids de la dette est passé de 80% du PIB à 30%. Mais la dette a regonflé depuis pour atteindre 56% du PIB aujourd’hui.
L’IDA, bras financier de la Banque mondiale, figure parmi les principaux bailleurs de fonds des 76 pays les plus pauvres de la planète, dont 39 se trouvent en Afrique. Ses ressources bénéficient concrètement à 1,6 milliard de personnes. Depuis sa création, l’IDA a soutenu des activités de développement dans 113 pays. Le volume annuel de ses engagements est en constante augmentation et s’est élevé en moyenne à 21 milliards de dollars au cours des trois dernières années, 61% environ de ce montant étant destinés à l’Afrique.
Des situations très différentes selon les pays
Riches producteurs de pétrole et pays arides du Sahel ne sont en rien comparables. La dette de l’un sera couverte par les recettes futures quand un champ pétrolier produira. En revanche, les pays à faibles ressources sont plus vulnérables.
Car la dette est fruit du développement. Le financement des projets, petits ou grands, passe par l’emprunt et avec lui son remboursement. Construire des infrastructures coûte cher, mais c’est indispensable sur un continent qui manque de tout. Ainsi, le Grand barrage de la Renaissance en Ethiopie va coûter cinq milliards de dollars.
Une logique qui oppose les structures financières, comme le FMI et la Banque mondiale, aux organismes de développement comme la Banque africaine de Développement (BAD). Le FMI met en garde contre le gonflement permanent de la dette, dont le remboursement menace les finances des pays. La charge de la dette, c’est autant d’argent en moins injecté dans le pays.
Un moratoire à l’impact très limité
La dette de l’ensemble du continent est annoncée à 365 milliards de dollars. Le coût annuel de cette dette s’élève à 44 milliards de dollars, ont annoncé les ministres des Finances africains le 19 mars dernier. La mesure de gel annoncée bénéficiera à 40 pays africains qui figurent parmi les 76 plus pauvres au monde, concernés par le moratoire. En moyenne – ce qui masque de profondes disparités –, ces pays verraient leurs finances allégées de 105 millions de dollars pour l’année. L’effort (modeste) des bailleurs de fonds vise à aider les plus pauvres à passer la crise du coronavirus.
Pour la Côte d’Ivoire, selon son ministre des Finances Adama Coulibaly, le moratoire représente 184 millions d’euros. Une somme à comparer au plan de soutien « économique, social et humanitaire » annoncé le 31 mars par le Premier ministre ivoirien Amadou Gon Coulibaly. Ce plan d’un montant total de 1 700 milliards de francs CFA (2,6 milliards d’euros) représente « environ 5% du PIB » ivoirien, selon le Premier ministre, et un cinquième du budget prévisionnel de l’Etat en 2020. Mais l’économie ivoirienne est solide.
Paradoxe. En plein débat sur l’annulation de la dette, les aides continuent de pleuvoir sur l’Afrique. Ainsi, le 10 avril dernier la Banque mondiale annonçait une enveloppe de 25,8 millions de dollars au Mali pour lutter contre le coronavirus. Or, la moitié de cette somme est composée de crédits. L’Afrique n’en a pas fini avec sa dette.
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