À la veille d’une audience judiciaire qui pourrait destituer son président, le premier parti d’opposition organise en urgence un congrès extraordinaire pour contourner cet éventuel obstacle.
OUI A UNE TRANSPARENTE, INCLUSIVE ET APAISÉE ELECTION DÉMOCRATIQUE,
LISTE CTORALE TIDJANE THIAM EST IVOIRIEN ET RESTE CANDIDAT!
Dans les couloirs de la maison du parti, à Cocody, l’effervescence est à son comble. Le bureau politique du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), réuni en urgence le 12 mai, a fixé au 14 mai la tenue d’un congrès extraordinaire. L’objectif de cette course contre la montre est de contourner la procédure judiciaire qui pourrait conduire à la destitution de Tidjane Thiam de la présidence de la formation.
Le 11 mai, peu avant minuit, Tidjane Thiam a pris tout le monde de court en annonçant qu’il remettait son mandat << entre les mains des militants ». Une décision surprise visant en réalité à contrer la procédure intentée par Valérie Yapo qui, en contestant sa nationalité ivoirienne
au moment de son élection en décembre 2023, menace de le faire destituer lors de l’audience du 15 mai. Ernest N’Koumo Mobio, 92 ans, ancien maire d’Abidjan et doyen d’âge des vice–présidents, a aussitôt pris les rênes du parti et assure l’intérim. Dans la foulée, il a créé sur mesure pour Thiam un poste de << président délégué » – ce qui lui permet de conserver de facto les commandes tout en se mettant théoriquement à l’abri des poursuites judiciaires.
Une stratégie minutieusement préparée
Ce qui peut sembler avoir été improvisé a, au contraire, été minutieusement préparé. «Cela fait quelque temps déjà que c’est en réflexion. Avec l’accord du président, un comité a été mis en place avec des anciens et des jeunes, en lien avec les avocats du parti », confie un membre du bureau politique favorable à Thiam. Selon nos informations, très peu de cadres étaient dans la confidence. Un cercle restreint de fidèles a élaboré cette stratégie avec l’appui de conseils spécialisés. <<Nous nous sommes réunis et nous avons décidé que Tidjane Thiam devait suspendre sa présidence, confirme un responsable. Lui–même a choisi de s’en remettre au parti et à sa direction. C’est un acte responsable face aux attaques que nous subissons. >>
L’objectif principal de ce neuvième congrès extraordinaire électif ne fait guère de mystère: permettre à Tidjane Thiam d’être élu à la tête du PDCI de façon statutaire. Après cette nouvelle élection, «<[ce sera] fini, tous les obstacles disparaîtront »>, pense un proche de l’ancien patron de Credit Suisse.
A lire: a << On va voir qui va se fatiguer le premier » : en Côte d’Ivoire, les partisans de Tidjane Thiam veulent croire en ses chances
Dites Yas aux possibilités infinies!
Le bureau politique a, pour la première fois, défini << 45 lieux de vote sur le territoire national et un lien de vote électronique pour la diaspora »>, ce qui permettra de mobiliser rapidement l’ensemble des militants. L’appel à candidatures a été lancé immédiatement, avec une date limite fixée au 13 mai, à 18 heures. Chaque prétendant devra s’acquitter d’une contribution de 30 millions de F CFA (45734 euros) – un montant dissuasif qui pourrait limiter le nombre de candidats.
<<< Le feuilleton est loin d’être fini >>
Cette stratégie visant à contourner l’éventuelle décision de justice est toutefois loin de faire l’unanimité. <<Je suis triste de voir ce cinéma. Car le PDCI est instrumentalisé et banalisé », déplore un autre membre du bureau politique. << Comment un président dont la légalité est contestée en justice démissionne à 48 heures des débats sur le fond et se fait nommer aussitôt président délégué, un poste non statutaire… Et on convoque dans la foulée un bureau politique en 48 heures, sans concertation, et sans tenter de rapprocher un peu les diverses tendances. >> Ce cadre pointe un «< parfait mépris pour les Billon, Guikahué, KKP [Patrice Kouassi Kouamé] et autres » et s’inquiète des fractures ethniques. « C’est le clan des Atchans qui est à la manoeuvre. Que vont dire les Baoulés ? »
Les << Tidjane Thiam ou rien » face à l’alternative
Jean–Louis Billon : le dilemme du PDCI
Un autre membre du bureau politique soulève une question cruciale: «Même si Tidjane Thiam est redevenu éligible, ayant recouvré sa nationalité ivoirienne, il reste la question de ses dix années de militantisme PDCI non avérées. » […] Le feuilleton est loin d’être fini. » Si le congrès extraordinaire électif du 14 mai devrait permettre à Tidjane Thiam de retrouver officiellement la présidence du PDCI dans un cadre statutaire << toiletté », l’obstacle
majeur reste sa radiation de la liste électorale, prononcée par la justice ivoirienne.
Jean Moliere
