L’ancienne première dame s’est rendue sur les terres de son principal allié politique, non loin du fief de Laurent Gbagbo, pour poursuivre sa campagne. Balayant d’un revers de main les allusions à son ex–époux, qui fut aussi son indéfectible compagnon de route, elle s’est dite opposée à tout boycott électoral.
(De g. à dr.) Dominique Traoré, le vice–président du Mouvement des générations capables (MGC), la présidente du parti et candidate, Simone Ehivet Gbagbo, et Charles Blé Goudé, du Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep), à Guiberoua, le 14 octobre 2025.
<< Simone Gbagbo, c’est moi, et moi, c’est Simone Gbagbo!» exulte Charles Blé Goudé, vêtu d’une chemise aux couleurs de son parti politique, le Congrès
panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep). L’ancien ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo est à Guiberoua chez lui, et il n’est pas venu seul ce 14 octobre pour appeler ses supporters à voter lors de la présidentielle du 25 octobre.
Désormais inséparables, lui et l’ancienne première dame affichent une grande complicité, de la tombe du père du président du Cojep à sa résidence privée, où ce dernier accueille militants et équipes de campagne en l’honneur de celle qu’il considère comme sa << mère » en politique. Plusieurs centaines de personnes se sont réunies sur la place du meeting, où les deux partenaires tentent de galvaniser la population du département de Gagnoa – Guiberoua est à une trentaine de kilomètres.
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Le 4 octobre, à Yamoussoukro, Blé Goudé a en effet confirmé se ranger derrière Simone Ehivet Gbagbo, et s’attelle à rallier à sa candidature les détracteurs
d’Alassane Ouattara, les déçus du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), mais aussi et surtout, les soutiens de Laurent Gbagbo dorénavant sans candidat. Car dans ce département, Simone Ehivet Gbagbo est sur les terres de son ex–époux. Pendant ce temps, l’ancien président est à Abidjan et doit se prononcer le 15 octobre sur les appels à poursuivre les manifestations de son parti, le Parti des peuples africains–Côte d’Ivoire (PPA–CI), malgré les interdictions. Pourtant, il est de tous les discours. Simone
Ehivet, épouse Gbagbo, comme aiment à le rappeler ses supporters, est tantôt «<l’unique femme de Laurent Gbagbo »>, tantôt «<le seul nom Gbagbo sur la liste », avec un rôle de remplaçante au vu de l’inéligibilité de l’ex–chef de l’État… << On a essayé Gbagbo garçon, ça n’a pas pris, essayons Gbagbo fille», résume un militant, micro en main, à Guiberoua.
Récupération des pro–Gbagbo
Les sempiternelles allusions à son ex–époux, et surtout ex- compagnon de route, de leurs années de militantisme réprimé sous Félix Houphouët–Boigny aux ors de la République, amusent Simone Ehivet Gbagbo. L’ancienne première dame joue de ces sous–entendus, rarement délicats, souvent misogynes, et lance des perches. Lorsqu’elle explique les enjeux de l’un des principaux piliers de son programme, la réconciliation, elle en appelle à la restitution des biens et à l’indemnisation. << Et pour rendre le mari? » crie une militante. Simone Ehivet Gbagbo rit, mais derrière les plaisanteries, souhaite avant tout proposer un programme qui soit le sien, héritier du Front populaire ivoirien (FPI), et en phase avec l’image de femme sans rancune qu’elle cherche à véhiculer.
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Charles Blé Goudé, qui a relégué à plus tard ses propres ambitions présidentielles, est pour elle une porte d’entrée vers la nouvelle génération. Après un bref passage par Gagnoa, première étape de sa tournée, Simone Ehivet Gbagbo, 76 ans, poursuit sa tournée à un rythme effréné avec Yamoussoukro, Bouaké, Korhogo, Duékoué et Man.
Elle doit ensuite se rendre dans le centre et le sud–est du pays, en passant par Abidjan, avant d’organiser son dernier meeting, à Aboisso, près de la frontière
ghanéenne.
Si tu ne votes pas pour Simone, c’est une voix pour Quattara. Charles Blé Goudé Ex–ministre de la Jeunesse
Les deux partenaires ont tenu à Guiberoua un discours
contre l’abstention, à la ligne parfaitement opposée à celle du Front commun, constitué de leur ancien allié, le PDCI, mais aussi du PPA–CI. Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo, qui n’ont pas officiellement appelé au boycott, continuent à donner comme consigne à leurs militants de << tout
bloquer » et de manifester dans tout le pays pour aboutir à un dialogue politique – et à demi–mot, de continuer à réclamer leur réintégration sur la liste électorale. << Ce sont des combats qui sont devenus dépassés », fustige Simone Ehivet Gbagbo.
Vers une alliance avec Don Mello?
L’ancienne première dame et les deux leaders de et l’opposition se sont éloignés. La candidate le rappelle, la stratégie d’appel au dialogue, partagée par le PPA–CI par la Coalition pour une alternance pacifique en Côte d’Ivoire (CAP–CI), dont elle s’est depuis mise en retrait, impliquait au départ de ne pas déposer de dossiers devant la Commission électorale indépendante (CEI). Mais, d’après elle, Tidjane Thiam tout comme Laurent Gbagbo ont décidé de braver ce mot d’ordre, lui laissant peu de temps pour collecter les parrainages nécessaires à la validation de son propre dossier. Ultime trahison, l’accord tacite était de se ranger derrière l’un des candidats
retenus. Comme Charles Blé Goudé, elle réaffirme que le boycott n’est pas la solution. «Si tu ne votes pas pour Simone, c’est une voix pour Ouattara», affirme l’ancien
ministre. MGC
Des sympathisants de la candidate Simone Ehivet Gbagbo, à Guiberoua, le 14 octobre 2025.Quant à la candidate, elle dément tout financement du pouvoir, et déclare ne << pas vouloir laisser M. Alassane seul aux élections ». Elle s’est donc attaquée point par point aux reproches qui lui sont faits par les soutiens du
Front commun, tentant ainsi de récupérer leurs voix, en particulier ceux des déçus du boycott de 2020. Car Simone Ehivet Gbagbo n’a pas abandonné tout espoir de voir l’opposition inéligible changer de stratégie à la dernière minute. «Ils veulent aller dans la rue, mais comment provoquer l’alternance?» affirme un membre de son équipe. <«<Je n’ai pas fermé la porte, et je continue de discuter avec des cadres du PPA–CI »>, a elle–même indiqué l’ancienne première dame à la presse dans la soirée, à l’issue du meeting à Guiberoua.
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Une autre alliance semble plus probable. Depuis plusieurs mois, elle échange régulièrement avec Ahoua Don Mello, dissident du PPA–CI et lui aussi en lice pour l’élection du 25 octobre. Tous deux, qui n’ont consulté ni le député Jean-Louis Billon, dissident du PDCI, ni l’ancienne ministre Henriette Lagou, les autres candidats de l’opposition, pourraient parvenir à un accord. << Les négociations sont bien avancées et devraient aboutir dans les jours à venir »>, appuie un membre de l’équipe de campagne de Simone Ehivet Gbagbo. Ahoua Don Mello, qui partage un certain nombre d’idées avec sa camarade de la «< gauche ivoirienne», va–t–il annoncer le retrait de sa candidature à son profit? Du côté de Don Mello, son entourage confirme que les tractations sont en cours, mais << qu’aucune conclusion dans un sens comme dans l’autre n’a encore été obtenue>>.
Même unie, ou du moins en partie, l’opposition peut–elle faire le poids face à la colossale ingénierie du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), d’Alassane Ouattara, candidat à un quatrième mandat? «Ceux qui disent qu’on ne peut pas gagner sont les mêmes qui disaient que je ne rentrerai jamais au pays », réplique Charles Blé Goudé face à la foule. << Ils ont négligé Simone, elle va sortir dans dos! >>
JA