DISTINCTION. Le Britannique d’origine ougandaise a incarné le militant des Black Panthers Fred Hampton dans le film « Judas and the Black Messiah ».
Confronté jeune au racisme, le Britannique Daniel Kaluuya, sacré dimanche aux Oscars pour son rôle dans Judas and the Black Messiah, a puisé dans le respect que lui inspirait le leader des Black Panthers pour l’incarner à l’écran. La performance de l’artiste de 32 ans dans la peau de Fred Hampton, charismatique chef de la lutte pour les droits civiques, lui a valu l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle, tandis que les injustices raciales contre lesquelles se battaient les Black Panthers dans les années 1960 sont loin d’avoir disparu. « C’est tellement dur de faire un film sur un homme comme celui-là, mais ils l’ont fait », s’est exclamé Daniel Kaluuya lors de son discours de remerciement. « Fred Hampton était une lumière, un phare qui illuminait tout ce qu’il touchait avec son incroyable message », avait-il déclaré le mois dernier après l’annonce de sa nomination aux Oscars – la deuxième de sa carrière. L’acteur a expliqué avoir voulu « devenir un réceptacle pour l’esprit de Fred, au moment où nous avons plus que jamais besoin de son cri de ralliement pour l’égalité et la justice ».
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La suite d’un parcours prometteur…
La victoire aux Oscars de Daniel Kaluuya, qui a déjà remporté un Golden Globe et un Bafta au Royaume-Uni pour ce rôle, intervient un an après la grande vague de protestation du mouvement antiraciste Black Lives Matter, et alors que l’Académie des Oscars s’est longtemps vue reprocher l’absence d’artistes noirs dans ses sélections. L’acteur a su tirer son épingle du jeu face à une rude concurrence, dont celle de l’autre star du film, LaKeith Stanfield qui interprète le rôle du « Judas », William O’Neal, un informateur du FBI. Considéré comme une étoile montante du cinéma américain, Daniel Kaluuya avait déjà été nommé en 2018 pour l’Oscar du meilleur acteur, pour sa saisissante performance dans le film d’horreur à petit budget Get Out.
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Né à Londres, Daniel Kaluuya a grandi dans un logement social de la capitale britannique, élevé seul par sa mère, une immigrée ougandaise, son père étant resté au pays. Après avoir vu son fils écrire sa première pièce à neuf ans, sa mère décide de l’inscrire à l’école de théâtre locale, dans laquelle il sera admis après cinq ans d’attente.
L’acteur fait ses débuts dans la série britannique pour adolescents Skins, où il travaille aussi avec l’équipe en charge de l’écriture. Il obtient ensuite son premier rôle au théâtre, et reçoit en 2010 une pluie de critiques élogieuses pour son rôle dans Sucker Punch, s’amaigrissant drastiquement afin d’interpréter le personnage central du boxeur. La même année, Daniel Kaluuya est arrêté à tort par des policiers qui le traînent hors d’un bus londonien et le plaquent au sol, le soupçonnant d’être un trafiquant de drogue. Libéré par la justice britannique devant le manque de preuves, l’acteur poursuit à son tour la police.
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Son succès dans la pièce Sucker Punch lance sa carrière, et lui rapporte plusieurs rôles à la télévision britannique mais aussi au cinéma, dans des films tels que Johnny English, le retour (2011), Kick-Ass 2 (2013), Sicario (2015) et Les Veuves (2018). Mais c’est le premier film de Jordan Peele, Get Out, qui a réellement propulsé la renommée internationale du Britannique, et qui l’a mené à l’affiche de la superproduction Marvel Black Panther, premier film de la franchise à afficher un casting majoritairement noir.
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Sa consécration, une récompense pour le réalisateur Shaka King
La critique a acclamé Daniel Kaluuya pour son interprétation magnétique de Fred Hampton dans Judas and the Black Messiah, réalisé avec la bénédiction et la participation de la famille du défunt leader. Sa victoire aux Oscars a donné raison au réalisateur et scénariste Shaka King, qui s’était battu pour qu’un Britannique puisse incarner l’icône afro-américaine, célèbre pour son éloquence et son charisme. Pour ce film, qui a récolté six nominations aux Oscars, Shaka King affirme avoir écrit le scénario en pensant à Daniel Kaluuya, sans jamais envisager quelqu’un d’autre pour le rôle. Le réalisateur britannique engagé Steve McQueen, qui a dirigé l’acteur dans Les Veuves, a vanté le talent inné de l’oscarisé devant la caméra : « Vous ressentez ce qu’il ressent, vous voyez ce qu’il voit. » « Il a ce don qu’on ne voit pas souvent, une présence même dans son immobilité », a-t-il ajouté.
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