Alors que la Cedeao doit dépêcher ce 10 septembre une mission diplomatique à Conakry, les chefs d‘Etat de la région planchent en coulisses sur l’exfiltration du président guinéen Alpha Condé, détenu depuis le 5 septembre par les putschistes. Deux points de chute sont à l‘étude, le premier en Afrique et le second en Europe.
Initialement fixée au jeudi 9 septembre, c’est finalement ce vendredi 10 qu’est prévue l‘arrivée à Conakry de la délégation de la Communauté économique des Etats de l‘Afrique de l‘Ouest (Cedeao). Composée d‘une poignée de ministres des affaires étrangères de la sous–région (Ghana, Togo, Nigeria et Burkina Faso), elle doit s‘entretenir avec le Comité national du rassemblement et du développement (CNRD) et son chef, le colonel Mamady Doumbouya, principal artisan du putsch qui a renversé il y a cinq jours le président guinéen, Alpha Condé. Le 8 septembre, un sommet extraordinaire des chefs d‘Etat de la Cedeao a officialisé la suspension de la Guinée de l‘alliance panafricaine, préambule à de potentielles sanctions économiques.
La Cedeao favorable à un exil
Au cæur des discussions entre la junte et l‘organisation régionale figurera la situation du chef de l‘Etat guinéen, âgé de 83 ans, arrêté le 5 septembre. Il est depuis détenu dans une petite base du Groupement des forces spéciales (GFS) installée à l‘entrée de Kaloum, dans une aile du Palais du peuple. La délégation de la Cedeao devrait ainsi de nouveau appeler les putschistes à la libération immédiate du président guinéen, comme elle l‘a déjà réclamé à deux reprises depuis le coup d‘Etat.
Mais une fois sa libération actée, où ira Alpha Condé ? C‘est la question sur laquelle planche une poignée de capitales ouest–africaines depuis mardi. Plusieurs chefs d‘Etat s‘inquiètent en effet du risque pour sa sécurité d‘un maintien d‘Alpha Condé dans le pays et plaident activement pour un départ rapide du président hors de Guinée. Pour ce faire, deux options sont actuellement à l‘étude.
Brazzaville ou Paris ?
La première se situe à un peu plus de 3 500 kilomètres de Conakry, à Brazzaville. En effet, le président congolais Denis Sassou Nguesso – qui n‘a pas quitté la Suisse où il effectue une batterie d‘examens médicaux (AI du 02/09/21) – s‘est entretenu ces derniers jours avec plusieurs de ses homologues ouest–africains. Il a ainsi fait part de sa « pleine disponibilité à accueillir Condé dans la capitale congolaise. Les chefs d‘Etat entretiennent une longue amitié depuis plusieurs années et, depuis le 5 septembre, Denis Sassou Nguesso s‘est particulièrement investi au sujet de la situation de son homologue guinéen.
Autre piste également à l‘étude : la France. Cette solution a notamment été proposée par le président ivoirien Alassane Ouattara. Néanmoins, aucun contact n‘avait encore été initié avec Paris au 9 septembre sur ce sujet. Très actif depuis le coup d‘Etat, Ouattara s‘est notamment longuement entretenu avec le chef de la junte Mamady Doumbouya le lundi 6 septembre (voir nos révélations, AI du 07/09/21).
Si les relations entre Alpha Condé et la France ont été particulièrement distantes ces derniers mois à la suite de la volonté du président guinéen de modifier la constitution en vue de se présenter à un troisième mandat, ce dernier reste attaché à l‘Hexagone, où il a vécu plusieurs années lorsqu‘il était opposant. Il est d‘ailleurs toujours propriétaire d‘un appartement place d‘Italie, dans le 13° arrondissement de Paris. D‘ores et déjà, et malgré la fermeture momentanée de l‘espace aérien guinéen, plusieurs membres de son premier cercle sont parvenus à gagner la capitale française.
Enfin, deux autres destinations, Dakar et Kinshasa, ont également été évoquées ces deux derniers jours sans que celles–ci fassent l‘objet d‘initiatives « poussées« . Car si les chefs d‘Etat africains s‘activent depuis cinq jours pour tenter d‘exfiltrer
le dirigeant guinéen, ce dernier n‘aurait à ce jour pas manifesté son souhait de quitter le pays.
La junte prête à laisser partir Alpha Condé ?
Mais si la junte a affirmé à plusieurs de ses interlocuteurs internationaux qu‘Alpha Condé était « bien traité » et qu‘il pourrait prochainement être libéré, les putschistes ne sont pas encore prêts à le laisser quitter le pays. Plusieurs voix au sein du CNRD plaideraient ainsi pour un maintien dans un premier temps du chef de l‘Etat guinéen en « résidence surveillée« , ce afin d‘éviter qu‘il ne mobilise ses réseaux contre les nouveaux maîtres du pays.
Plusieurs associations guinéennes ont également réclamé ces derniers jours l‘ouverture d‘enquêtes sur les deux précédentes mandatures, dans lesquelles Alpha Condé pourrait être directement cité.
ai