Candidat à sa propre succession, le président met actuellement la dernière main à la composition de son équipe de campagne. Soucieux de maintenir les équilibres et d’apaiser les tensions au sein de son camp, il tente de concilier les ambitions de ses lieutenants en répartissant soigneusement les rôles.
La tâche est suffisamment délicate pour que le président ivoirien annule sa participation à l’Assemblée générale des Nations unies (ONU) (AI, 05/09/2025). Depuis plusieurs semaines, le chef de l’État ivoirien travaille en effet sur l’architecture de son dispositif de campagne en vue du scrutin du 25 octobre 2025.
L’exercice est loin d’être aisé : il faut en effet composer avec les ambitions des barons du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), dans un climat de tensions toujours palpables. Pour tenter de préserver ces équilibres, Alassane Ouattara souhaite nommer un directeur de campagne consensuel et dépourvu d’ambition. Deux profils sont à l’étude. Celui de Gilbert Koné Kafana, 74 ans, président du directoire du RHDP, qui lui confère une certaine légitimité (AI, 23/09/2021). Et celui de Robert Beugré Mambé, 73 ans, premier ministre et fidèle parmi les fidèles, aujourd’hui considéré comme la figure la plus appréciée de la majorité, sans rival déclaré ni velléité de succession (AI, 03/11/2023).
Ni Gilbert Koné Kafana ni Robert Beugré Mambé n’exerceraient cependant une véritable autorité sur l’appareil de campagne. Leur rôle resterait avant tout protocolaire. Car Alassane Ouattara entend s’appuyer sur une sous–direction de campagne composée de six à sept responsables chargés des régions et de thématiques précises, plutôt que sur un seul directeur. C’est dans cette structure que les arbitrages apparaissent les plus délicats, car il s’agit de contenir les ambitions et les rivalités entre lieutenants.
Bataille des lieutenants
Parmi les noms appelés à y figurer, celui d’Ibrahim Bacongo Cissé, secrétaire exécutif du RHDP. Déjà actif dans l’élaboration de la stratégie vis–à–vis de l’opposition du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), son leadership est néanmoins très contesté au sein du RHDP où plusieurs cadres fustigent son incapacité à tenir la formation.
Autre profil: Patrick Achi, ancien premier ministre, limogé en octobre 2023, puis nommé en janvier 2025 ministre d’État conseiller à la présidence, sans portefeuille stratégique. Alassane Ouattara avait tenu à le maintenir dans le camp présidentiel afin d’éviter les défections, dans un parti fragilisé depuis cinq ans par plusieurs départs. Depuis son retour, et malgré des chances jugées limitées, Patrick Achi nourrit de nouvelles ambitions politiques. Le 12 août, un décret a entériné sa renonciation à la nationalité française: il n’est désormais que citoyen ivoirien, un détail important pour prétendre aux plus hautes fonctions de l’État. Alassane Ouattara l’a par ailleurs désigné pour le remplacer à la tête de la délégation ivoirienne qui se rendra le 20 septembre à l’Assemblée générale de l’ONU. L’ancien premier ministre se verrait bien occuper la vice–présidence à l’issue de la présidentielle, lui dont les relations sont notoirement mauvaises avec l’actuel titulaire du poste, Tiémoko Meyliet Koné. Alassane Ouattara souhaite néanmoins maintenir ce dernier à l’issue de l’élection présidentielle.
Maintenir les équilibres
Autre figure appelée à jouer un rôle dans l’équipe de campagne : le président de l’Assemblée nationale, Adama Bictogo. Ancien directeur exécutif du RHDP et grand artisan de la campagne de 2020, le fondateur du groupe Snedai se retrouve depuis plusieurs mois dans le viseur d’une partie du premier cercle présidentiel, qui s’inquiète de ses ambitions supposées. Ses affaires sont scrutées de près: Snedai a fait l’objet de redressements fiscaux et plusieurs de ses proches ont été auditionnés (AI, 12/07/2024). Dans l’entourage du chef de l’État, une poignée de voix militent désormais activement pour qu’il ne soit pas reconduit à la tête du parlement à l’issue des prochaines élections législatives prévues à la fin du mois de décembre 2025. Maire de Yopougon, commune populaire de près de deux millions d’habitants, Adama Bictogo conserve toutefois une assise politique significative pour le RHDP dans le cadre de la campagne présidentielle à venir.
Actuelle présidente du Sénat, Kandia Camara est elle aussi pressentie pour intégrer ce directoire. Avec cette direction de campagne collégiale Alassane Ouattara espère apaiser le climat de fortes crispations au sein du RHDP, dont l’unité repose aujourd’hui sur sa seule personne.
Armée de communicants
Figure montante de la formation, le ministre de la promotion de la jeunesse, Mamadou Touré, devrait également être étroitement associé au dispositif de campagne. En visite à Paris en juin, il a déjà mené une série de consultations à l’hôtel Le Méridien, dans le 17 arrondissement (AI, 13/06/2025).
Au–delà des relais traditionnels du RHDP, la formation présidentielle ivoirienne devrait également s’appuyer sur le publicitaire Fabrice Sawegnon à la tête de Voodoo Group (AI, 25/08/2020). Incontournable communicant du RHDP, ce dernier a déjà orchestré les campagnes présidentielles de 2010, 2015 et 2020.
Pour son volet international, Abidjan s’appuie de longue date sur le cabinet fondé par Anne Méaux, Image 7. En 2020, l’agence s’était employée à mobiliser la presse française pour défendre le troisième mandat d’Alassane Ouattara. Plus récemment, en septembre, Image 7 a accompagné la communication autour du partenariat conclu entre le club parisien de rugby le Stade Français et Sublime Côte d’Ivoire, l’agence chargée de la promotion touristique du pays.
L’activisme de Laurent Gbagbo scruté de près
Avec l’exclusion du président du PDCI, Tidjane Thiam, et de l’ancien président Laurent Gbagbo, l’enjeu du scrutin reste faible. Une exclusion qui n’a par ailleurs pas fait consensus au sein de la formation, certains estimant que, pour la crédibilité du scrutin, une approche plus inclusive aurait favorisé la légitimité de l’élection. Le RHDP table néanmoins sur une réélection, dès le premier tour, à une large majorité.
En revanche, dans les préparatifs des arguments et des éléments de langage de campagne face à l’opposition, le RHDP considère Laurent Gbagbo comme le plus dangereux. Si la mobilisation dans la rue reste pour l’instant contenue, le sujet est pris très au sérieux. Son
discours politique et sa base électorale – estimée autour de 20 % par les cadres du RHDP –, sont jugés les plus efficaces et les plus redoutés. Ces derniers travaillent actuellement à l’élaboration d’un argumentaire pour répondre à la campagne que Laurent Gbagbo mène depuis un mois, axée sur la question d’un quatrième mandat qualifié d‘ « illégal et anticonstitutionnel » et qui suscite l’irritation au sommet de l’État. Le RHDP mise notamment sur « les réalisations et le bilan » d’Alassane
Ouattara pour structurer son contre–discours.
Ai
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