Bien connu dans le milieu du show–business, autrefois protégé par feu le Premier ministre, l‘homme a été déféré à la Maca pour des faits de faux et usage de faux.
Touré Aladji Moustapha, dit AL Moustapha, se filme en direct sur Facebook depuis le jardin de sa villa. Il porte une djellaba à capuche, de larges lunettes de soleil. « Je fais cette vidéo pour vous dire que j‘ai été convoqué à la gendarmerie et que je vais m‘y rendre. Il se peut que j‘aille en prison. Si vous voyez cette vidéo, c’est que j‘ai été déféré en prison », lance–t il ce 24 août.
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L‘homme d‘affaires ivoirien, bien connu dans le milieu du show business, sera arrêté et déféré à la Maison d‘arrêt et de correction d‘Abidjan (Maca) deux jours plus tard pour des faits de faux et usage de faux documents administratifs, usurpation de titre ou de fonction et escroquerie portant sur du numéraire.
Réseau de faussaires Que lui reproche–t–on précisément ? Dans un communiqué publié le jour de l‘arrestation, le procureur de la République a expliqué qu‘Al Moustapha avait « mis en place un réseau de faussaires qui produit et commercialise de fausses attestations d‘exonération de sénateurs auprès de particuliers, lesquels s‘en servent pour contourner la procédure douanière en matière d‘importation de véhicules ».
Richard Adou a même indiqué que plusieurs sénateurs étaient impliqués. Dans les jours qui ont suivi son interpellation, des enregistrements audio d‘Al Moustapha échangeant avec des vendeurs de voitures ont circulé sur la Toile.
SANS HAMED, J‘ALLAIS MOURIR EN PRISON
À Abidjan, l‘affaire a fait grand bruit. Personnage haut en couleur, abonné aux frasques et sorties polémiques, Al Moustapha est membre du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). C‘est surtout un proche de l‘ancien Premier ministre Hamed Bakayoko, décédé en mars.
Et Al Moustapha ne l‘a jamais caché : il ne serait rien sans ce dernier. « Peu de ministres mettent la main à la pâte, qu‘on se le dise franchement. Je vais peut–être me faire des ennemis, mais c‘est la vérité. Il y en a deux ou trois aujourd‘hui qui le font : l‘un d‘eux c‘est Hamed Bakayoko. C‘est sûrement l‘un des ministres les plus généreux de l‘Afrique. Il m’a presque ramassé dans la rue. Voici ce qu‘il a fait de moi : un chef d‘entreprise », disait–il en avril 2020.
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Un an plus tard, quelques semaines après le décès du Premier ministre, l‘homme d‘affaires était invité sur le plateau d‘une émission de télévision. « Le grand frère est parti. Mais pour moi, il n‘est pas parti. Ayant reçu une éducation de la rue, je n‘étais pas correct à 100%. J‘ai eu des petits bobos, et à chaque fois, c‘est lui qui venait à mon secours. [S‘il n‘y avait pas eu] Hamed, peut–être (serais–je mort] en prison », confiait–il avant
d‘éclater en sanglots et de quitter le plateau.
Mouvement J‘aime Gbagbo Al Moustapha a longtemps eu la réputation d‘être un bel escroc connu pour ses nombreuses combines. Après avoir fait ses classes à Bouaké, il intègre la galaxie patriotique en 2004 par l‘intermédiaire de Zokora Simplice, un cadre du Front populaire ivoirien (FPI) décédé en 2019. Il créée le Mouvement J‘aime Gbagbo (MJG), qui servira autant de soutien au chef de l‘État que de support à des arnaques en tout genre. Al Moustapha avait aussi la réputation de « fournir » des prostituées aux caciques du régime Gbagbo.
SOUS GBAGBO, TOUT ÉTAIT PERMIS
<< J‘ai été le premier à créer un mouvement de soutien à Gbagbo, j‘avais un budget de 200 millions de francs CFA. Une trentaine d‘hommes armés étaient avec moi. Parce que sous Gbagbo, tout était permis », avait–il raconté.
Si Hamed Bakayoko et Al Moustapha s‘étaient rencontrés dans les années 1990, ce n‘est qu‘à l‘arrivée au pouvoir d‘Alassane Ouattara que leurs intérêts se sont réellement rapprochés. Hamed place sous sa protection celui qui sait toujours rendre des services. Al Moustapha ne rate pas une occasion de tenter de satisfaire son mentor, comme lorsque Hamed Bakayoko souhaite se rapprocher de Félix Tshisekedi, après son élection à la tête de la RDC, en 2019. Al Moustapha, qui connaît un ami personnel du nouveau chef de l‘État, active ses réseaux mais Tshisekedi décline l‘offre.
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Rentré dans le rang À l‘inverse, Al Moustapha aurait sans doute déjà connu la prison si Hambak n‘était pas intervenu en sa faveur. Il avait par exemple mis sur pied un trafic de compteurs de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CEI). Et en janvier 2020, il avait publiquement pris position contre une marche pacifique pour la paix que souhaitait organiser l‘Église catholique. Une sortie qui lui avait valu les foudres de l‘opinion publique, le forçant à présenter ses excuses.
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Ses proches assurent néanmoins qu‘il tentait depuis plusieurs années de structurer ses affaires et de rentrer dans le rang. En 2013, il avait monté une entreprise de transit de
marchandises et était même devenu
en 2019 le président du Collectif des opérateurs économiques de Côte d‘Ivoire (COECI). Mais son passé l‘a
semble–t–il rattrapé.
JA