Suivi par près de trois millions d’abonnés, ce créateur de contenus au ton volontiers mordant a été très actif dans la guerre informationnelle qu’a menée Pastef avant que Bassirou Diomaye Faye ne soit élu et que Sonko devienne Premier ministre.
Le 25 mars, alors que l’ancien Premier ministre Amadou Ba vient de reconnaître sa défaite face à Bassirou Diomaye Faye, Bravador croule sous les remerciements. À plusieurs reprises, le nom de cet influenceur ivoirien est mentionné par différents comptes Facebook affiliés aux Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), le parti d’Ousmane Sonko.
Félicitations à toi aussi. Le mérite te revient », lui écrit- on, en plaidant pour qu’il soit invité à l’investiture du nouveau chef de l’État élu.
Le 2 avril, Bravador atterrit à Dakar, jour de la prestation de serment de Bassirou Diomaye Faye. Il séjourne quelque temps à l’hôtel Azalaï, où Sonko et son bras droit avaient pris leurs quartiers après leur sortie de prison, en pleine campagne électorale. Bravador, près de trois millions d’abonnés dont 2,5 millions sur Facebook, poste même une photo de la suite où a logé Diomaye Faye.
Si le créateur de contenus est connu au Sénégal, c’est parce qu’il a consacré, depuis le début des déboires judiciaires d’Ousmane Sonko en 2021, des pastilles humoristiques au leader de l’opposition et pris position en sa faveur. <<À l’époque, des fans sénégalais de ma communauté en ligne m’avaient interpellé sur le cas d’Ousmane Sonko, qui était soupçonné de viol et menacé de procès. C’était pour eux une injustice et une volonté du pouvoir en place de l’écarter de la scène politique, raconte–t–il. C’est à partir de là que j’ai commencé à suivre son actualité et à regarder son histoire, et que j’ai aimé sa vision pour l’Afrique. >>
Ousmane Sonko et le Pastef, ces ovnis politiques qui ne veulent pas disparaître
L’influenceur enchaîne les vidéos pour commenter l’actualité du Pastef et de son leader. Ses clips sont à leur tour massivement partagés par les différentes pages du parti sur les réseaux sociaux, comme par exemple celui rendant compte du succès du concert de casseroles lancé en juin 2022 par Ousmane Sonko à la suite d’une interdiction de manifester. «J’ai comme cette impression que lorsque tonton Macky Sall parle, même s’il prend un haut–parleur, le peuple sénégalais ne l’écoute pas. Mais quand tonton Ousmane Sonko parle, tout le monde. exécute. Qui dirige donc le pays?»
Né le 6 septembre 1987 à Abidjan, Albéric Abottou de son vrai nom se lance sur les réseaux sociaux alors qu’il est encore étudiant de sciences politiques à l’université de Kharkiv, en Ukraine. « À l’époque, je faisais quelques vidéos sur YouTube pour passer le temps sans une réelle
volonté de devenir influenceur ou web humoriste», explique–t–il.
Une bonne dose d’humour et des mèmes hilarants
C’est en 2016, à son retour à Abidjan, qu’il commence à se construire une notoriété. Il se distingue avec un concept de revues de l’actualité politique ou people, agrémentées d’une bonne dose d’humour et de mèmes hilarants. Ses << followers» apprécient, y compris au–delà
des frontières de la Côte d’Ivoire. En 2017, il est invité en Guinée pour faire la première partie d’un concert d’Ans–T Crazy, star musicale locale. «J’avais à peine 100 000 abonnés à l’époque. Mais c’est à partir de ce voyage entièrement pris en charge par les organisateurs que j’ai commencé à prendre mon activité en ligne au sérieux. >>
À Abidjan, à Conakry, les partenariats et contrats publicitaires se multiplient. Mais également à Dakar, où il séjourne à plusieurs reprises, avant que les tensions entre l’opposition et le pouvoir au Sénégal n’atteignent leur paroxysme, en 2023. Il y est identifié comme un fervent
soutien de l’opposition. «<J’ai été séduit par le discours d’Ousmane Sonko parce qu’il s’adresse à la jeunesse africaine qui doit prendre conscience que l’Europe n’est pas un eldorado. Il a également mis son ego de côté pour mettre son poulain à la place où lui–même devait être. C’est assez rare en Afrique. >>
Au Sénégal, Bassirou Diomaye Faye poursuit son opération « mains propres >>>
Lui qui vante la jeunesse des dirigeants sénégalais se garde néanmoins de commenter l’âge – avancé – de plusieurs des ténors de la politique ivoirienne. «<De quoi je me mêlerais? Moi, je ne fais pas de la politique. Je ne connais même pas les articles qui composent la Constitution ivoirienne pour me prononcer sur cette affaire de troisième ou quatrième mandat», esquive–t–il. Mais alors pourquoi a–t–il été si prompt à s’impliquer dans la lutte portée par Pastef? «<Ousmane Sonko était victime d’une injustice voulue par quelqu’un qui ne comptait pas quitter le pouvoir, répond–il. C’est très différent. >> Plus tard, il admettra soutenir Alassane Ouattara : << Il travaille pour la jeunesse. Le pays brille et il y a beaucoup d’infrastructures. Même si le coût de la vie augmente, moi je soutiens sa politique et sa vision de développement et de croissance économique de la Côte d’Ivoire. >>
Réconcilier les Maliens et les Ivoiriens
Plutôt que de politique, Bravador préfère donc parler du Festi Malivoire, un festival de musique qu’il compte organiser à Bamako pour rapprocher et réconcilier deux pays, dont les relations se sont tendues après l’arrivée d’Assimi Goïta à la présidence.
Bravador dit regretter la prolifération des injures en ligne. <<< Un Malien ne peut pas faire la guerre à son frère ivoirien parce que les autorités au sommet des deux États ne s’entendent pas. Nous comptons donc rassembler les artistes ivoiriens et maliens sur une même scène pour
prôner la paix, l’unité et la fraternité. » Quant à Bassirou Diomaye Faye et à son Premier ministre, il leur donne deux ans avant de commencer à passer au crible de l’humour leurs promesses de campagne.
Jean Moliere source JA