20 avril 2024
Paris - France
JUSTICE

Au procès des sondages de l’Elysée, le silence et l’agacement de Nicolas Sarkozy

Contraint par le tribunal à témoigner malgré son refus, l’ancien chef de l’Etat a refusé de répondre aux questions et martelé qu’il n’avait pas de comptes à rendre sur son mandat.

« Il y a un principe qui dépasse de beaucoup ma personne, qui s’appelle la séparation des pouvoirs : je n’ai pas à rendre compte de l’organisation de mon cabinet ou de la façon dont j’ai exercé mon mandat devant un tribunal, mais devant les Français. » Costume sombre, mains jointes, visiblement fort mécontent d’être à la barre de la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, Nicolas Sarkozy lit une déclaration écrite pour justifier le silence qu’il s’apprête à opposer aux questions du tribunal concernant l’affaire des sondages de l’Elysée.

La déposition de l’ancien chef de l’Etat a été imposée par le président Benjamin Blanchet, au deuxième jour d’audience du procès des sondages de l’Elysée, le 19 octobre. M. Sarkozy est sans conteste le principal bénéficiaire des contrats passés – sans appels d’offres, ce qui justifie ce procès – par l’Elysée auprès des sociétés de ses deux conseillers externes, le très droitier Patrick Buisson et l’ancien sondeur Pierre Giacometti, deux des cinq prévenus au procès. Ils lui offraient des conseils politiques, M. Buisson y ajoutant la fourniture de sondages dont, à l’en croire, l’ancien chef de l’Etat était fort friand.

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Si M. Sarkozy est couvert par son immunité présidentielle, qui empêche toute poursuite dans cette affaire, son éclairage aurait pu être précieux. Les avocats de son ex-secrétaire général Claude Guéant – également prévenu, de même que l’ex-directrice de son cabinet Emmanuelle Mignon et l’ex-conseiller opinion Julien Vaulpré – ou de M. Buisson, avaient d’ailleurs demandé, durant l’instruction, que l’ancien chef de l’Etat soit entendu. Ce dernier avait décliné, et le juge Serge Tournaire avait choisi de ne pas ordonner sa convocation.

« Grand sentiment d’injustice »

Le président de la 32e chambre correctionnelle, Benjamin Blanchet, n’a pas eu le même avis, et a fait droit à la demande de l’association anticorruption Anticor, partie civile, qui souhaitait entendre ce témoin. L’ex-président de la République avait fait savoir par courrier qu’il ne comptait pas se présenter, arguant de son immunité présidentielle. Mais « une telle audition ne saurait porter atteinte à l’irresponsabilité pénale » avait répondu le tribunal qui, jugeant le témoignage de l’ex-chef d’Etat « indispensable à la manifestation de la vérité », avait ordonné sa venue, quitte à recourir à la force publique.

Finalement, Nicolas Sarkozy, qui assure avoir « appris par la presse » cette convocation, est venu de son plein gré, mais avec la ferme intention de ne répondre à aucune question. L’ancien chef de l’Etat, qui assure vouloir « faire appel » de cette convocation, estime qu’il n’a « pas le droit » de s’expliquer, sous peine de trahir « la lettre et l’esprit de la Constitution ». Tout au plus se permet-il une remarque sur le « grand sentiment d’injustice » qu’il éprouve face à cette convocation « totalement disproportionnée » : « J’ai été le premier chef d’Etat à avoir l’étrange idée de faire rentrer la Cour des comptes à l’Elysée. Si je n’avais pas pris cette décision, votre tribunal ne serait pas saisi. » De fait, c’est suite au premier audit des comptes de la présidence, en 2008, qui a fait le constat de ces contrats passés sans respecter la procédure des marchés publics, qu’éclatera l’affaire des sondages.

Le Monde

 

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