Le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans, le JNIM, groupe djihadiste affilié à Al-Qaïda, a revendiqué l’attaque contre l’aéroport militaire de Bamako et un camp militaire, une opération audacieuse et inédite depuis des années dans la capitale malienne.
La branche sahélienne d’Al-Qaïda, Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM), a ouvert un nouveau front dans son insurrection au Mali en imposant un blocus autour de Kayes, l’une des régions les plus stratégiques du pays.
Le JNIM a érigé des postes de contrôle sur les principales routes reliant Kayes à la capitale Bamako, ainsi qu’à Dakar (Sénégal) et Nouakchott (Mauritanie).
Le groupe a annoncé le 3 septembre qu’il coupait les villes de Kayes et Nioro-du-Sahel, qui comptent respectivement environ 130 000 et 50 000 habitants, dans le cadre d’une escalade drastique de ses activités dans le sud du Mali
Le groupe djihadiste a intensifié ses activités dans la région de Kayes, au Mali, un hub économique clé à la frontière avec le Sénégal et la Mauritanie
Les faits – Au Mali, les autorités militaires tentent de rassurer la population et les acteurs économiques, après une série d’attaques contre des convois de carburant et de marchandises, filmées et mises en ligne par les djihadistes pour faire encore plus peur aux habitants et usagers des grands axes routiers.
lyad Ag Ghali a décidé d’étouffer économiquement Bamako. Le patron du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, lié à al–Qaïda) ne laisse pas passer une semaine sans perpétrer de nouvelles attaques à l’Ouest du Mali, frontalier du Sénégal et de la Mauritanie. Depuis le mois de juillet, les katibas du groupe djihadiste s’en sont prises à des villes importantes de la région comme Kayes, Nioro–du–Sahel et Niono, tentant d’imposer un blocus.
L’état–major de l’armée malienne a alors envoyé des troupes en renforts, notamment pour sécuriser les villes et les principaux axes routiers. Le Mali n’a aucun accès à la mer. Le pays est donc approvisionné par la route à partir des ports de Dakar (Sénégal), de Nouakchott (Mauritanie)
et d’Abidjan (Côte d’Ivoire) où sont chargés sur des camions les hydrocarbures, le poisson, les fruits et légumes. L’armée organise des convois pour sécuriser les
approvisionnements. Les djihadistes réalisent des attaques surprises pour s’emparer de ces cargaisons.
Blocus. Le 3 septembre, Abou Houzeifa Al–Bambari, un représentant du GSIM, a annoncé, via un message audio en peul et en bambara, l’instauration d’un blocus sur les axes menant à Kayes et Nioro–du–Sahel, l’interdiction d’acheminer du carburant depuis la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Sénégal et la Mauritanie, la suspension des activités de la société Diarra Transport, l’un des principaux convoyeurs de marchandises du pays.
« La région de Kayes constitue une cible stratégique majeure pour le GSIM qui la considère comme un espace vital aussi bien pour l’économie et la sécurité du Mali que pour un éventuel positionnement lui permettant de perpétrer davantage d’attaques en perturbant l’approvisionnement de ce >>
pays
Les djihadistes ciblent particulièrement l’épine dorsale du pays, la Route Nationale 1 (RN1), reliant Bamako à Dakar via Kayes et Diboli. Fin août, ils ont incendié des engins de chantier sur cette voie qui est en cours de réhabilitation par l’entreprise chinoise COVEC afin de perturber les travaux. Cette route est essentielle pour le commerce.
Environ 30% des importations terrestres du Mali, soit 2,7 millions de tonnes de marchandises, y transitent chaque année.
Dimanche, les djihadistes du GSIM, circulant à moto, ont encore attaqué un convoi de 80 camions–citernes entre Kaniéra et Lakamané. Il venait du Sénégal. La veille, un autre convoi de carburant avait déjà été attaqué entre Diédiéni et Kolokani, à une centaine de kilomètres de Bamako. Les djihadistes ont brûlé certaines cargaisons et en ont emporté d’autres.
<< La région de Kayes constitue une cible stratégique majeure pour le GSIM qui la considère comme un espace vital aussi bien pour l’économie et la sécurité du Mali que pour un éventuel positionnement lui permettant de perpétrer davantage d’attaques en perturbant l’approvisionnement de ce pays », explique une note très
récente du Timbuktu Institute, ONG de prévention des conflits à Dakar.
« Les attaques visent surtout à isoler la capitale, Bamako. Il n’y a pas encore de pénurie de carburant à Bamako mais elle va vite arriver car l’Etat ne dispose pas de stock de réserve stratégique. Et l’on ressent déjà des hausses de prix sur des produits de première nécessité et une insécurité >>
alimentaire accrue
Les autorités ont instauré un couvre–feu à Kayes jusqu’au 30 septembre 2025, limitant la circulation aux véhicules militaires et ambulances. « La situation sécuritaire est relativement calme, a tenté de rassurer le général Makan Alassane Diarra, le sous–chef des opérations à l’état–major général des armées, le 16 septembre à la télévision nationale. Cependant, elle est marquée par des attaques ciblées de groupes armés terroristes sur les grands axes
routiers. Des citernes ont été incendiées. Les forces armées ont riposté vigoureusement à travers les troupes au sol comme à travers les raids aériens >>.
Enlèvements. La stratégie de lyad Ag Gali vise à déstabiliser voire asphyxier l’économie malienne. << Les attaques visent surtout à isoler la capitale, Bamako, confie
une source sécuritaire à l’Opinion. Il n’y a pas encore de pénurie de carburant à Bamako mais mais elle va vite arriver car l’Etat ne dispose pas de stock de réserve
stratégique. Et l’on ressent déjà des hausses de prix sur des produits de première nécessité et une insécurité alimentaire accrue >>.
Le patron du GSIM s’en prend aussi aux sites miniers comme à Bafoulabé et commande l’enlèvement d’étrangers travaillant pour des compagnies
internationales. Cet été, le GSIM a attaqué sept sites industriels étrangers dans la région de Kayes, kidnappant trois Indiens. Objectif : décourager les investissements étrangers, notamment chinois, et réduire les finances de l’Etat.
Au Sénégal, les syndicats de transporteurs menacent de suspendre leurs activités si la sécurité n’est pas renforcée.
Les autorités ont déployé à la frontalière malienne le Groupe d’action rapide de surveillance et d’intervention (Garsi) à Goudiri, soutenu par l’Union européenne. Les
attaques djihadistes chez le voisin représentent un manque à gagner pour les opérateurs sénégalais. Les experts du Timbuktu Institute recommandent, quant à eux,
d’améliorer la coordination sécuritaire entre le Mali, la Mauritanie et le Sénégal.
JM /AFP