« Que nous soyons vendeurs, chômeurs, entrepreneurs, étudiants, sportifs, intellectuels, artistes etc.. Nous devons agir comme les nouveaux pionniers de la reconstruction d’une Centrafrique moderne. Nous approprier la question de notre avenir et œuvrer dans la fraternité. Soyons les acteurs du rayonnement de notre pays. Le sous-développement n’est pas une fatalité et nous devons le prouver au monde par tous les moyens. «
CONTINENT MEDIA : Bonjour Éric. Présentez-vous à nos lecteurs?
ERIC GABIRAULT: Je suis né à Bangui (RCA) et j’ai effectué l’essentiel de mes études supérieures à l’étranger. Je suis notamment diplômé de la 1ère promotion de l’ISCT (Institut Supérieur des Cadres et techniciens) d’Abidjan en Côte d’Ivoire dans l’industrie du Tourisme, puis de la prestigieuse École Supérieure de Commerce de Montpellier devenue aujourd’hui « Montpellier Business School » que j’ai intégré sur recommandation ministérielle. Mon objectif était à l’époque de mieux appréhender l’environnement touristique, analyser les problématiques à caractère commercial, financier, marketing, politique pour être en mesure de présenter des préconisations pour le développement de mon pays.. Après un poste d’attaché commercial au département tourisme d’affaires, du groupe Disneyland Paris, j’ai ensuite entamé avec succès une longue carrière dans le monde des banques et de la finance qui m’a emmené à travailler au sein de plusieurs grandes institutions françaises et internationales. En 2019, l’AFD m’a recruté comme cadre pour sa filiale PROPARCO spécialisée dans le financement et l’accompagnement du secteur privé en Afrique, en Asie, en Amérique latine ou encore au Moyen-Orient. Au-delà de posséder la nationalité centrafricaine et française, je me définirai aussi comme un citoyen du monde car j’ai noué des attaches dans tous les pays que j’ai visités à travers le monde.
CM: Vous êtes le fils de Olivier Emmanuel GABIRAULT, l’une des personnalités politiques influentes et adulées de Centrafrique. Et si vous devriez nous parlez de monsieur Olivier GABIRAULT, que diriez-vous?
E.G: Olivier GABIRAULT est effectivement un homme politique d’un rare dévouement dont l’exemplarité est reconnue à l’unanimité. Être son fils est évidemment pour moi une fierté. En toute objectivité, il faudrait pratiquement un livre pour décrire ce qu’il a fait pour son pays. Je retiendrais donc trois de nombreuses valeurs qu’il nous a transmises comme l’humilité, la persévérance et l’esprit de conquête qui m’ont aidé dans ma carrière personnelle.
CM: Quels sont les témoignages sur votre père qui vous ont les plus marqués?
E.G: J’ai été marqué par plusieurs témoignages de reconnaissance de ses anciens étudiants à l’époque où il était professeur du droit de la construction à l’université de Bangui. J’ai appris à cette occasion que pendant des années, il leur cédait gracieusement ses honoraires afin qu’ils puissent s’achètent des livres.
Il y’a également le jour où nommé Ministre, des membres influents de la famille lui ont demandé de se mettre financièrement à l’abri comme la plupart des Ministres. Ce qui le mettait visiblement en colère. Il répondait avec autorité que le Président ne l’avait pas nommé pour voler.
Le témoignage le plus marquant concerne cependant un geste de transparence inédit au moment de quitter sa fonction de Maire de la capitale suite à des divergences avec le président Patassé. En effet, il demanda à la surprise générale qu’un audit soit effectué sur sa gestion à la tête de la mairie.
CM: Votre patronyme vous oblige-t-il à une obligation de réussite aussi bien au plan personnel qu’au plan de la responsabilité publique ?
E.G: Il y’a effectivement le poids du devoir d’exemplarité mais celui-ci n’implique pas obligatoirement une mission d’ordre public ou politique car celles-ci ne sont pas les seules sphères où l’on peut apprécier des vertus humaines.
CM: Quel regard porte-vous sur la situation sociopolitique, économique et culturel de votre pays la Centrafrique ?
E.G: La RCA est dans une situation de crise permanente avec une instabilité institutionnelle et conjoncturelle qui rend sa gouvernance peu propice à un développement durable.
Pour inverser la tendance et permettre qu’un jour le monde parle de notre situation catastrophique au passé, à l’image des pays comme le Rwanda ou l’Ethiopie , Il conviendrait d’abord de rétablir la paix sur l’ensemble de notre territoire, tirer les leçons des causes de cette crise et nous en servir pour bâtir notre avenir.
CM: En quoi la situation que traverse votre nation vous interpelle entant que citoyen et élite du pays ?
E.G: La situation de la République centrafricaine, confrontée depuis des années à une crise sécuritaire nécessite une mise en place de plusieurs mécanismes de recherche de la paix. Il faut à mon sens un travail d’anticipation qui réduirait les risques de crises dans prochaines années.
CM : Des projets en perspectives? si oui, Qui en seront les gros bénéficiaires?
E.G: Ma principale préoccupation sera de contribuer au bien-être des jeunes et des populations vulnérables à travers un programme à fort impact positif sur leur vies.
CM : Quelles places y sont réservées aux femmes et à la jeunesse ?
E.G: Les femmes et les jeunes sont un pilier essentiel pour notre développement. Nous avons malheureusement une jeunesse dont le potentiel n’est pas exploité à sa valeur optimale malgré les sérieuses possibilités d’innovation et d’accélération de croissance économique qu’elle représente. Elle semble au contraire freinée par l’exclusion sociale, économique et politique. Les jeunes femmes sont également très durement touchées or elles devraient être des actrices incontournables de la politique de notre pays.
Il faudrait donc investir dans son potentiel humain et intellectuel, dans la formation, de sa future génération, lui transmettre de l’espoir à travers des projets d’insertion sociale notamment.
CM: Vous travaillez à l’AFD, l’Agence française de développement. Peut-on dire sans risque de se tromper que vous êtes une chance pour la Centrafrique quand on sait la fibre patriotique qui vous caractérise mais aussi pour avoir et continué de travailler pour les grandes institutions et participer à l’élaboration de politiques de développement qui fonctionnent ailleurs, et qui peuvent être repiquées chez vous ?
E.G: A travers l’AFD, j’ai eu effectivement l’immense fierté d’œuvrer au profit de mon pays sous diverses formes. Nous avons mis par exemple en place un fonds pour accompagner et soutenir les efforts du gouvernement centrafricain dans la recherche d’une sortie de crise, dans la consolidation de la paix et le relèvement économique de notre pays. Un gouvernement quel qu’il soit doit toujours se féliciter d’avoir un ou plusieurs de ses ressortissants dans les institutions qui servent ses intérêts. En effet, j’ai pu comprendre de l’intérieur le mécanisme de l’aide au développement. J’ai, par ailleurs rencontrer le Directeur général de l’AFD à Paris ainsi que son représentant à Bangui auprès desquels, j’ai plaidé en faveur de mon pays. En cela, je peux effectivement penser que c’est une opportunité pour mon pays car être proche des instances de décision est la meilleure manière d’appréhender le mécanisme.
CM : Une adresse à l’endroit de la diaspora centrafricaine de France et d’ailleurs?
E.G: Contribuer au développement de son pays d’origine devrait être pour moi le slogan le mieux partagé par les communautés africaines dans le monde. Il y’a 2 ans, un rapport de l’african Institute for Remittance estimait à 65 milliards le flux des transferts de la diaspora à destination de l’Afrique. Un montant qui correspond à plus du double de l’aide publique au développement pour l’Afrique, estimée à 29 milliards. La diaspora est à ce titre un appui vital pour notre continent et particulièrement pour la RCA qui est largement dépendante de l’aide humanitaire extérieure.
«Si l’on pouvait convaincre un membre de la diaspora sur dix d’investir 1 000 dollars dans son pays d’origine, l’Afrique collecterait 3 milliards de dollars par an pour financer le développement ». La diaspora est donc une solution incontournable pour l’équilibre et développement de nos pays.
CM: Un mot à l’endroit de vos compatriotes en République centrafricaine?
E.G: Que nous soyons vendeurs, chômeurs, entrepreneurs, étudiants, sportifs, intellectuels, artistes etc.. Nous devons agir comme les nouveaux pionniers de la reconstruction d’une Centrafrique moderne. Nous approprier la question de notre avenir et œuvrer dans la fraternité. Soyons les acteurs du rayonnement de notre pays. Le sous-développement n’est pas une fatalité et nous devons le prouver au monde par tous les moyens.
CM: Si vous aviez une promesse à faire à la jeunesse et aux femmes de votre pays pour les 5 années à venir, que leur promettriez-vous?
E.G: Je fais la promesse d’un engagement personnel qui s’orientera autour de recherche de solutions destinées à améliorer le quotidien de mes concitoyens.
CM: votre mot de la fin ?
E.G: Je finirais par l’une des citations du président Kennedy: Quand il est dur d’avancer, ce sont les durs qui avancent. Nous devons donc faire avancer notre pays.
Jean Molière
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