22 octobre 2025
Paris - France
ECONOMIE

Sénégal: Le paradoxe du capital humain : quand l’administration élève les laudateurs et écarte les compétents

Les chroniques de la participation citoyenne
Par Alioune Ndiaye,
Expert en développement international – Écrivain – Militant de la Transformation nationale
Ma devise:il faut transformer ,encore transformer, toujours transformer
L’administration sénégalaise se targue souvent de placer le capital humain au centre de ses priorités. Dans les discours officiels, on vante les vertus de la compétence, du mérite et de la performance. Mais sur le terrain, une autre réalité s’impose, brutale et déroutante : celle d’une bureaucratie où la loyauté prime sur la compétence, où les incompétents courtisans supplantent les professionnels discrets et où l’intelligence critique devient une menace à neutraliser plutôt qu’un levier à valoriser.
1. L’apologie du capital humain : une rhétorique creuse
Les documents stratégiques de l’État parlent de « valorisation des ressources humaines », de « gestion prévisionnelle des compétences » ou encore de « leadership transformationnel ». Pourtant, derrière ces slogans séduisants se cache une culture managériale viciée où les promotions obéissent moins à la logique de performance qu’à celle de proximité, de flatterie ou d’appartenance.
Les cadres lucides et engagés, ceux qui refusent de se plier à la logique des clans sont souvent marginalisés, déplacés voire neutralisés. Pendant ce temps, les laudateurs — ces maîtres du verbe creux et de la prosternation stratégique — s’élèvent, non pas par mérite mais par art de la connivence.
Le résultat est connu : l’administration sénégalaise se vide de ses forces vives. Ceux qui devraient impulser le changement sont réduits au silence pendant que les postes de responsabilité deviennent des zones de confort pour incompétents promus.
2. La perversion du management public
Ce mal n’est pas seulement moral, il est systémique. Le management public sénégalais reste profondément personnalisé et politisé.
Les managers ne se perçoivent pas toujours comme des leaders de la performance mais comme des mandataires de fidélité. Ils sélectionnent, non pas les plus compétents mais les plus dociles ; non pas ceux qui savent mais ceux qui applaudissent.
Cette dérive a un coût. Elle tue la motivation, freine l’innovation et étouffe le sens du service public. L’État, censé être le moteur de la transformation, devient un terrain d’injustice structurelle où la compétence n’est plus une valeur ajoutée mais une menace pour l’ordre établi.
Comme le disait Max Weber, « l’État moderne repose sur la compétence non sur la faveur personnelle ». Nous en sommes encore loin.
3. Quand le mérite devient subversif
Dans un système malade de clientélisme, le mérite devient suspect.
Celui qui travaille trop bien dérange car il met en lumière la médiocrité de ceux qui se contentent d’occuper les fauteuils. Celui qui pense par lui-même inquiète car il échappe au contrôle du chef. Et celui qui ose dire la vérité devient un « opposant » dans un système qui confond loyauté à la République et soumission à la hiérarchie.
Cette situation crée un double paradoxe :
Les meilleurs partent ou se taisent, découragés.
Les médiocres prospèrent, protégés par la connivence.
Ainsi, la bureaucratie sénégalaise se transforme en pyramide inversée où la base déborde de talents sous-exploités, tandis que le sommet s’alourdit de courtisans inefficaces.
4. Sortir du piège : repenser la gouvernance du mérite
Le salut viendra d’un changement de paradigme managérial.
Il faut rompre avec cette culture du favoritisme qui ronge nos institutions et construire une administration basée sur des valeurs :
La compétence avant la complaisance.
L’intégrité avant la loyauté personnelle.
La performance avant l’appartenance.
L’administration sénégalaise doit redevenir un lieu d’excellence où la reconnaissance découle du travail bien fait où le leadership s’incarne dans le service et non dans la domination.
Comme le disait Nelson Mandela :
« Le véritable leader n’est pas celui qui cherche le pouvoir, mais celui qui assume la responsabilité du changement. »
Il ne s’agit pas seulement de changer les hommes mais de changer les mentalités — celles qui considèrent le poste comme un butin et non comme un devoir.
5. Pour une renaissance du service public
Il faut réhabiliter la fonction publique comme espace de transformation nationale.
Cela exige :
Un recrutement fondé sur la compétence.
Une évaluation transparente et régulière.
Une responsabilisation des managers sur les résultats et non sur les loyautés.
Une formation continue en leadership éthique et transformationnel.
Le Sénégal ne manque ni d’intelligence ni de talent. Il manque de volonté morale et politique pour faire triompher la compétence sur la connivence.
Le temps est venu de rompre avec cette hypocrisie institutionnelle : on ne peut pas chanter le capital humain tout en sacrifiant les hommes de valeur.
La transformation du Sénégal passera par une révolution silencieuse des esprits où les postes stratégiques seront confiés, non pas aux flatteurs mais à ceux qui savent et qui veulent servir.
Il faut transformer, encore transformer, toujours transformer.
— Alioune Ndiaye

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