ASG, un acteur tout terrainFondé en 1980 par le père de l’actuel dirigeant, le groupe a une présence notable aux Émirats arabes unis, au Qatar, à Oman, en Jordanie et en Inde, avec un chiffre d’affaires annuel estimé à environ 1 milliard de dollars (environ 920 millions d’euros)
Avec l’inauguration de nouvelles usines de transformation de noix de cajou, la Côte d’Ivoire entend gravir les échelons sur la scène agricole mondiale.
À Boundiali, à plus de 600 kilomètres de Yamoussoukro, une nouvelle installation de transformation de noix de cajou vient tout juste d’être inaugurée. Elle est l’œuvre d’Al Sayegh Group (ASG), un conglomérat émirati basé à Abu Dhabi. Ce dernier dispose d’un portefeuille diversifié d’investissements dans plusieurs secteurs, notamment
l’immobilier, les services financiers et l’aviation. On le
retrouve notamment au capital de la compagnie aérienne Sky Mali depuis 2021. À travers son véhicule Pan African Agro Commodities, ASG s’attaque au potentiel agricole ivoirien.
Capter 10 % de la production de Côte d’Ivoire
D’un coût de 15 milliards de francs CFA (environ 22,87 millions d’euros), ce projet se distingue par sa capacité de production : estimé à 50 tonnes de noix transformées chaque jour. Derrière ces chiffres, le groupe émirati espère capter près de 10% de la production nationale – estimée à plus de 100 000 tonnes annuelles – et servir notamment les marchés internationaux.
Noix de cajou : l’Afrique francophone et le Vietnam, partenaires ou concurrents?
À l’occasion de la cérémonie d’inauguration le 12 juillet, il a été annoncé que l’usine génèrera 2 000 emplois directs et 3 000 emplois indirects. Des projets d’expansion prévus par l’entreprise visent à porter ces chiffres à, respectivement, 6 000 et 10 000.
Transformer 50% de la production
Lors de l’inauguration, le Premier ministre ivoirien Robert Beugré Mambé a réaffirmé la volonté du gouvernement de transformer 50% de la production nationale de noix de cajou d’ici à 2030. Un objectif qu’il voit comme une continuation des progrès déjà réalisés. Comme l’a souligné le ministre de l’Agriculture, Kobenan Kouassi Adjoumani, le nombre d’usines de transformation a significativement augmenté, passant de 7 unités en 2018 à plus de 35 en 2023. Une expansion qui reflète une croissance substantielle du taux de transformation, représentant 22 % de la production annuelle contre 9% il y a encore six ans.
Cette montée en puissance a permis de transformer 268 000 tonnes de noix cette année, contre seulement 34 000 tonnes en 2011. Malgré cet effort, la Côte d’Ivoire reste loin derrière les géants vietnamien et indien, qui transforment respectivement 1,6 million et 1,2 million de tonnes de noix de cajou brutes par an, soit environ six fois plus.
ASG, un acteur tout terrain
Al Sayegh Group (ASG), dirigé par Mansour Al Sayegh,
est un conglomérat familial diversifié opérant entre autres dans l’industrie, la logistique, l’éducation, le médical, l’hôtellerie, la banque et les médias. Fondé en 1980 par le père de l’actuel dirigeant, le groupe a une présence notable aux Émirats arabes unis, au Qatar, à
Oman, en Jordanie et en Inde, avec un chiffre d’affaires annuel estimé à environ 1 milliard de dollars (environ 920 millions d’euros). ASG étend également sa présence en Afrique, notamment au Mali avec des investissements comme dans le barrage hydroélectrique de Taoussa, et en Afrique du Nord avec Multi Level Technology, spécialisée dans les technologies de sécurité, mobile, marketing,
smart government et bancaires. Désormais, c’est en Côte d’Ivoire que le géant émirati veut faire ses preuves. Et il n’est pas le seul…
Autres acteurs
Depuis le début de l’année, de nouvelles usines de transformation d’anacardes se sont établies. En janvier 2024, Afcott Cashew, du groupe singapourien Kewalram Chanrai, a inauguré une unité à Loukoukro, près de Yamoussoukro, stratégiquement située au centre des zones de production. Cet investissement de 12 milliards de francs CFA (18,3 millions d’euros) vise à transformer 20 000 tonnes de cajou par an, avec un potentiel de 50 000 tonnes d’ici à 2027.
Pour 2024, la production prévue est de 4 000 tonnes de noix de cajou ayant subi une première transformation, selon Fadiga Youssouf, responsable des achats chez Afcott. Parallèlement, Valency International Trading, filiale du groupe singapourien Valency International, a également ouvert une usine de transformation de noix de cajou en Côte d’Ivoire. Financée grâce à deux crédits de 6 milliards de francs CFA (9,2 millions d’euros) chacun, accordés par Finnfund et Norfund, l’usine a une capacité de transformation de 45 000 tonnes.
D’autres entreprises singapouriennes, comme Olam International, pionnière avec une première usine ouverte en 2010 à Bouaké, comptent également dans le paysage de l’anarcade. Sans oublier Royal Nuts présente depuis 2022.
Démarrage de campagne difficile
Ainsi, en douze ans, la production de noix de cajou en Côte d’Ivoire a plus que triplé, passant de 400 000 tonnes à 1,2 million de tonnes par an, capturant environ 40% de l’offre mondiale (estimée à un peu moins de 4 millions de tonnes par an). Ce dynamisme positionne le pays ouest–africain non seulement comme le troisième transformateur mondial de noix de cajou, mais également comme le deuxième fournisseur d’amandes de cajou (ayant subi une première transformation, incluant les étapes de traitement initial comme le décorticage et le pelage) sur le marché international.
Pour autant, le début de la campagne 2024 a été difficile pour les producteurs en raison des fortes chaleurs et de la mauvaise gestion du secteur, perturbant ainsi les usines locales. En réponse, le gouvernement a suspendu début mai les achats et les exportations de noix de cajou brutes pour permettre aux transformateurs locaux de se fournir en stock. Cette situation a entraîné un approvisionnement irrégulier en noix brutes et des marges insuffisantes, ce qui a contraint notamment l’usine de transformation de noix de cajou Dénia, située à Grand Bassam, à cesser ses activités. Filiale du groupe marocain Holmarcom et spécialisée dans le snacking, Dénia avait lancé son usine en Côte d’Ivoire en 2021, avec une capacité de production de 10 000 tonnes par an.
Un contexte tendu qui a également abouti au limogeage du président du Conseil du coton et de l’anacarde le 10 juillet dernier.
Jean Moliere Source JA