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Que vaut la France au Tchad ?

Quand Jean-Marie Bockel « envoyé personnel » du président français, affirme le 07 mars 2024 à Ndjamena ; « Il faut rester et bien sûr, nous resterons », parlant de la présence militaire française au Tchad, il traduit certainement l’importance que revêt ce pays de l’Afrique centrale pour l’Hexagone et son envie d’y rester. Chassée du Mali, du Burkina Faso et du Niger, la France est de plus en plus persona non grata sur le continent. Le Tchad est donc aujourd’hui le dernier point d’ancrage de la France.

Militairement, la France est fortement présente au Tchad depuis quatre décennies. Cette présence continue débute en effet le 09 août 1983. La France à travers l’opération Manta intervenait au Tchad à l’appel du président d’alors, Hissène Habré. Dotée de 3500 Hommes, l’opération Manta avait pour mission de lutter contre les hommes du président déchu Goukouni Oueddei et ses alliés Libyens. Si une accalmie est trouvée avec l’accord du 17 septembre 1984, les rebelles de Goukouni Oueddei reviennent en charge en 1986 et une fois de plus sur la demande de Hissène Habré, Paris lance cette fois, l’opération Épervier en février 1986. Depuis, la France n’a plus quitté Ndjamena.

En 2013, le dispositif Épervier comptait près de 950 militaires affectés à deux bases principales : la base aérienne 172 à N’djamena et la base capitaine Croci à Abéché, dans l’Est du Tchad. L’opération Epervier prend fin en août 2014, s’en suit l’opération Bakharne pour appuyer les pays sahéliens partenaires qui prend fin en 2022.

Un millier d’éléments Français au Tchad

Des soldats tchadiens font la fête lors d'un défilé à D'Jamena, le 9 mai 2021.

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Légende image,Des soldats tchadiens font la fête lors d’un défilé à N’DJamena, le 9 mai 2021.

Cependant, les éléments français au Tchad sont toujours présents sur le territoire. Ils seraient estimés à près d’un millier qui ont entre autres missions, garantir la protection des intérêts français et de ses ressortissants vivant dans le pays, apporter un soutien logistique et un appui aux renseignements aux forces armées tchadiennes, conformément à l’accord de coopération signé entre les deux pays.

La principale base de l’armée française au Tchad se trouve à N’Djamena. Faya et Abéché abritent les deux autres bases. Les bases sont constituées d’avions de chasse, des avions de transport et des hélicoptères. Une force de projection terrestre est aussi présente avec des blindés et des hommes.

La France, principal importateur de la gomme arabique tchadienne

Malgré sa position de cinquième économie de la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale) avec un PIB estimé à 11 Mds EUR en 2022 (11,3 % du PIB total), le Tchad est également pour la France une belle attraction économique, principalement dans la filière de la Gomme arabique. Selon le service économique régional de l’ambassade de France au Cameroun, la gomme arabique représente une composante importante du commerce bilatéral franco-tchadien. Selon une revue de la dite institution qui date de 2018, « plus de 40 % des exportations en volume de gomme arabique du Tchad sont à destination de la France. Celles-ci ont progressé de 5,1 % en valeur entre 2016 et 2017 et elles représentaient 94 % du total des importations françaises en provenance du Tchad en 2017. » Dans la même revue, il est dit que « Le Tchad représente le deuxième fournisseur de la France avec respectivement 11 % des volumes et 14 % en valeur en 2017. »

Il faut peut être noté que la gomme arabique occupe une place majeure dans la société et l’économie tchadienne. Selon SOS Sahel, le pays est le quatrième producteur mondial. Elle représente une source de revenus complémentaires pour plus de 500 000 personnes dans la filière et est principalement produite dans quatre régions de l’Ouest et de l’Est du pays (Chari Baguirmi, Hadjer Lamis, Guéra et Salamat).

Par ailleurs selon la Direction française de la Diplomatie économique, le Tchad est le 86ème partenaire commercial de la France, son 116e client et son 77e fournisseur. Il représente 0,014 % des exportations de la France dans le monde.

Au sein de la région Afrique-Océan indien, le pays est le 23ème client de la France, son 7e fournisseur et son 4ème déficit. Il représente 0,74 % des exportations dans la région.

Economiquement, le Tchad est donc un terrain qu’il ne faut pas également perdre. Ce, d’autant plus que la France a perdu pieds dans l’ économie de certains pays voisins au Tchad. C’est le cas du Cameroun, où la France en trente ans a perdu 30 % des parts du marché. Confidence faite en juin 2021 par Christophe Guilhou. L’ambassadeur de la France au Cameroun de l’époque, s’exprimait le 24 juin 2021 devant les étudiants de l’Institut des relations internationales du Cameroun (Iric), dans le cadre d’un concept baptisé « Forum diplomatique ».

L’économie tchadienne est très dépendante de la production de pétrole. Sa production qui a débuté en 2003 a permis au pays de connaître une période de croissance rapide jusqu’en 2014 où le taux de croissance annuel moyen était de 13,7 %. A côté du pétrole, on a des domaines comme l’élevage, deuxième poste d’exportation du pays, mais également la culture de céréales, du coton, du sésame et la collecte de gomme arabique qui constitue son troisième produit d’exportation après le pétrole et le coton. Le secteur cotonnier qui connaît une embellie depuis la reprise, en 2018, de l’entreprise publique CotonTchad par le groupe singapourien Olam.

L’industrie manufacturière occupe une place marginale et repose essentiellement sur la production de bière et boissons gazeuses, la production de sucre, et l’égrenage du coton et quelques cimenteries.

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Des importations constituées d’hydrocarbures

Avec la chute des prix du pétrole en 2014-2015, le Tchad va connaître un ralentissement économique. Et à en croire le Trésor Français, ce ralentissement va influencer le volume des exportations de la France vers le pays. « Les exportations françaises vers le Tchad avaient chuté de 130,8 M à 77,2 M EUR entre 2015 et 2018, soit une baisse de 40,9 %. Après une légère reprise en 2019/2020, portée par les exportations des industries agroalimentaires, elles ont atteint un point bas de 70,7 M EUR en 2021. En 2022, les exportations françaises vers le Tchad repartent à la hausse, marquant une progression de +12,9% pour atteindre 78,8 M EUR » peut-on lire sur le site du ministère français de l’économie.

Le pétrole tchadien, une manne mal exploitée ?

Un peu plus loin, on apprend que « les importations françaises en provenance du Tchad, quasi-intégralement constituées d’hydrocarbures, et très volatiles, ont plus que doublé en 2022 comparativement à 2021 (x2,35) et se sont établies à 397,5 M EUR. Les niveaux atteints ces 3 dernières années étant déjà historiquement haut (respectivement 73 M EUR, 287M EUR, et 169 M EUR en 2019, 2020 et 2021), le montant des importations en 2022 a atteint un niveau record. Les hydrocarbures, représentent 95,8 % du montant de nos importations. Le deuxième poste d’importations, les produits agricoles, sylvicoles, de la pêche et de l’aquaculture, a lui aussi connu une forte hausse avec un montant ayant doublé entre 2021 et 2022 (respectivement 5,5M EUR et 16,4 M EUR). En 2022, notre solde commercial avec le Tchad est donc pour la troisième fois consécutive, fortement déficitaire, à -318 M EUR. »

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Légende image,Le président tchadien Idriss Deby (tenant la manivelle) en compagnie du Directeur d’Esso Tchad, Ron Royal, du President congolais Denis Sassou Nguesso, du Soudanais Omar al-Bechir, et du président Centrafricain Francois Bozizé, lors de l’inauguration du champ pétrolier de Kome le 10 October 2003.
Une vingtaine d’entreprises françaises

Les exportations de la France vers le Tchad sont principalement constituées d’équipements mécaniques et de matériels électroniques (qui représentent plus de 1/3 du total des exportations), des parfums et cosmétiques représentant (deuxième poste d’exportation ), des produits chimiques, matériels de transport et produits pharmaceutiques.

Toujours selon le ministère français de l’économie, on dénombre une vingtaine d’entreprises françaises « dans les secteurs de l’agroalimentaire, du BTP, du commerce, de la distribution de produits pétroliers, ou encore de la logistique et des équipements, auxquelles viennent s’ajouter quelques entreprises locales appartenant à des nationaux français, essentiellement dans la restauration et les services. » On peut ainsi citer : la Compagnie Sucrière du Tchad (groupe Somdiaa), les Brasseries Du Tchad (groupe Castel), TotalEnergies, Tractafric dans les équipements, Nexira dans l’exportation de gomme arabique, ou encore Air France. En 2022, le groupe franco-britannique Perenco est arrivé dans la production pétrolière avec la reprise des actifs de Glencore.

Selon les données des Douanes françaises, les échanges commerciaux franco-tchadiens sont passés de 131millions d’Euros en 2015 à 79 millions en 2022 pour ce qui est de exportations et les importations de 40 à 397 sur la même période. Et les données de la Banque de France font savoir que le stock des IDE français ( Investissement direct à l’étranger en millions d’Euros) est passé de 98 en 2014 à 111 en 2019.

Une solide coopération culturelle

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Légende image,Un piéton passe devant le monument de la Place de la Nation à N’Djamena, au Tchad, le mardi 10 mai 2022.

Parler de coopération France-Tchad, c’est aussi évoquer l’échange culturel entre les deux pays. Comme c’est le cas dans tous pays où elle est installée, L’institut Français est un instrument essentiel dans la coopération culturelle de la France au Tchad. Institut français du Tchad (IFT) est implanté au Tchad après son indépendance et est placé sous l’autorité de l’ambassade de France et plus spécifiquement rattaché au service culturel. Objectif : donner la possibilité aux artistes tchadiens de s’exprimer en France tout comme aux artistes français de se produire au Tchad.

Une mission qui s’exécute au travers des activités comme les concerts, projection des films, divers spectacles autour de la danse et du théâtre. Mais l’IFT abrite également les bureaux de Campus France Tchad, un service de l’ambassade de France en charge de la promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger. Un peu comme dans les autres domaines, l’Institut Français du Tchad doit depuis un moment faire face à la concurrence de « Russkiy Dom », le tout premier centre culturel russe au Tchad inauguré en novembre 2024.

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