L’Afrique fait face à une double crise des inégalités : une extrême concentration des richesses et un faible engagement politique pour les réduire. C’est ce qui ressort d’un rapport d’Oxfam, qui pointe notamment le poids de la dette.
L’Afrique fait face à une double crise des inégalités : une extrême concentration des richesses et un faible engagement politique pour les réduire. C’est ce qui ressort d’un rapport d’Oxfam, qui pointe notamment le poids de la dette. Décryptage en infographies.
La concentration extrême de la richesse en Afrique n’est pas une tendance, elle est structurelle. Les quatre plus grands milliardaires africains détiennent à eux seuls plus de capital que la moitié de la population du continent, soit environ 750 millions de personnes. Tandis que leur fortune progresse vite, les écarts se creusent. Depuis cinq ans, les 5 % d’Africains les plus fortunés ont vu leur patrimoine augmenter de 88% : une progression très largement supérieure à celle de la croissance du PIB, mais aussi à celle de la courbe des créations d’emplois.
Alors que l’Afrique célèbre sa première présidence du G20 avec l’Afrique du Sud et que l’Union africaine s’est fixée comme objectif de réduire les inégalités de 15 % d’ici à 2034, le rapport que publie Oxfam ce 10 juillet, intitulé L’inégalité en Afrique, la crise et l’ascension des super- riches, dresse un constat sans concession. << Cette inégalité n’est pas une fatalité, c’est un choix politique »>, assène Kwesi Obeng, responsable << reddition des comptes et gouvernance » pour l’Afrique au sein de l’ONG.
En Afrique, les plus riches captent l’essentiel de la richesse
Si les 5 Africains les plus riches dépensent 10 000 $ par heure pendant 1 siècle…
1.Et leur famille
Il leur restera à chacun 4,28 milliards $
L’Afrique concentre aujourd’hui près de la moitié des 50 pays les plus inégalitaires du monde. Et si les réalités sont
très contrastées d’un pays à l’autre, le coefficient de Gini indicateur de référence des écarts de revenus reste
élevé y compris dans les économies les plus riches. Et il ne diminue pas: au cours de la dernière décennie, les inégalités de revenus ont stagné ou ont progressé dans
près de la moitié des pays.
Des inégalités plus fortes en Afrique australe
L’Afrique est confrontée à une double crise des inégalités : Non seulement le continent et les pays qui le composent figurent parmi les plus inégaux du monde, mais ses gouvernements sont, en moyenne, parmi les moins engagés dans la réduction des inégalités. Dans une nouvelle étude, Oxfam révèle que 4 milliardaires détiennent plus de richesse que la moitié du continent africain. Pendant ce temps, la pauvreté et la faim explosent.
Une transformation structurelle du paysage économique africain
Ce creusement s’accompagne d’un recul des politiques
publiques censées lutter contre les inégalités et la précarisation. En 2023, tous les États africains ont réduit la part de leur budget consacrée à la santé, l’éducation ou la protection sociale. Dans la majeure partie des cas, le service de la dette mobilise plus de ressources que les services considérés comme essentiels.
En Afrique, un déficit d’investissements dans les services essentiels
Causes structurelles
Car à l’origine de cette tendance inégalitaire, il y a un déséquilibre structurel. Première cause: la spirale de l’endettement. La dette publique, qui a doublé en dix ans,
représente désormais 67% du PIB africain. Son remboursement mobilise en moyenne 54% des recettes fiscales, au détriment des dépenses sociales et des investissements dans les infrastructures.
Autre facteur majeur: la structuration de la fiscalité.
Contrairement à ce qui prévaut dans la majeure partie des autres pays, les systèmes fiscaux des États du continent s’appuient majoritairement sur des taxes indirectes, comme la TVA (52% des recettes fiscales en 2022), contre seulement 2% provenant de l’impôt sur la fortune.
<«<Concrètement, cela signifie que dans un contexte d’inflation et de hausse du coût de la vie, ce sont les plus pauvres qui portent une part énorme de la charge fiscale »>, insiste Kwesi Obeng.
Pour chaque dollar prélevé via des impôts sur le revenu ou la fortune, trois sont collectés via des taxes à la consommation. Le rapport évoque un exemple pour le moins emblématique : celui du magnat nigérian Aliko Dangote, dont le groupe a payé seulement 2% d’impôts sur ses bénéfices en 2016.
Un phénomène accentué par un recul des politiques fiscales progressives dans près de 80% des États africains, selon l’indice CRI (Commitment to Reducing Inequality, pour << Engagement à réduire les inégalités »>).
Ce sont les Africains les plus pauvres qui financent essentiellement les services publics, via la TVA
Sources de recettes fiscales dans les pays africains, 2022
Taxes sur les
À ces causes structurelles, Oxfam ajoute le poids des politiques d’austérité imposées par le FMI, qui réduisent la capacité des États à investir dans les services publics. Si l’ampleur des flux financiers illicites pèse beaucoup, le rapport pointe également les conséquences de ce que l’ONG qualifie de « néocolonialisme économique » qui voit << les ressources du continent [être] extraites sans retombées équitables pour les populations >>.
Les riches sont moins taxés en Afrique qu’ailleurs
Part de la richesse captée par les 1% les plus riches
Au rythme actuel, il faudrait plus de 600 ans pour éradiquer l’extrême pauvreté en Afrique, juge Oxfam. L’ONG assure pourtant que des politiques volontaristes
qui viseraient à réduire de (seulement) 2% par an les inégalités, permettraient de sortir 71 millions de personnes de la pauvreté en seulement cinq ans, soit 2,4 fois plus rapidement que dans le scénario actuel.
Pour en finir avec la pauvreté, la croissance seule ne suffit pas
Nombre d’Africains extrêmement pauvres (en millions) en fonction des scénarios
1.Réduction de 2% du coefficient de Gini
Prévisions actuelles
Croissance de 2%
Pour y parvenir, l’organisation propose un plan aussi ambitieux que potentiellement polémique: taxer davantage les 1% d’Africains les plus riches, à hauteur de
10 points supplémentaires sur leurs revenus et de 1 point sur leur patrimoine. Une contribution qui pourrait
générer jusqu’à 66 milliards de dollars par an de marges budgétaires supplémentaires pour les États.
Taxer les 1 % des plus riches suffirait à combler les
besoins du continent en éducation et en électricité
Éducation Électricité
Déficit annuel
41,9 Md $
22 Md $
Recettes générées par un impôt sur le 1% des plus riches*
66 Md $ Taxe sur les 1% le plus riches avec un +1% sur leur patrimoine et +10% sur leurs revenus Graphique:
Une démarche qu’ont déjà engagée plusieurs pays du continent, qu’Oxfam cite en exemple. Alors qu’en 2022,
les États africains ne parvenaient à collecter en moyenne que 0,3% de leur PIB via les taxes foncières, le Maroc et
l’Afrique du Sud sont parvenus à atteindre respectivement 1,5% et 1,2% de leur PIB. «Si les autres pays du continent faisaient pareil, cela permettrait de générer 34 milliards de dollars par an de revenus pour financer les services publics, détaille Kwesi Obeng. Cette année, avec l’adoption d’un nouveau cadre des Nations unies pour le financement du développement, la toute première présidence africaine du G20 et l’ouverture de négociations sur une convention fiscale historique des Nations unies, menée par les pays du continent, les dirigeants africains sont à la table de négociations. Ils ont
une chance de montrer la voie. >>
Source JA
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