Le chef de l’Etat ivoirien a toutes les chances d’être réélu pour un quatrième mandat lors de la présidentielle, le 25 octobre. Mais il n’a pas préparé sa succession
Les faits – Plus de 8,7 millions d’électeurs sont attendus aux urnes pour élire le prochain président de Côte d’Ivoire,
le 25 octobre prochain. Grandissime favori après l’élimination de ses principaux challengers – l’ex–patron du Crédit Suisse Tidjane Thiam et l’ancien président Laurent
Gbagbo, Alassane Ouattara briguera un quatrième mandat, à 83 ans.
Alassane Ouattara n’en finit plus de différer son départ à la retraite. Dans les premières semaines suivant son arrivée
au pouvoir en 2011, il confiait ne vouloir effectuer qu’un mandat avant de changer rapidement d’avis devant
l’ampleur de la tâche à accomplir pour redresser économiquement et socialement son pays.
Il avait ensuite promis de tirer sa révérence à l’issue de son second mandat en 2020, mais s’est ravisé après le
décès de son dauphin désigné, Amadou Gon Coulibaly.
Cette fois, il semble s’être laissé convaincre par les caciques de son parti, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), dont
la cohésion repose avant tout sur la conviction que leur président est le seul à les faire gagner.
<< Les années passées à la tête de notre pays m’ont fait comprendre que le devoir peut, parfois, transcender la parole donnée de bonne foi, a justifié le président ivoirien.
Je suis candidat parce que notre pays fait face à des défis sécuritaire, économique et monétaire sans précédent,
dont la gestion exige de l’expérience. >>
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Et de l’expérience, à 83 ans, Ado, comme l’appellent ses partisans, n’en manque pas. Il estime être le plus à même de répondre à la menace terroriste qui grandit dans la sous–région et aux incertitudes économiques. Il assure – faut–il le croire? – que ce nouveau mandat sera celui de transmission du pouvoir à la nouvelle génération, alors que près des trois quarts de la population a moins de 25 ans.
La campagne sera courte, deux semaines, et le chef de l’Etat ne fera que quelques apparitions publiques lors de grands meetings pour vanter son bilan, près de 7% de
croissance depuis 2012. « C’est la première fois que l’on s’organise aussi tard, déplore un cadre du RHDP. On ne connait pas encore l’équipe de campagne. Chaque ministre devrait être le porte–parole de la campagne dans sa région. Cela peut donner le sentiment que la présidentielle est pliée d’avance… >>
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Emprise. Le RHDP est une machine électorale rodée à la victoire. Son emprise sur la scène politique nationale n’a fait que se renforcer depuis 2011. Le parti dirige 125
mairies sur 201, 25 conseils régionaux sur 31, compte 164 députés sur 255…
Selon le site d’information Africa Intelligence, le choix du directeur de campagne se fera entre deux personnalités au profil << consensuel » : Gilbert Koné Kafana, président du directoire du RHDP, et Robert Beugré Mambé, l’actuel Premier ministre.
Alassane Ouattara a toutes les chances d’être réélu au premier tour, le 25 octobre prochain. L’opposition est à ce jour assez divisée et n’est pas en ordre de bataille.
Le Conseil constitutionnel a rejeté les candidatures de deux challengers sérieux : Tidjane Thiam, l’ancien patron du Crédit Suisse qui avait été choisi par le Parti démocratique de Côte d’Ivoire, et Laurent Gbagbo, le prédécesseur d’Ado à la tête de l’Etat. Il n’a retenu que quatre faire- valoir : Ahoua Don Mello et Henriette Lagou Adjoua, deux anciens ministres de Gbagbo, Simone Ehivet, son ex- femme, ainsi que l’homme d’affaires Jean–Louis Billon.
Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo dénoncent une élimination purement politique et promettent de ne pas en rester là. Autre adversaire potentiel, l’ex–Premier ministre
Guillaume Soro, qui vit en exil entre le Burkina Faso et le Niger. Condamné par la justice, ce dernier conserve des partisans au sein de la population, du monde politique et des forces de sécurité.
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Succession. << II devrait y avoir un peu d’agitation avant la présidentielle mais on va gérer la situation, tente de
rassurer un proche du chef de l’Etat. L’opposition sous- estime la loyauté et les capacités d’encadrement des manifestations de nos forces de défense et de sécurité
intérieure. » Prudent, Alassane Ouattara vient d’annuler son déplacement à l’Assemblée générale de l’ONU, fin septembre. Il ne veut prendre aucun risque avant le
scrutin. Une fois élu, son quatrième mandat devrait s’avérer plus compliqué.
<< Le chef de l’Etat n’a pas voulu ouvrir de guerre de succession en désignant un nouveau dauphin d’autant que personne n’est capable comme lui de fédérer toutes les
composantes du RHDP, confie un de ses soutiens.
Personne ne s’impose naturellement au sein de sa formation. Il sait qu’il aura du mal à imposer son frère et ministre de la Défense, Téné Birahima Ouattara. Et que
d’autres prétendants pensent à la succession sans se déclarer : Adama Bictogo, l’ambitieux président de l’Assemblée, Tiémoko Meyliet Koné, le vice–président,
Patrick Achi, l’ex–Premier ministre qui a renoncé à sa double nationalité française pour être présidentiable. Sans
compter les proches de feu Amadou Gon Coulibaly ». Le spectre de la division guette la formation.
L’Opinion
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