9 décembre 2024
Paris - France
POLITIQUE

Mali-Côte d’Ivoire : le dialogue est-il encore possible entre Assimi Goïta et Alassane  Ouattara ? 

Depuis quil a pris le pouvoir à Bamako, le colonel malien entretient des rapports 

difficiles avec le président. Et l‘interpellation de 49 soldats ivoiriens par le Mali na pas arrangé les choses, bien  au contraire

En ce 7 juin 2021, nul doute que les dirigeants de la Communauté économique des États de lAfrique de lOuest (Cedeao) ont les yeux rivés sur Bamako. Sanglé dans son uniforme militaire, le colonel Assimi Goïta, qui, en moins 

dun an, a successivement renversé Ibrahim Boubacar Keïta et Bah NDaw, prête serment

Ce taciturne commandant des forces spéciales, désormais président, tient à adresser un message à la communauté internationale : « Le Mali honorera lensemble de ses engagements. » Et de promettre lorganisation délections « aux échéances prévues »

Mali: face à Assimi Goïta, les leaders politiques perdent patience 

Une promesse rapidement balayée : le gouvernement malien veut dabord faire face aux défis sécuritaires du pays. La situation na cessé de se dégrader et Bamako entend mettre en place les réformes quil juge « indispensables » avant tout scrutin. Les mois passent et Koulouba ne suggère aucune date concernant de prochaines élections. Une partie des dirigeants de la Cedeao fulmine

Délégation malienne à Abidjan 

Parmi les plus inflexibles, aux côtés du Niger et du Sénégal, la Côte dIvoire. Le président Alassane Ouattara sest prononcé, dès que les colonels ont pris le pouvoir, en faveur dune ligne ferme à l‘égard de la transition malienne. Alors que se prépare un double sommet extraordinaire de lUemoa et de la Cedeao à Accra le 9 janvier, Assimi Goïta tente de convaincre ses homologues ouestafricains et envoie une délégation à Abidjan le 3 janvier

Ses ministres des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, et de lAdministration territoriale, Abdoulaye Maiga, sont chargés dexposer à Alassane Ouattara les conclusions des Assises nationales de la refondation qui viennent de se tenir à Bamako

Ces concertations nationales, que certains soupçonnaient de n‘être quun moyen destiné à faire gagner du temps à Assimi Gosta, consacrent un scénario redouté par la Cedeao : la transition pourra être prolongée jusquà cinq ans, à partir de 2022

« Malheureux d’avoir à imposer des sanctions » 

Pour Alassane Ouattara, inquiet de voir sinstaller durablement des militaires au pouvoir, le chronogramme avancé par les Maliens est inacceptable. Le président oppose un « non » catégorique au plan de sortie de la transition proposé par la délégation malienne, quil considère comme une « plaisanterie »

Le chef de lÉtat met en garde : le Mali sexpose à de lourdes sanctions sur le plan international, Six jours plus tard, le couperet tombe : la Cedeao place le pays sous embargo économique et financier.

Abdoulaye Diop : « Il y a un acharnement contre le Mali » 

Il nen démordra pas. « Nous avons tout fait pour que les autorités militaires du Mali organisent des élections dans des délais convenables. Cest à notre corps défendant que nous avons mis ces sanctions en place. Mais il est inacceptable quun régime militaire reste [au pouvoir] durant un quinquennat », tranche le dirigeant ivoirien, en visite à Libreville, au Gabon, quelques jours après lannonce des sanctions

« Naïfs et ignorants » 

Sil confie être « très malheureux davoir à imposer des sanctions » au Mali, Alassane Ouattara incarne, tout au long des négociations, le front le plus sévère à légard de la transition malienne, aux côtés de son homologue nigérien, Mohamed Bazoum

Mifévrier, les relations entre Abidjan et Bamako, déjà passablement tendues, se compliquent un peu plus. Un enregistrement audio devenu viral sur les réseaux sociaux circule de la Côte dIvoire au Mali. On y entend deux hommes critiquer vertement les autorités maliennes. Lune des voix est attribuée à Boubou Cissé, ancien Premier ministre malien tombé en disgrâce à Bamako. Lautre ressemble à sy méprendre à celle dAlassane Ouattara

Ouattara, Gbagbo, Bédié : et sils nous surprenaient ? par Marwane Ben Yahmed 

« Tombés sur la tête », « naifs et ignorants » : les commentaires à lendroit de la junte malienne sont virulents. Laffaire fait un tollé, la rue malienne crie à lingérence et au complot et Bamako ouvre une enquête pour « atteinte ou tentative datteinte et complicités à la sûreté intérieure et extérieure du Mali »

Alassane Ouattara, lui, ne confirmera ni ninfirmera jamais lauthenticité de lenregistrement. « Je parle à tout le monde », se contentetil de répondre à un média français qui linterroge sur le sujet. Avare en déclarations publiques et fuyant les journalistes, Assimi Goïta ne sexprimera jamais officiellement sur le sujet. Mais, cinq mois plus tard, une nouvelle source de tensions apparaît, comme une riposte du président malien

Laffaire des 49 militaires ivoiriens 

Également engagé dans un bras de fer avec la Minusma, la mission de stabilisation onusienne, Bamako fait coup double en interpellant, le 10 juillet, 49 militaires ivoiriens à laéroport de la capitale malienne

Toujours pas élucidée, laffaire sapparente avant tout à un imbroglio administratif. Abidjan assure avoir déployé ses soldats dans le cadre dune convention signée avec les Nations unies. LONU contredit la version ivoirienne. Bamako, qui dénonce dans un premier temps une tentative de déstabilisation venue de lextérieure, exige des explications. Toujours détenus deux semaines après leur interpellation, les soldats se retrouvent au coeur dun bras de fer diplomatique géré en coulisses

Une semaine plus tôt, pourtant, lheure semblait davantage tourner à lapaisement. Jusqualors fermement opposé à une levée des sanctions, Alassane Ouattara avait néanmoins plaidé en ce sens, le 3 juillet, après que le Mali avait fixé au 24 février 2024 la date de la prochaine élection présidentielle

Entre les leaders ivoirien et malien, la communication passe désormais par lentremise du Togo. Faure Essozimna Gnassingbé, qui sétait déjà érigé en médiateur entre Bamako et la Cedeao, a cette fois-ci dépêché son chef de la diplomatie, Robert Dussey, afin quil nage une sortie à la crise en cours. Le 18 janvier, le ministre des Affaires étrangères sest entretenu avec Assimi Goïta avant de senvoler, le lendemain, pour Abidjan, afin dy rencontrer Alassane Ouattara. De quoi relancer le dialogue entre la Côte dIvoire et le Mali

JA