« Quand le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître. Et dans ce clair-obscur, surgissent les monstres. » — Antonio Gramsci
Les Sénégalais, paraît-il, oublient vite. Quelle belle légende ! Ce serait même la chanson préférée de nos politiciens recyclés : ceux qui pensent que quelques années d’hibernation suffisent pour se refaire une virginité politique. Mais non, chers fossoyeurs du bon sens républicain : le peuple sénégalais n’est pas amnésique. Il est simplement poli. Il observe, il écoute, il sourit — avant de trancher.
Car voilà que surgit encore la ménopause politique — cette étrange période où les anciens barons s’acharnent à enfanter des idées qu’ils n’ont plus, à accoucher d’un avenir dont ils ne comprennent même plus le langage. Ils veulent redevenir jeunes par la magie du rajeunissement électoral. Quelle ironie ! Comme si un discours peint en vert, en orange ou en rouge pouvait effacer les rides de l’échec.« La bêtise a ceci de fascinant qu’elle se déguise toujours en expérience. » — Albert Einstein (ou presque)
Le nouveau régime et le syndrome du miroir
Nos nouveaux dirigeants, porteurs du rêve de rupture, risquent à leur tour de succomber au syndrome du miroir : à force de regarder trop longtemps le vieux pouvoir, on finit par lui ressembler. L’histoire regorge de ces révolutionnaires qui, sitôt installés, se découvrent une passion soudaine pour les privilèges, les cortèges et les garde-corps.
Les Sénégalais avaient pourtant misé sur la transformation. Mais à voir certaines attitudes, on pourrait se demander si la “révolution” n’était pas qu’une émeute bien habillée. Les promesses de rupture se diluent lentement dans le confort du pouvoir. Et l’on entend déjà grincer les vieilles roues du char de l’État, tiré par de nouveaux chevaux, certes, mais chaussés des mêmes fers. « Le pouvoir ne change pas les hommes, il révèle ce qu’ils sont. » — Abraham Lincoln
L’instrumentalisation de la justice : même pièce, nouveaux acteurs
Ah, la justice ! Ce vieux tambour de la République que chaque régime se plaît à battre à son rythme. Jadis, on criait à la politisation ; aujourd’hui, certains murmurent déjà sur l’instrumentalisation sous un vernis nouveau. C’est la même mélodie, jouée simplement sur un autre ton.
Le danger est là : croire qu’on peut gouverner avec des réflexes d’opposition. À ce jeu, les institutions deviennent des jouets, et la République une scène de théâtre où les acteurs changent, mais où le scénario reste tragiquement le même. « Quand la justice devient une arme, la démocratie devient une cible. » — Alioune Ndiaye
La “pastefisation” de la République ou l’art de confondre parti et patrie
Le mot est désormais dans toutes les bouches : la pastefisation. C’est la version 3.0 du vieux virus partisan. Hier, on “APRisait” l’État ; aujourd’hui, on le “pastefise”. Même maladie, nouveau nom. On repeint les murs, mais on garde les mêmes habitudes.
Certains semblent confondre État et appartenance, comme si la République devait désormais marcher au rythme d’un parti. La loyauté nationale est un concept trop sobre pour ceux qui préfèrent la ferveur tribale. Pourtant, le Sénégal appartient à 18 millions de citoyens, pas à un logo ni à un chef charismatique.« Les hommes politiques pensent à la prochaine nomination, les patriotes pensent à la prochaine génération. » — adapté de James Freeman Clarke
La gouvernance de la raison : une espèce en voie de disparition
Le Sénégal attend toujours la gouvernance de la raison. Mais à force de chercher, on finit par croire qu’elle figure désormais sur la liste rouge des espèces disparues. Les réseaux sociaux ont remplacé le débat d’idées ; les invectives font office de politique publique.
Le peuple, lui, observe cette tragicomédie avec un mélange de résignation et de sarcasme. On ne lui vend plus de rêve ; on lui sert de la distraction. Entre un ministre qui tweete comme un influenceur et un député qui philosophe à coups de proverbes déformés, la gouvernance prend des airs de théâtre de boulevard. « Gouverner, c’est prévoir, mais chez nous, on préfère improviser. » — Alioune Ndiaye, avec un brin d’ironie
Le peuple sénégalais : mémoire d’éléphant et patience de saint
Les politiciens pensent que les Sénégalais oublient vite. Ils se trompent : le peuple a la mémoire d’un éléphant et la patience d’un saint. Il laisse faire, il supporte, il espère — jusqu’au jour où il dit : “Dëgg naa la, jërëjëf”. Et là, le réveil est brutal.
L’histoire de ce pays est une succession de désillusions, mais aussi de résurrections. Chaque fois qu’un régime a cru pouvoir hypnotiser le peuple, il a fini par goûter à son propre médicament : l’alternance. « Les peuples finissent toujours par avoir raison, mais rarement à temps pour sauver leurs illusions. » — Alioune Ndiaye
La République n’est pas un club politique
La République n’est pas un comité de soutien, ni une page Facebook. Elle est l’espace sacré du bien commun, là où la neutralité de l’État doit survivre à toutes les tempêtes partisanes. Ceux qui gouvernent aujourd’hui feraient bien de se souvenir qu’on ne construit pas une Nation avec des slogans, mais avec des institutions solides et une morale publique irréprochable.
Les Sénégalais n’ont pas la mémoire courte — ils ont simplement le sens du temps. Et le temps, lui, finit toujours par départager les bâtisseurs des bluffeurs.>« L’histoire ne recycle pas les illusions, elle les enterre. »
Alioune Cheikh Anta Sankara Ndiaye
Expert en développement international
Écrivain
« Il faut transformer,encore transformer,toujours transformer. »
