7 octobre 2025
Paris - France
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La Maison Mansa : une vitrine pour la création africaine à Paris, la directrice Elizabeth Gomis en parle

MansA rejoint la grande famille des institutions culturelles françaises, elle  est   dirigée par Élisabeth Gomis.

Un espace unique à Paris pour célébrer la créativité du continent. La Maison Mansa met à l’honneur les talents africains et afrodescendants dans les domaines du design, de l’art, de la mode et bien plus. Invitée du Journal de l’Afrique, la journaliste Elizabeth Gomis nous fait découvrir ce lieu inspirant, pensé comme une plateforme de rencontres et d’échanges culturels. Une initiative qui interroge les imaginaires, réinvente les récits, et donne à voir une Afrique en mouvement.

(Maison des mondes africains): «Mansa est un lieu de transmission, de recherche et d’archives»

C’était une promesse du président Macron durant le sommet France-Afrique de 2021, créer un lieu à Paris dédié à l’expression culturelle africaine et afrodescendante. Ce lieu, c’est Mansa, la Maison des mondes africains. Elle ouvre ses portes ce samedi dans un ancien atelier du dixième arrondissement de Paris. Que pourra-t-on faire ? Que pourra-t-on voir, entendre ou lire à Mansa ? Réponses avec sa directrice, Liz (Elizabeth) Gomis.

Ce lieu, qui se veut l’écho de la création africaine et de sa diaspora, ouvre ses portes samedi 4 octobre. Son adresse a fait couler beaucoup d’encre et de salive. La nouvelle Maison des mondes africains a élu domicile, de façon temporaire, au 26 rue Jacques Louvel-Tessier dans le Xe arrondissement de Paris.

Franceinfo Culture : La Maison des mondes africains, MansA, est une institution culturelle publique. Quelle est sa mission ?
Élisabeth Gomis : C’est une institution nationale dont la mission est de mettre en lumière la création contemporaine qui vient d’Afrique et des géographies diasporiques – la Caraïbe, l’Amérique du Sud, l’Amérique du Nord, l’océan Indien – et évidemment tout ce qui concerne la diaspora africaine basée en Europe et ailleurs. Ce sujet des mondes africains concerne tout le monde parce que la France a une histoire et une relation avec ce continent qu’il faut continuer à explorer.

Vous expliquez que c’est un projet porté par une génération afrodescendante dont le portrait-robot est assez précis. Quel est-il ?
C’est une jeunesse connectée qui n’attend plus que l’on parle à sa place mais qui, par sa création, s’impose dans tous les domaines, qui crée ses médias. Une génération qui passe de frontière en frontière grâce, entre autres, aux réseaux sociaux mais qui repousse également ces frontières, voyage au bout du monde, passe de l’Asie à l’Afrique, navigue entre le centre de Paris et ses périphéries.

Nous parlons de la création contemporaine afrodescendante. Nos sujets concernent la nouvelle génération afrodescendante mais celles qui ont également pavé la voie. MansA s’inscrit dans la continuité de ce qui a été fait par le passé, des sœurs Nardal(Nouvelle fenêtre) [7 sœurs martiniquaises, au cœur de l’intelligentsia noire des années 1920 et pionnières oubliées de la négritude], à Françoise Vergès [historienne] et Lous and the Yakuza [chanteuse et interprète] par exemple. Ces dernières naviguent dans deux disciplines complètement différentes mais contribuent largement à nourrir, à faire découvrir et à creuser des sujets que l’on ne retrouve ni à l’Éducation nationale ni à la télévision. Le paysage audiovisuel français a encore des progrès à faire en matière de diversité, cela vaut aussi pour le monde du spectacle et finalement dans toutes les disciplines. Même si on se rend compte aujourd’hui qu’il y a un effet de mode parce que Burna Boy peut remplir un stade en quinze minutes. À ce titre, nous vivons justement un moment charnière : grâce à des Burna Boy et d’autres acteurs, que ce soit dans le cinéma ou dans d’autres champs disciplinaires, les voix afrodescendantes sont plus audibles mais ont toujours du mal à percer un peu le plafond de verre et à devenir des cultures populaires sans qu’on ne se pose la question de leur spécificité africaine.

MansA, dites-vous, « contribue à inscrire les mondes africains et afro-diasporiques au cœur des débats contemporains et à façonner des perspectives nouvelles ». Est-ce que ces mondes avaient besoin d’un écho parisien, d’une MansA installée à Paris ?
Les mondes africains n’ont pas attendu MansA pour se faire entendre. En revanche, je prends mon cas personnel de française originaire de Guinée-Bissau, c’était important pour moi d’avoir un lieu comme celui-ci parce que, dans ma jeunesse, à aucun moment, je n’ai pu me retrouver dans les musées que j’allais visiter en sortie scolaire par exemple. À aucun moment, ne serait-ce qu’à la télé, j’ai pu retrouver quelqu’un qui me ressemblait ou alors quand c’était quelqu’un qui me ressemblait, c’était des caricatures complètement folles. MansA est une institution nationale, nous parlons en premier lieu aux Français. Et évidemment, nous avons l’ambition de pouvoir être au cœur du débat global parce que nous vivons une période très particulière. Quand un Donald Trump interdit les livres de Toni Morrison [écrivaine afro-américaine, prix Nobel de littérature], qu’il est en train d’effacer l’histoire des afrodescendants, il s’agit aussi de se positionner dans un élan de solidarité internationale sur ces sujets.

Avec son exposition Noires, Roxane Mbanga ouvrira les portes de MansA le 4 octobre. Pourquoi lui avoir confié les clés ?
Nous voulions absolument commencer avec une jeune figure de l’émergence, dont vous entendrez beaucoup parler, avec une personnalité qui était un peu au même stade que nous. Nous voulions soutenir une artiste qui est au début de sa carrière, qui traite avec Noires d’un sujet qui est le nôtre. Nous nous revendiquons des sœurs Nardal et ça, c’était il y a 100 ans. Roxane est d’une certaine manière leur petite fille. Après tout ce travail, cette première saison est placée sous le signe de la célébration et de la joie mais également de la valorisation du matrimoine – héritage culturel, artistique et intellectuel de femmes –, qui est central dans notre institution. Les femmes ont toujours été effacées des tablettes, mais sont désormais remises en lumière chez MansA. Roxane réunissait tout cela et c’est donc naturel de commencer avec elle. D’autant que son œuvre est pleine de couleurs. La saison étant placée sous le signe de la célébration de la joie, elle s’y inscrit parfaitement.

Que nous réserve encore MansA pour cette saison inaugurale ?
Nous sommes beaucoup sur les questions liées au féminisme et la création contemporaine produite par des femmes. Il y a ainsi ce programme que l’on a appelé Nardal [Nouvelles approches de recherche sur les dynamiques afro-diasporiques en liaison] qui va démarrer justement avec l’exposition de Roxane Mbanga. Nous lui avons donné carte blanche : elle va inviter un certain nombre de femmes dans le cadre d’une programmation pluridisciplinaire le temps d’un week-end. C’est l’occasion d’évoquer des sujets qui la touche comme la place du corps féminin dans l’espace public ou encore la place des femmes dans l’histoire. Nardal est un programme qui nous tient à cœur parce que c’est voir le monde à travers les yeux d’une femme artiste grâce à une programmation qui lui ressemble. De même, la première session de notre cycle de cinéma est dédiée à la réalisatrice haïtienne Elsie Haas. Par ailleurs, la première invitée de nos rencontres littéraires est Faïza Guène. Son premier livre Kiffe Kiffe demain a été écrit à 18 ans. Certains la suivent depuis et d’autres, plus jeunes, la découvrent aujourd’hui et arrivent à se projeter en elle.

C’est important, à chaque fois, de mixer les publics et les disciplines, tout comme il nous tient à cœur de mélanger les langues car aujourd’hui, quand vous ne parlez pas anglais ou français, c’est plus compliqué pour vous alors qu’il n’y a pas que ces deux langues dans le monde. Nous avons également un programme mensuel autour du jeu vidéo parce qu’il fait partie de la culture populaire. C’est l’industrie culturelle et créative qui est la plus génératrice de capitaux, mais malheureusement les pays du Sud sont les moins bien représentés alors qu’ils ont des créateurs, comme partout dans le monde. On les invite d’ailleurs à Création Africa, le programme que l’on mène du 16 au 18 octobre à Lagos [Nigeria]. Chez MansA, l’idée est vraiment de donner la parole à tout le monde en investissant des champs qui ne sont pas forcément les domaines classiques des institutions culturelles.

MansA, c’est quatre ans de maturation depuis le lancement de l’idée en 2021. Mais c’est un peu plus encore. Racontez-nous en quelques mots la genèse de ce projet qui a une résonance particulière chez vous ?
En 2017, en arrivant au conseil présidentiel pour l’Afrique, nous ne pensions pas à la Maison en tant que telle mais il a toujours été question de poser un acte qui perdurerait dans le temps. Cela fait huit ans que je suis dans cette aventure et quatre sur le projet Maison des mondes africains. C’est dans la continuité d’Africa2020, décalée à cause de la pandémie du covid, que l’idée de la Maison est née. Après la saison, le président Macron a posé la question de la suite. Il rencontre alors Achille Mbembe [historien camerounais], auteur d’un rapport dont l’une des recommandations est MansA afin, dit-il, de « rompre avec la continuité coloniale du monde ». J’ai toujours été mobilisée par l’idée de pouvoir rassembler des disciplines différentes pour parler de ces sujets qui sont les nôtres aujourd’hui. En 2018, j’ai cosigné une série documentaire pour Arte, Africa Riding [sur les sports de glisse] et ça a été vraiment un déclic. J’ai travaillé longtemps en radio, dans le spectacle vivant et donc, c’était logique pour moi de continuer dans quelque chose qui, finalement, allait être la conjonction de tout ce que j’ai pu toucher et qui parlait des mondes africains.

Votre maison est dotée d’une architecture particulière…
Ce lieu que l’on habite aujourd’hui n’était pas pensé comme un lieu culturel et c’est une force car il nous permet d’être vraiment flexible. C’est un ancien atelier de confection qui est finalement structuré comme une maison. Nous avons un foyer central dans lequel trônera une table monumentale après l’exposition inaugurale de Roxane Mbanga. La « galerie », c’est ainsi que nous avons baptisé cette pièce, donne sur la rue avec une grande vitrine qui permet de faire cet aller-retour entre l’extérieur et l’intérieur. Nous disposons d’un immense sous-sol qui est un lieu de rassemblement. Il accueillera des conférences, des projections, des petites performances… Nos bureaux sont également installés là : nous jouons le fait que MansA est une institution un peu atypique. Les gens nous verrons ainsi travailler à la mezzanine. Cela nous plaît de montrer, parfois, les coulisses du montage d’une exposition. Si vous venez à celle de Roxane Mbanga, vous aurez l’occasion de descendre dans son atelier et de voir comment l’exposition s’est montée dans nos murs.

MansA a eu du mal à trouver son siège. Vous démarrez vos activités sur un site temporaire que vous occuperez pendant deux ans. Quelle sera la suite ?
Oui, 2 ans + 12 mois en option. Aujourd’hui, la priorité est de lancer cette institution culturelle. Les autorités compétentes, nos tutelles que sont le ministère de la Culture et des Affaires étrangères, sont à la manœuvre sur cette question du lieu pérenne. Elle va se régler et nous déménagerons alors en temps voulu.

Quelle est la structure administrative de MansA ?
Nous sommes un Groupement d’intérêt public porté par le ministère de la Culture, le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le Centre Pompidou, l’Institut français, la Banque populaire d’investissement, France Volontaires et l’Agence française de développement. L’avantage d’avoir une telle structure, c’est qu’elle permet de mobiliser des fonds privés et c’est pour cela que nous avons monté une mission mécénat afin de lever des fonds maintenant que nous sommes ouverts. Elle est en train de redoubler d’efforts afin que nous ayons un équilibre entre le public et le privé.

MansA(Nouvelle fenêtre), 26 rue Jacques Louvel-Tessier, 75010 Paris
Ouverture au public le 4 octobre 2025

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