18 octobre 2025
Paris - France
AFRIQUE

Gabon: spectaculaire retour en grâce

L’Union africaine lève les sanctions contre le Gabon, qui peut réintégrer l’organisation
La décision intervient un peu plus de deux semaines après que Brice Clotaire Oligui Nguema a remporté l’élection présidentielle avec près de 95 % des suffrages.
« Je ressens aujourd’hui une profonde fierté. Le Gabon vient de réintégrer l’Union Africaine.Ce retour est bien plus qu’un symbole : c’est la reconnaissance de notre engagement collectif à reconstruire notre pays dans la paix, l’ordre et la dignité. Je remercie tous nos partenaires africains pour leur confiance. » Le Président  Brice Oligui Ngema. Après trois ans de mise à l’écart, Frédéric Bongo, le demi-frère d’Ali Bongo, travaille sur la mise en œuvre d’un système de coordination des services de renseignement. Un projet discrètement porté par le fils du président, Noureddin Bongo.

Prendre le pouvoir par les armes n’est pas, en Afrique, un péché fatalement mortel, qui vous envoie brûler en enfer. Vous pouvez même, au terme d’un bref passage au purgatoire, avoir droit à une entrée triomphale dans le club des chefs d’État. C’est juste une question d’habileté.

Jour de fête, à Libreville ! Le général Brice Oligui Ngema prête serment, ce samedi 3 mai, en présence d’une quinzaine de chefs d’État africains. Ces réjouissances célèbrent à la fois le rétablissement de l’ordre constitutionnel, interrompu par le coup d’État d’août 2023, et le retour du Gabon dans la grande famille continentale. L’Afrique n’a-t-elle pas raison d’y adhérer ?

Il y a probablement quelque chose à célébrer en dehors des succès personnels du général Brice Oligui Ngema. Avec ses compagnons de putsch, il avait, en 2023, mis le Gabon au ban des nations africaines, qui les sommaient alors de retourner dans les casernes, en rendant le pouvoir aux civils, en rétablissant l’ordre constitutionnel par des élections libres, équitables, crédibles et transparentes. La plupart de ces injonctions se sont vite évaporées. Il n’empêche. Ce sont les mêmes dirigeants africains qui vont le célébrer, ce jour, à Libreville. Avec une telle capacité d’oubli, l’Union africaine serait peut-être plus crédible en admettant, une fois pour toutes, que les coups d’État ne sont qu’un mode d’accession au pouvoir, comme un autre. Le général Oligui Nguema pouvant aussi inspirer d’autres aspirants putschistes…

En quoi consisterait donc cette inspiration ?

Vous commencez par prendre le pouvoir par les armes. Puis, une fois aux commandes de l’État (et de ses moyens), vous vous constituez une clientèle politique. Vous vous présentez ensuite devant les électeurs, et voilà votre situation régularisée ! Alors, en costume civil impeccable, vous pourrez écumer les sommets, sans que nul n’ose vous demander comment vous y êtes parvenu. Quant à votre prédécesseur qui s’est débrouillé pour être renversé. Tant pis pour lui ! Il mérite son sort, le vaincu ! Ainsi fonctionne le club des chefs d’État. Peu importe si les coups d’État, comme prône l’Union africaine, compromettent la démocratie, la paix, la sécurité et la stabilité, ainsi que le développement des pays du continent !

«Transition réussie»

Les spectateurs, arborant t-shirts et drapeaux à l’effigie du président, ont attendu une grande partie de la journée dans une ambiance festive le remplissage progressif des tribunes. Le stade d’Angondjé ou stade de l’amitié sino-gabonaise, au nord de la capitale, a accueilli les Gabonais munis de billets d’entrée distribués gratuitement. C’est la première fois au Gabon qu’une cérémonie de prestation de serment présidentielle a lieu devant un public aussi large.

Plusieurs chefs d’État du continent africain sont arrivés dans la capitale gabonaise dès vendredi soir. Parmi eux, Umaro Sissoco Embalo (Guinée Bissau), Adama Barrow (Gambie), Bassirou Diomaye Faye (Sénégal), Faustin-Archange Touadéra (Centrafrique) ou encore Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (Guinée équatoriale).

Le président de la République démocratique du Congo (RDC) Félix Tshisekedi a fait son entrée au stade samedi à la mi-journée, peu avant le chef de l’État rwandais Paul Kagame. Kigali et Kinshasa sont actuellement en pourparlers pour tenter de mettre fin au conflit dans l’Est de la RDC. Et le général Mamadi Doumbouya, qui a pris le pouvoir par la force en septembre 2021 en Guinée, est arrivé vêtu d’habits traditionnels africains, comme le président tchadien Mahamat Déby.

«Désormais, le Gabon est membre à part entière des États démocratiques et sera à tout jamais un modèle type de transition réussie», a dit Faustin-Archange Touadéra dans une allocution en tant que facilitateur de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEAC) pour la transition gabonaise.

La France est représentée à Libreville par son ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad. Dès mardi soir, dans un ultime communiqué, les militaires et membres des forces de sécurité du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), l’organe mis en place après la chute du régime d’Ali Bongo, ont annoncé leur dissolution.

«Militaires dans les casernes»

«La prestation de serment par le président de la République élu (…) mettra fin à la présidence de transition et conduira au retour à l’ordre constitutionnel civil», a déclaré dans un communiqué vidéo le colonel Ulrich Manfoumbi, porte-parole du CTRI, officialisant le «retour des militaires dans leurs casernes».

Pendant plusieurs jours dans la capitale gabonaise, des centaines d’ouvriers se sont employées à nettoyer et repeindre les abords des principaux axes entre le centre de la ville et le stade. De sérieux défis attendent désormais Brice Clotaire Oligui Nguema à la tête du Gabon, un pays riche en pétrole, mais dont l’économie est en difficulté. Parmi les principales préoccupations, le réseau d’électricité vieillissant occasionne de nombreuses coupures d’électricité, le chômage des jeunes avoisine les 40%, les infrastructures routières sont absentes ou dégradées et la dette du pays devrait atteindre les 80% du PIB en 2025.

Durant la transition, le président Oligui Nguema s’est présenté comme un «bâtisseur» en lançant ou relançant de nombreux chantiers de construction au Gabon. Il a également promis de «sévir» contre la corruption. Selon la nouvelle Constitution, le président élu prendra la tête du pays avec des pouvoirs élargis. Le poste de Premier ministre a été supprimé à la faveur de la création d’un poste de vice-président.

Jean Moliere

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