1 200 migrants, majoritairement d’origine subsaharienne, ont été expulsés par la Tunisie vers la Libye, le 3 juillet dernier. Les conditions y sont très difficiles, et l’eau et la nourriture manquent.
Des centaines de migrants provenant d’Afrique subsaharienne, notamment des femmes et des enfants, sont bloqués dans des conditions difficiles à la frontière entre la Tunisie et la Libye après y avoir été abandonnés par les autorités tunisiennes, selon des témoignages recueillis mercredi par l’AFP.
« Nous ne sommes pas des animaux ». Des centaines de migrants africains, incluant des femmes et des enfants, sont bloqués depuis plusieurs semaines à la frontière entre la Libye et la Tunisie après y avoir été abandonnés par les autorités tunisiennes, selon des témoignages recueillis mercredi 26 juillet.
Environ 140 ressortissants d’Afrique subsaharienne – disant être sur place depuis trois semaines – ont dressé un campement de fortune au bord d’un marais salant, à 30 mètres du poste frontière libyen de Ras Jedir (dans le nord de la Libye).
Sans eau potable ni nourriture, hormis un peu d’aide fournie au compte-gouttes, des femmes, dont certaines enceintes, des hommes et des enfants tentent de supporter la chaleur le jour, le froid la nuit, sur une langue de terre désertique accablée de soleil et battue par le vent. Souvent, ils tentent de se rafraîchir en se baignant dans une eau saumâtre.
À la suite d’affrontements ayant coûté la vie à un Tunisien, le 3 juillet, des centaines d’Africains ont été arrêtés par les autorités tunisiennes à Sfax. Ces dernières les ont ensuite acheminés et abandonnés, selon des ONG, dans des zones inhospitalières près de la Libye, à l’Est, et de l’Algérie, à l’Ouest.
Selon les gardes-frontières libyens et des témoignages recueillis par l’AFP, deux autres groupes, d’une centaine de personnes chacun, se trouvent dans la zone frontalière entre la Libye et la Tunisie.
« Ils nous ont tout pris »
Fatima, une Nigérienne de 36 ans, s’est retrouvée à Ras Jedir avec son mari, séparés de leur enfant de trois ans, resté à Sfax, principal point de départ pour l’émigration clandestine vers l’Europe. « Je n’ai pas revu mon bébé depuis trois semaines », déplore-t-elle. « Les soldats tunisiens nous ont amenés ici. Nous n’avons pas de téléphone ni d’argent. Rien. Ils nous ont tout pris. »
« Nous ne savons pas où nous sommes. Nous souffrons ici, sans nourriture et sans eau », a confié à l’AFP George, un Nigérian de 43 ans, à Ras Jedir. « Les Libyens ne nous permettent pas d’entrer sur leur territoire et les Tunisiens nous empêchent de revenir. Nous sommes coincés au milieu de tout ça. S’il vous plaît, aidez-nous ! Ou alors envoyez un navire de sauvetage », a-t-il imploré, interpellant les pays européens.
Scandant « Black lives matter ! », il a été rejoint par d’autres Africains dont l’un brandissait une pancarte : « Le gouvernement tunisien nous tue à petit feu. Nous avons besoin d’aide », mais aussi « Nous ne sommes pas des animaux ».
Au cours des dix derniers jours, des gardes-frontières libyens ont mis à l’abri plusieurs centaines de migrants, trouvés en train d’errer dans le désert prèsd’Al-Assah, au sud de Ras Jedir où au moins cinq corps ont été découverts. Les migrants coincés à Ras Jedir se partagent le peu de nourriture et d’eau que leur apportent les Libyens via le Croissant rouge local.
« Les femmes et les jeunes filles supportent mal ces conditions. (…) Quelques jours après notre arrivée ici, le Croissant rouge libyen nous a apporté des bâches », insuffisantes pour se protéger du soleil brûlant, explique à l’AFP Moubarak Adam Mohamad, appelant les « organisations régionales et internationales » à les évacuer.
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« J’ai été arrêté par la police à Sfax et amené ici de force », raconte ce jeune homme de 24 ans, qui dit avoir fui le Soudan en guerre pour se réfugier d’abord en Libye, puis en Tunisie avant d’être « raflé avec tous les autres ». « L’armée et la police tunisiennes sont postées là pour empêcher les gens de retourner en Tunisie », dit-il.
« Une situation de grande vulnérabilité »
Au total, 1 200 Africains ont été « expulsés » depuis début juillet par la police tunisienne vers les zones frontalières avec la Libye et l’Algérie, selon l’ONG Human Rights Watch.
Le Croissant rouge tunisien est allé par la suite en secourir environ 600 côté libyen, et plusieurs centaines côté algérien, répartis dans des centres d’hébergement.
Dans un communiqué, l’ONG Médecins du Monde a appelé mercredi « les autorités tunisiennes à faciliter l’accès des organisations de la société civile nationale et internationale aux zones dans lesquelles se trouvent les personnes déplacées par les forces de l’ordre en juillet », rappelant que « ces personnes se trouvent dans une situation de grande vulnérabilité ».
« On est en train de mourir ici »
« On veut quitter cet endroit, on veut partir« , supplie une femme, tandis qu’une autre prévient : « On est en train de mourir ici« . 1 200 migrants ont été expulsés le 3 juillet dernier par les autorités tunisiennes. La plupart cherchaient à rejoindre l’île italienne de Lampedusa, à seulement 150 km de la Tunisie. « On revenait du travail et, sur le chemin du retour, ils ont attrapé des Noirs. On ne comprenait pas ce qui se passait, on s’est retrouvé dans ce désert avec notre petit garçon de deux ans« , témoigne Fatima, migrante nigérienne expulsée en Libye depuis la Tunisie.
JM/AFP