Un an après la mise en place d’un Conseil présidentiel de transition, chargé de lutter contre l’insécurité et d’organiser des élections, les bandes criminelles continuent de semer le chaos dans Port-au-Prince et étendent leurs exactions à des régions jusqu’ici épargnées.
De nouveaux quartiers victimes des gangs
D’après l’agence Associated Press, Lionel Lazarre, porte-parole de la Police nationale d’Haïti, a déclaré à Radio Caraïbes que deux soldats et quatre civils avaient été tués à Kenscoff, un quartier à la périphérie sud de Port-au-Prince. Il a indiqué également que deux autres soldats et un nombre non défini de civils ont également été assassinés dans le quartier de Pacot, situé à l’intérieur de la capitale.
Rares sont les Haïtiens qui ont le cœur à la fête à l’approche de cet anniversaire : vendredi 25 avril, cela fera un an qu’un Conseil présidentiel de transition a été installé à la tête de leur pays en proie, depuis plusieurs années, à une profonde crise politique, sécuritaire et humanitaire. Cet organe de gouvernance collégiale, composé de neuf membres – dont deux observateurs – désignés par les principales forces politiques du pays, avait été mis en place un mois après la démission de l’impopulaire premier ministre. Ariel Henry, arrivé au pouvoir après l’assassinat du président Jovenel Moïse, en juillet 2021, avait été contraint de quitter son poste en mars 2024, sous la pression des gangs qui terrorisent la capitale.
Haïti proche du « point de non-retour » : les gangs attaquent des quartiers épargnés jusque-là
Les gangs qui tentent de prendre le contrôle de Port-au-Prince, ont tué, selon le porte-parole de la police d’Haïti, au moins quatre civils et autant de soldats, mercredi 23 avril. En début de mois, un hôpital de premier plan a dû fermer à cause des violences qui touchent des zones épargnées jusqu’ici. L’ONU craint « un effondrement imminent de la présence de l’État. »
Haïti continue de s’enfoncer dans le chaos. Les gangs, qui contrôlent au moins 85 % de la capitale, ont lancé une offensive dans le quartier, jusque-là préservé, de Canapé vert, à Port-au-Prince. Début avril, l’hôpital universitaire de Mirebalais, situé à environ 55 kilomètres de là, a été obligé de fermer ses portes, toujours à cause des violences, fragilisant davantage encore le système de santé du pays.
Dans son rapport trimestriel que l’AFP a consulté lundi 21 avril, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a évoqué les « craintes d’un effondrement imminent de la présence de l’État à Port-au-Prince ». Ainsi, en février et mars, « 1086 personnes ont été tuées et 383 blessées », a indiqué Maria Isabel Salvador, représente spéciale de l’ONU dans ce pays. Haïti est le pays le plus pauvre du continent américain. Il souffre depuis longtemps des violences des bandes criminelles dans un contexte d’instabilité politique. Le pays, dirigé par des institutions de transition depuis le meurtre du président Jovenel Moïse en 2021, subit un nouveau regain de violence depuis mi-février.
Un hôpital contraint de fermer
L’hôpital de Mirebalais, qui accueillait 800 patients par jour dans le centre du pays, a dû fermer, début avril, à cause de l’aggravation de l’insécurité. Le directeur général adjoint de l’hôpital universitaire, Pierre-Marie Cherenfant, a déclaré à Reuters que les patients ont commencé à être transférés vers d’autres établissements de la région. Cette décision suit l’attaque du gang Viv Ansanm (« Vivre ensemble » en créole) sur cette ville, située à 55 km au nord-est de Port-au-Prince, fin mars. Le gang venait de libérer environ 500 détenus de la prison de la ville.
Signe d’une situation dramatique, Médecins sans frontières a récemment suspendu ses services à Port-au-Prince jusqu’à fin juin, invoquant une fusillade ciblée contre l’un de ses véhicules de transport.
Toujours selon l’agence américaine, le gouvernement haïtien a annoncé, mercredi 23 avril au soir, qu’au moins quatre policiers et civils armés ont été tués lors de l’attaque du quartier de Canapé vert, l’un des rares non contrôlés par les gangs. On peut voir, dans des vidéos publiées sur les réseaux sociaux, des hommes armés mutiler des corps et exhiber les têtes coupées en criant : « On a les chiens. » La police et des habitants armés de ces quartiers sont réduits à se défendre eux-mêmes. Ergens Saint-Pierre, policier et chef des civils armés de Canapé vert, a déclaré au site d’information en ligne Tripotay Lakay qu’il était en deuil. Il a loué « l’initiative personnelle de ceux qui ont donné leur vie ». Le Conseil présidentiel de transition d’Haïti et le cabinet du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé se sont contentés, dans des communiqués séparés, de condamner les attaques et d’indiquer que plusieurs personnes avaient été blessées.
La mission MMAS (Mission multinationale d’appui à la sécurité) de l’ONU et dirigée par le Kenya fait toujours face à des manques criants de ressources, avec environ 1000 effectifs déployés, contre les 2500 prévus. 261 policiers kényans formés et prêts sont toujours en attente de déploiement « en raison d’un manque d’équipements et de soutien logistique », a indiqué lundi Monica Juma, conseillère à la sécurité nationale du président kényan. « Une augmentation urgente du personnel est essentielle. ».
Pas sûr que cela suffise, surtout au moment où l’ONU se plaint d’un manque de financements et que les États-Unis ont décidé des coupes budgétaires dans ce domaine.
Jean MOLIERE. AFP
Leave feedback about this