31 octobre 2025
Paris - France
POLITIQUE

En Côte d’Ivoire, Alassane  Ouattara est élu pour un quatrième mandat face à une opposition muselée 

L’octogénaire a, sans surprise, écrasé la concurrence avec près de 90 % des voix. Le scrutin présidentiel a été marqué par l’exclusion de ses deux principaux adversaires, compromettant ainsi son caractère équitable et pluraliste

Abidjan (Côte d’Ivoire).- La Côte d’Azur ne profiter d’une retraite dorée. Propriétaire d’une villa à Mougins, dans les AlpesMaritimes, et grand allié de Paris, Alassane Ouattara a, sans surprise, été réélu pour la quatrième fois président de la Côte d’Ivoire. Lundi 27 octobre, la Commission électorale indépendante (CEI) l’a déclaré vainqueur de l’élection du 25 octobre

Avec 89,77 % des voix, Alassane Ouattara l’a emporté 

en << un coup KO » une expression populaire qui signifie une victoire dès le premier tour d’après les premières estimations officielles. Il devance 

largement JeanLouis Billon (3,09 %), candidat indépendant après le désaveu de sa famille d’origine, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI)

Simone Ehivet Gbagbo, ancienne épouse du président Laurent Gbagbo, complète le podium avec 2,42 % des suffrages

Le suspense, si jamais il y en a eu, avait été éteint dès le 8 septembre, lorsque le Conseil constitutionnel avait définitivement écarté les deux principaux rivaux du président sortant

L’ancien chef d’État Laurent Gbagbo, à la tête du Parti des peuples africainsCôte d’Ivoire (PPACI), a été déclaré inéligible pour sa condamnation dans une affaire de détournement de fonds publics

datant de la crise postélectorale de 2010-2011. De son côté, Tidjane Thiam, candidat du PDCI, a été radié à la suite d’un imbroglio politicojudiciaire lié à 

sa nationalité. En juin dernier, les deux figures avaient formé une alliance, le Front commun, pour promouvoir une alternance politique et essayer de peser sur le processus électoral. Sans succès

<< Nous avons maintes fois appelé au dialogue ces derniers mois, mais nous nous sommes heurtés à un 

mur, déplore Simon Doho, président du groupe parlementaire du PDCI à l’Assemblée nationale. En face, il y avait une volonté manifeste d’instaurer une autocratie électorale. Cela ternit profondément l’image de notre pays à l’international. >> 

Gros dispositif sécuritaire 

Malgré l’absence de candidats de poids, la tension restait palpable depuis plusieurs semaines dans un pays marqué par un passif électoral violent. Si le scrutin s’est globalement déroulé dans le calme, certains foyers de tension ont éclaté. À Yamoussoukro, la capitale, un couvrefeu a été instauré la veille et le jour du vote après des 

affrontements entre jeunes et forces de l’ordreOfficiellement, six personnes, dont un gendarme, ont perdu la vie depuis la mioctobre

Pour prévenir tout débordement, le gouvernement avait mobilisé un dispositif sécuritaire d’une ampleur inédite : 44 000 hommes déployés à travers le pays depuis le 5 octobre, soit 9 000 de plus qu’en 2020

Mais cette démonstration de force s’est aussi traduite par une dérive répressive, visant à étouffer toute contestation

Ces dernières semaines, plus de 700 personnes ont été arrêtées, parmi lesquelles de nombreux cadres du PDCI et du PPACI. Plusieurs dizaines ont déjà été condamnées à des peines de prison ferme. Les manifestations de l’opposition ont été systématiquement interdites. La dernière en dateorganisée le 11 octobre, a été violemment réprimée. « Il y a clairement eu une logique de dissuasion pour décourager toute velléité de la part de l’opposition», souligne William Assanvo, chercheur à 

l’Institut d’études de sécurité (ISS)

Ces événements n’ont pas échappé aux observateurs internationaux.<«<< Cette séquence électorale aura finalement été peu inclusive et peu propice au 

dialogue, estime un diplomate européen. Comme une occasion manquée d’initier un mouvement de transition et d’ouverture. Ce moment, qui semblait 

pourtant attendu, n’a donc pas encore eu lieu. »> 

Un président qui a fait le vide 

Depuis son accession à la magistrature suprême en 2011 à l’issue d’une guerre civile qui a fait plus de 3 000 morts, le président a méthodiquement verrouillé tout l’espace politique, et ce même au sein de son propre parti, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP)

À bientôt 84 ans, l’ancien du Fonds monétaire international (FMI) n’a laissé émerger aucun successeur depuis la disparition d’Amadou Gon Coulibaly, son ancien premier ministre et fidèle parmi les fidèles, désigné candidat à la présidentielle de 2020, avant de décéder brutalement quatre mois avant le scrutin

Le président avait alors invoqué ces circonstances « exceptionnelles » pour revenir sur sa promesse de ne pas être candidat à sa propre 

succession. S’appuyant sur une interprétation contestée de la Constitution, il s’était à nouveau présenté pour un troisième mandat, déclenchant une vague de violences qui a fait 84 morts et plus de 500 blessés

<< Le pays ne manque pourtant pas de personnalités ayant la capacité, l’expertise et l’expérience pour diriger l’État. >> Abdourahmane Barry, docteur en sociologie politique 

Pour cette élection, l’octogénaire n’a jamais désigné de dauphin. Alassane Ouattara a certes évoqué une << demidouzaine de candidats >> en janvier, mais 

sans vraiment afficher une volonté de transmettre le flambeau. « Il n’a pas retrouvé de successeur répondant à ses critères quelqu’un de loyal, discret et docile, capable de poursuivre sa politique sans menacer son autorité », analyse Camille Popineaudocteure en science politique et spécialiste de la Côte d’Ivoire

Dans ce contexte, le président a savamment temporisé avant de se déclarer candidat pour cette élection, retardant son annonce à la fin juillet. Soit trois mois avant l’élection. « Je suis candidat parce que notre pays fait face à des défis sécuritaires, économiques et monétaires sans précédent, dont la gestion exige de l’expérience », exposaitil dans un discours diffusé à la télévision nationale

« Aujourd’hui, le pays ne manque pourtant pas de personnalités ayant la capacité, l’expertise et l’expérience pour diriger l’État, que ce soit dans les ministères régaliens ou à la tête d’institutions »>, pointe Abdourahmane Barry, docteur en sociologie politique. Mais Alassane Ouattara a réussi à contenir 

toute aspiration personnelle. Si bien que la majorité des caciques de son parti considèrent que l’ancien du FMI est un véritable pilier et que, sans lui, l’unité du mouvement serait compromise

<< En Côte d’Ivoire, la culture politique s’inscrit dans une tradition sociale fondée sur la figure du chef, qu’il s’agisse des communautés ou des villages, explique Abdourahmane Barry. La transition dépend de la volonté du chef, ce qui rend l’émergence de nouvelles figures particulièrement difficile. C’est vrai pour le RHDP mais aussi pour les deux principaux partis d’opposition, le PPACI de Laurent Gbagbo et le PDCI de Tidjane Thiam. » 

Côte d’Ivoire : la croissance laisse la majorité de la population sur le carreau 

Cette absence d’alternative crédible à Alassane Ouattara, combinée au manque de renouvellement au sein des partis, alimente une lassitude croissante des citoyen.nes envers la vie politique. Le taux de participation était ainsi le principal enjeu du scrutin. Selon la Commission électorale indépendante, il s’est 

établi à 50,10 %. Un chiffre décevant, similaire à celui rapporté en 2020, dans un contexte de boycott du processus par l’opposition

Cette désaffection inquiète la communauté internationale, en particulier pour les moins de 35 ans, qui représentent près de 75 % de la population. << Une population jeune et pauvre qui ne se sent pas représentée par les forces politiques peut s’autoentraîner vers la violence, avertit un les observateur international. Si la classe politique ne se réinvente pas, un vent puissant pourrait affaiblir institutions et les vieux partis. »> 

Pour son nouveau mandat, Alassane Ouattara devra préparer sa succession pour éviter qu’à son départ, le pays ne connaisse une nouvelle crise de régime, comme après la disparition du premier président Félix HouphouëtBoigny. De son côté, Laurent a annoncé qu’il prendrait sa retraite politique après les élections législatives, prévues le 27 décembre prochain

TL

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