Le président sortant a annoncé ce mardi 29 juillet sa candidature à un quatrième mandat pour le
scrutin d’octobre, dont ses principaux challengers potentiels ont été écartés.
Fin de suspense: après avoir reporté à plusieurs reprises l’annonce de sa candidature à l’élection
présidentielle d’octobre, Alassane Ouattara, 83 ans, s’est déclaré partant pour un quatrième mandat ce mardi 29 juillet. Plus que la décision elle–même,
c’est le timing qui surprend, bien que des noms parmi son premier cercle – à commencer par son propre frère – aient été évoqués ces derniers mois pour se présenter à sa place, sans vraiment convaincre. «La Constitution m’autorise à faire un autre mandat», a expliqué le président sortant dans une allocution filmée, largement retransmise sur les réseaux sociaux. Son troisième mandat en 2020 avait pourtant suscité la polémique alors qu’en principe seuls deux mandats successifs sont
autorisés. Mais à l’époque, le président au pouvoir depuis 2011 avait invoqué une réforme constitutionnelle entrée en vigueur en 2016, et qui lui aurait permis de remettre les compteurs à zéro.
Face à une opposition qui s’était coalisée trop tardivement, et sans stratégie claire, il avait gagné.
Au prix tout de même de manifestations parfois violemment réprimées qui feront une centaine de morts à travers le pays, véritable locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest francophone.
Commission électorale verrouillée
Cette fois–ci, le problème sera plutôt l’absence d’opposants de poids face au président sortant. A commencer par l’ancien président Laurent Gbagbo.
Au pouvoir de 2000 à 2011, ce dernier avait été, cette année–là, arrêté avec le soutien des forces françaises. Puis envoyé à la Cour pénale
internationale (CPI), accusé de «crimes contre l’humanité» lors de la plus violente crise post- électorale qu’ait connu le pays. A l’époque, en 2010,
Gbagbo affrontait déjà dans les urnes Alassane Ouattara. En 2021, l’ancien président est finalement acquitté par la CPI, et rentre au pays; mais il restait
sous le coup d’une condamnation à vingt ans de prison prononcée par la justice ivoirienne.
Autre poids lourd aujourd’hui écarté : Tidjane Thiam, ancien ministre et brillant financier de 63 ans, avait pris avec succès en 2022 les rênes du Parti
démocratique de Côte–d’Ivoire (PDCI), crée par le père de l’indépendance Félix Houphouët–Boigny. A peine rentré au pays lui aussi, mais après vingt ans
d’absence, Thiam avait été élu avec plus de 90 % des voix à la tête de ce parti, mais verra sa candidature compromise au prétexte d’un
imbroglio juridique liée à sa double nationalité ivoirienne et française, même s’il avait renoncé à cette dernière en mars.
Les autres candidats? Ils ont beau unir leurs forces dans des coalitions à géométrie variable, ils ne font pas forcément le poids face à la machine de guerre électorale du Rassemblement des houphoüetistes pour la démocratie et la paix (le parti au pouvoir).
Et face à une commission électorale, largement verrouillée par le régime, accusent les opposants.
L’absence de challengers crédibles, et la façon dont ils ont été écartés, reste la principale faiblesse de cet octogénaire qui dirige la Côte–d’Ivoire depuis quatorze ans. L’usure inévitable du pouvoir se mêle à un mécontentement populaire diffus mais bien ancré dans ce pays où les fruits d’une croissance économique certes prometteuse, ne sont pas équitablement partagés. «La croissance est un mirage face aux régressions sociales», dénonçait
ainsi lundi Tidjane Thiam dans une interview accordée à Libération.
Toxique notion d‘«ivoirité»
La vitrine démocratique présente également quelques fissures, alors que les manifestations sont souvent interdites. Celle qui était prévue le 2 août à
l’appel du PDCI l’a d’ailleurs été, ce mardi, quelques heures avant l’annonce de la candidature de Ouattara. Lundi, un influenceur burkinabé a été
retrouvé pendu dans une cellule de l’Ecole de gendarmerie qui n’est pourtant pas officiellement une prison.
Dans son allocution ce mardi, le président sortant s’est pour sa part félicité de la «force des institutions», promettant une «élection démocratique et transparente» Le jeu est–il gagné d’avance pour cet ancien haut fonctionnaire du FMI, dont la carrière a connu des rebondissements impressionnants? Dernier Premier ministre
d’Houphouët–Boigny, puis opposant longtemps ostracisé, après la remise en cause de sa nationalité
–qui ancrera la toxique notion d‘«ivoirité» dans le débat national pendant deux décennies –, Ouattara a révélé une indéniable capacité à résister à l’adversité.
En 2020, à la veille de son troisième mandat, il avait pourtant d’abord annoncé qu’il ne se représenterait pas.
Mais le 8 juillet, le décès foudroyant de son dauphin désigné, le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, change la donne et le replace dans la course.
Ce mardi, Ouattara a évoqué ce «transfert générationnel»> raté en 2020. Promettant qu’un dernier mandat lui permettrait cette fois–ci de le
mettre en place. Comme si l’élection n’était qu’une formalité.
Source AFP
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