Pour sa première prise de parole depuis l’annonce de sa candidature à la présidentielle d’octobre 2025, l’ex- président a choisi la ville où il a tenu son premier meeting, 34 ans plus tôt. Et le fief de Simone Gbagbo. Renouera–t–il avec sa base historique ?
L’ancien président Laurent Gbagbo, le 10 mai 2024, lors de l’annonce de sa candidature à la présidentielle d’octobre 2025
Le 14 juillet, Simone Gbagbo sera–t–elle à Bonoua ? C’est chez elle, sur la terre des Abourés et celle de sa famille
maternelle, que celui qui a partagé sa vie, Laurent Gbagbo, a choisi de se rendre ce jour–là pour sa première sortie médiatique depuis l’annonce de sa candidature à la présidentielle. Tout un symbole, et des souvenirs ravivés de leur premier meeting politique, ici, en 1990.
Le 14 juillet 1990 avait marqué un tournant décisif dans l’histoire politique du pays. Juste après l’instauration du multipartisme, le 30 avril, Laurent Gbagbo, alors secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI) et figure montante de l’opposition, avait choisi la place Kadjo–Amangoua de Bonoua pour s’adresser aux populations.
Le rassemblement fut très vite dispersé. «<C’était une période enflammée, dure, dira l’ancien président en septembre 2009 devant ses partisans. À peine monté sur le podium, des bombes lacrymogènes avaient été lancées sur ordre du sous–préfet. Mais le futur président s’était
alors fait un nom. Et une alliance fut nouée entre lui et le peuple Abouré, faisant de Bonoua un bastion de l’opposition. << Trente–quatre ans plus tard, c’est un peu comme si Laurent Gbagbo revenait sur ses traces pour reconquérir le pouvoir », explique Damana Pickass, vice- président du conseil stratégique et politique du Parti des peuples africain–Côte d’Ivoire (PPA–CI).
Le MGC, PDCI et RHDP sont invités
Et trente–quatre ans plus tard, les choses ont bien changé.
Laurent Gbagbo, vit aujourd’hui avec une autre femme, Nadiani dit Nady Bamba, et revient sans celle qui fut sa compagne de lutte pendant des décennies. Les organisateurs, soucieux de ménager les susceptibilités, marchent sur des œufs. «Nous avons informé et invité le parti de Simone»>, assure Ecra Elidjé Joseph, député et président du comité d’organisation de cette visite. <<Nous avons pour habitude, ici à Bonoua, de ne pas mélanger les problèmes intimes et politiques. >>
Pour la venue de l’ancien président, la place Kadjo- Amangoua, située entre la cour royale et l’ancien commissariat de la ville, incendié le 11 août 2020, en pleine désobéissance civile, s’est refait une beauté. Les ouvriers s’affairent à recouvrir les caniveaux jadis à ciel ouvert, et les bennes à ordures et les urinoirs publics ont été évacués. Une équipe de la direction du PPA–CI et du cabinet de Gbagbo se sont déplacées le 10 juillet à Bonoua pour effectuer les derniers réglages. «Nous voulons que tout soit parfait », confie un membre de l’équipe.
Amnistie de Gbagbo : vives tensions entre le RHDP et le PPA–CI
Contrairement aux habitudes, les affiches annonçant la visite de Laurent Gbagbo sont discrètes. Une dizaine au total, placées à des endroits stratégiques. « Ce n’est pas un meeting de la sous–région, justifie Ecra Elidjé Joseph. Gbagbo vient surtout rendre visite aux autorités traditionnelles de Bonoua. >> << Même si ce n’est pas un meeting politique, Laurent Gbagbo reste un homme politique. L’idée n’est pas de mobiliser comme à Agboville, complète Ousmane Sy Savané, président de la commission communication et organisation des manifestations. Il va aborder les problèmes liés à la zone de Bonoua et la lutte pendant les différentes crises. Il évoquera aussi les préoccupations de la nation,
notamment la cherté de la vie. >>
Il n’empêche que l’ancien président a souhaité rassembler, comme en témoigne la liste des invités : tous les partis politiques y figurent. Outre le Mouvement des générations capables (MGC) de Simone Gbagbo, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) dirigé par Tidjane Thiam et le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir) ont également été conviés. << J’ai personnellement rencontré et informé les maires PDCI de Bonoua et d’Aboisso>>, précise le député, qui ajoute que Eugène Aka Aouélé, président RHDP de la région, a également été informé.
Toujours inéligible
Le programme a également été minutieusement préparé.
où Laurent Gbagbo sera d’abord accueilli à Yaou, à l’entrée de la ville, puis reçu par le sous–préfet de cette localité. Il se rendra ensuite chez son hôte, le député de Bonoua, il s’entretiendra avec les différentes communautés de la ville. Une rencontre avec les anciens du parti est également au programme, permettant à Gbagbo de renouer avec ses soutiens historiques. Enfin, le roi de Bonoua, Miessan Kacou Venance, lui accordera une audience juste avant le meeting.
En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo déjà en campagne présidentielle
Mais derrière cette visite de proximité, la dimension politique sera bel et bien présente. Devant ses partisans, Gbagbo devrait en effet aborder la question de sa candidature à la prochaine élection présidentielle. Condamné en 2018 à vingt ans de prison pour le <braquage» de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) lors de la crise post–électorale de 2010- 2011, il reste pour l’instant inéligible. Une sanction que son parti, le PPA–CI, conteste fermement. «Nous sommes convaincus qu’il sera sur la liste des candidats en 2025,
affirme Ousmane Sy Savané. On n’obtient rien sans combat, comme le dit souvent le président Gbagbo. Nous comptons sur la compréhension des autorités pour aller vers une élection inclusive. >>
<< Laurent Gbagbo ne vient pas à Bonoua parce qu’il est candidat, mais parce qu’il a une histoire avec la ville, poursuit Ecra Elidjé Joseph. Il a fait en sorte que ça soit le 14 juillet, en mémoire du 14 juillet 1990. Il revient pour reprendre le bâton de la lutte, il n’a pas terminé sa mission. >>
Jean Moliere source JA