La Côte d’Ivoire a–t–elle voulu arrêter Guillaume Soro, le 3 novembre, lors d’une escale de l’intéressé en Turquie ? Les autorités ivoiriennes assurent que tout est faux, tandis que les proches de l’ex–président de l’Assemblée nationale reviennent en partie sur leur version initiale.
<<< Une escouade de policiers ivoiriens dirigée par la procureure générale près la Cour d’appel d’Abidjan >> ont- ils attendu Guillaume Soro à sa descente d’avion à Istanbul, le vendredi 3 novembre, à 11h35, comme l’ont
affirmé ce jour–là ses soutiens dans un communiqué? Non. L’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne devait–il prendre le vol TK717 au départ de New Delhi, en Inde, comme stipulé dans un autre communiqué diffusé le même jour? Non. A–t–il été << porté disparu» pendant un certain laps de temps, comme cela est écrit dans ce message portant l’entête de son parti, Générations et peuples solidaires (GPS) ? Là encore, la réponse est non.
Passeport et connexions
<<< Il fallait des fausses pistes», affirme aujourd’hui Moussa Touré, son chargé de communication. Ce dernier admet que la date, le numéro de vol ou encore la disparition supposée de Soro ne correspondent pas à la réalité, mais affirme que la Côte d’Ivoire a bien tenté de procéder à «<l’enlèvement » et à «<l’extradition >> de Guillaume Soro, le 30 octobre, à l’aéroport d’Istanbul, où l’ancien Premier ministre, recherché par la justice ivoirienne depuis 2019, devait faire escale pendant six heures.
D’où venait–il? Ou allait–il ? Avait–il bien l’intention de prendre un vol ce 30 octobre? L’opposant et son dernier carré de fidèles cultivent le secret et font preuve d’une méfiance qui frise la paranoïa. Soro serait, selon ses proches, en mouvement perpétuel sur plusieurs continents. Selon nos sources, il se déplacerait en effet entre Chypre, Genève, Bamako ou encore Dubaï.
Côte d’Ivoire : Guillaume Soro et le rêve lointain d’un retour en politique
En Turquie, l’opposant entretenait quelques relations dans les cercles du pouvoir, établies du temps où il était Premier ministre, puis président de l’Assemblée nationale. Devrim Acimik, un homme d’affaires proche de l’AKP, le parti de Recep Tayyip Erdogan, le fréquentait régulièrement, et Ali Özkaya, député et avocat du chef de l’État, l’avait reçu en 2019. Egemen Bagis, l’ancien ministre turc des Affaires européennes (et actuel ambassadeur en Tchéquie), avait confié à JA avoir eu « des échanges de vues» avec lui à la même époque.
Guillaume Soro conserve de « solides amitiés» en Turquie, assure Moussa Touré. À Ankara, on assure officieusement qu’il n’en est rien au niveau politique. La tentative de l’opposant ivoirien de se faire inviter à la cérémonie d’investiture du président Erdogan, à Ankara, le 3 juin dernier, n’a pas abouti.
Selon nos informations, Soro, dont les titres de voyage arrivent à expiration, est en mesure de se déplacer grâce à
un passeport obtenu dans un pays tiers. Une chose est sûre, l’ancien chef rebelle en exil ne se trouve pas actuellement sur le sol turc.
Coup d’éclat ou manœuvre d’Abidjan ?
S’agit–il donc d’un nouveau coup d’éclat – ce n’est pas la première fois que son entourage fait état d’une tentative d’arrestation ou d’enlèvement, d’une volonté de
brouiller les pistes, ou bien d’une véritable manoeuvre d’Abidjan pour mettre la main sur cet ancien allié du président Alassane Ouattara? Visé par un mandat d’arrêt pour tentative de déstabilisation et détournement de deniers publics (sans notice rouge d’Interpol), Soro a été condamné par contumace, en 2021, à la réclusion à perpétuité pour «< atteinte à la sûreté de l’État ».
Les autorités ivoiriennes assurent qu’elles n’avaient pays.
programmé aucune arrestation en Turquie. Il n’existe d’ailleurs aucun accord d’extradition entre les deux
Elles indiquent par ailleurs qu’Henriette Nayé Sori, procureure générale près la Cour d’appel d’Abidjan, se trouvait le 3 novembre à Abidjan, où elle assistait à une cérémonie judiciaire officielle.
[Enquête] En Côte d’Ivoire, un fantôme nommé Guillaume Soro
<< La fratrie m’a rêvé menotté ! La divine providence en a décidé autrement !», a réagi Guillaume Soro sur les réseaux sociaux. Moussa Touré assure que le patron de GPS, parti dissout par la justice ivoirienne, reviendra sur cette affaire pour en livrer les « détails>>. Où ? Quand ? Sur quel support? Plus que jamais, Soro entretient le mystère.
JM.source JA