Hypnotique, sensuelle, innovante : Amaarae est de retour et en grande forme. L’Américano-Ghanéenne sort ce 8 août son troisième album, Black Star, qui enchante déjà les critiques. L’opus se révèle comme “une célébration de la dance music de la diaspora noire, une parade voluptueuse, vouée tout entière au plaisir, par une star au sommet de son art”, loue le site musical américain Pitchfork.

À 31 ans, Amaarae prouve encore une fois sa virtuosité à entremêler genres et influences bien au-delà de la pop pour célébrer l’amour et faire danser. Ici, des touches d’amapiano et de gqom (deux types de house apparus en Afrique du Sud), de dance ou encore de techno de Détroit se côtoient dans un opus qui se veut plus festif.

En 2023, son deuxième album assez expérimental Fountain Baby avait fait “d’elle une icône montante de la pop qui n’avait rien à envier à ses contemporaines Rosalía et Charli XCX”, la révélant comme l’une des artistes les plus innovantes de sa génération.

Une fresque de la diaspora

Si l’influence de ses expérimentations sur la pop contemporaine est importante, elle n’a pas conquis un aussi large public que les stars mentionnées. “Mais avec Black Star, son troisième album élégant et terriblement entraînant, elle pourrait bien franchir un nouveau cap”, espère The Guardian.

Avec son style audacieux et sa voix éthérée, Amaarae s’impose comme l’une des figures les plus singulières de la scène musicale afro-fusion contemporaine. Originaire du Ghana, l’artiste mêle avec finesse R’n’B alternatif, pop expérimentale et sonorités africaines, repoussant les frontières des genres pour créer un univers résolument moderne et iconoclaste. Elle le prouvait déjà avec son deuxième album, Fountain Baby (2023). Portée par une voix aérienne et des productions aussi sensuelles qu’expérimentales, la chanteuse ghanéenne livrait ici un projet singulier, sur lequel chaque titre reflète une maîtrise rare de l’esthétique pop contemporaine – de l’électrisant “Co-Star” au langoureux “Reckless & Sweet”. Le disque constitue une célébration de la liberté sous toutes ses formes.

En avril dernier, Amaarae se produit au festival Coachella, ce qui fait d’elle la première femme ghanéenne à fouler cette scène mythique située dans le désert californien. Puis elle apparaît sur l’affiche du festival Lollapalooza qui s’est tenu à Chicago le 1er août, affirmant davantage sa popularité montante. S’en est suivi la sortie de son troisième album, Black Star. Cet opus confirme que la volonté de la chanteuse à marier ses origines ghanéennes à ses influences dance.

Une célébration de la culture ghanéenne

“Ma douce / Ne veux-tu pas souffler sur mon feu ? / Je m’en soucie / Montre-moi que ta vallée est Zion / Ma douce / Tu n’es pas le seul désir, non / Je le suis / Et tu seras ma cavalière”. C’est sur ces paroles qu’Amaarae introduit sa nouvelle ère musicale. On les retrouve sur “S.M.O.” (un acronyme pour dire “Slut Me Out”), un single sorti en juin dernier sur lequel on reconnaît des rythmes à la croisée de la highlife (un genre musical du Ghana), le funk et la dance. Immédiatement, le morceau pose le ton avec des thèmes assumés (le sexe et la fantaisie). Cela pourrait constituer une suite à son précédent opus, qui mettait en lumière une fusion entre la pop, le R’n’B et l’afro beat, mais le morceau va bien plus loin. La production signée par Amaarae et Bnyx, qui a produit pour Lil Uzi Vert et Drake, est épurée et texturée. Surtout, elle laisse de l’espace à la voix d’Amaarae, douce, traînante, presque murmurée — une technique vocale héritée de la tradition highlife féminine, selon laquelle les chanteuses manipulent souvent la voix pour créer une intimité avec l’auditeur. Ici, cette intimité devient presque érotique, renforcée par une esthétique sonore sensuelle, inspirée des ambiances R’n’B des années 1980-90 (qui tire également son inspiration des albums Control et The Velvet Rope de Janet Jackson), mais filtrée par une approche électronique à la fois minimaliste et expérimentale.

Amaarae perpétue son héritage musical avec le deuxième single “Girlie-Pop!”, qui fusionne les rythmes saccadés du jersey club (un genre né dans les clubs du New Jersey, connu pour ses beats rapides et ses breaks énergiques) avec des éléments mélodiques issus de la highlife ghanéenne. On y retrouve ces lignes de guitare syncopées et lumineuses, typiques du guitar highlife, mais aussi une certaine fluidité rythmique qui rappelle les structures libres des musiques populaires du Ghana, comme le kpanlogo ou l’azonto, auxquels la chanteuse a longtemps été exposée en ayant grandi dans le pays. Son phrasé alterne aussi entre anglais et pidgin, une façon de réaffirmer ses racines tout en s’adressant à une audience globale. Et si la highlife se manifeste tout le long de l’album, la chanteuse accueille également des sonorités que l’on pourrait entendre dans les boîtes de nuit. Avec “100DRUM”, par exemple, Amaarae innove et déstructure la production qui semble proche d’une pulsation cyclique avec l’aide de la techno, du drum & bass ou même du Baltimore club (une fusion entre le breakbeat et la house). Avec une voix détachée, robotique par moments, mais toujours sensuelle, elle évoque l’attitude désinvolte du coupé-décalé autant que la froideur maîtrisée de l’hyperpop. Ainsi, elle se place à la croisée des traditions et de la machine, assumant un rôle de passeuse entre les cultures rythmiques de l’Afrique de l’Ouest et les sons électroniques globaux les plus pointus.

Rencontre avec Amaarae : “Ma musique est faite pour les filles et les gays”
Quelque part entre son défilé pour Vogue World : Paris et sa performance au festival Yardland ce samedi 6 juillet 2024, Amaarae s’est entretenue avec Vogue.

Notre rendez-vous est à dix-sept heures. Amaarae accuse d’un léger retard dans les locaux français d’Universal, sa maison de disques. Dix minutes tout au plus – nous avons connu bien pire. Elle est cordiale, souriante, mais ne cache pas son épuisement. Une fois seules, elle nous l’avoue : elle a passé la soirée dans les meilleurs clubs de Paris, quelque part entre le Maxim’s et Le Silencio. La veille, elle a défilé pour Vogue World : Paris, entre les sœurs Williams et l’autrice française Rokhaya Diallo – “la plus cool d’entre nous”, selon ses propres mots.

En 2023, Amaarae dévoilait Fountain Baby, qui demeure pour nous, parmi les meilleurs albums de l’année passée. Après s’être fait connaître en 2020 avec l’explosion du morceau “Sad Girlz Luv Money”, propulsé par TikTok, Ama Serwah Genfi revenait donc avec un excellent deuxième album, imaginé comme une exploration par l’artiste de sa propre sensualité. La pochette, humide, annonce la couleur. Fountain Baby est un album de découverte de soi, de ses sens et de son corps. Les violons grandiloquents qui ouvrent le morceau liminaire, “All My Love”, sont comme l’introduction d’un univers immersif où Amaarae invite ses auditeurs à la fête et au lâcher prise. Les singles, “Co-Star” et “Reckless & Sweet”, choisis avec précision, sont les pierres les plus lumineuses du projet. Jamais paresseux, Fountain Baby s’aventure à d’autres endroits dans des recoins plus sombres de la vie d’Amaarae, afin d’offrir une œuvre à part entière, aux accents presque cinématographiques (à l’instar de “Princess Going Digital” et son odeur de danger). Après l’avoir présenté dans la salle de l’Élysée-Montmartre à Paris, l’artiste revient en France ce samedi 6 juillet 2024 pour le festival Yardland. L’occasion d’échanger avec elle sur ses inspirations, son signe astrologique, et sa passion pour Britney Spears.

Votre album Fountain Baby fait partie des meilleurs de l’année dernière.

J’ai fait cette album pour les filles et les gays. Je veux juste que les gens s’amusent sur de la musique intéressante. D’ailleurs, j’ai reçu beaucoup de messages de gens qui ont fait l’amour sur ce disque, et ça me va très bien ! Ça fait totalement partie de mon intention : aider les gens à faire l’amour.

Vous avez vécu dans de nombreux endroits différents. Comment cela a-t-il influencé votre manière de concevoir la musique ?

J’ai été élevée entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Afrique. En outre, ma mère voyageait beaucoup pour son travail, tout comme mon père, et ils nous ramenaient tous deux des CDs des endroits qu’ils visitaient. J’ai donc toujours été exposée à différentes cultures, à travers la musique. Un de mes premiers souvenirs, c’est la musique crunk à Atlanta avec des artistes comme Lil John. J’ai vraiment vu cette première vagues d’artistes issus d’Atlanta gagner en notoriété ! Puis nous avons déménagé à la campagne, dans le New Jersey. Là, l’ambiance était différente. Nous étions à peine treize enfants noirs dans toute l’école… Mais ce que je retiens de cette période, c’est d’aller à des fêtes d’enfants blancs, et de découvrir l’album Blackout de Britney Spears. J’ai beau aimer Britney, je n’aurais sans doute jamais écouté cet album en entier si je ne m’étais pas rendue à cette soirée. J’ai adoré “Radar”, puis “Piece of Me”, puis “Gimme More”, puis “Break the Ice”… Tout l’album, en fait ! Et c’est ça que j’ai adoré en grandissant : être sans cesse exposée à de nouvelles sonorités, des nouvelles idées…