Les faits
Des enfants, certains âgés de moins de 11 ans, ont été décapités dans la province mozambicaine de Cabo Delgado. L’organisation non-gouvernementale Save the children, qui dénonce les exactions, a recueilli sur place les témoignages des familles endeuillées, au cœur d’un conflit meurtrier qui ravage la région depuis 2017.
« Les attaques contre des enfants dont font état les rapports nous rendent malades jusqu’à la moelle », a déclaré Chance Briggs, directeur de l’ONG Save the children au Mozambique, mardi 16 mars. Une déclaration qui fait suite aux témoignages rapportés par les membres de leur équipe présente sur place et qui fait état de décapitations d’enfants, à Cabo Delgado, au nord-est du pays. Une équipe « émue aux larmes », à l’écoute de la souffrance des mères. « Cette violence doit cesser, et les familles déplacées doivent être soutenues pour trouver leurs repères et se remettre du traumatisme », a appelé Chance Briggs.
ANALYSE. Dans le nord du Mozambique, la menace croissante des djihadistes
Un conflit meurtrier
La province de Cabo Delgado, à la frontière de la Tanzanie, où ont été perpétrées les atrocités, est frappée depuis octobre 2017 par des attaques djihadistes commises par un groupe local, Ansar al-Sunna, affilié à l’État islamique, aussi connu sous le nom de al-Shabaab et rebaptisé récemment « Daech-Mozambique » par les États-Unis.
. Au Mozambique, des massacres djihadistes au cœur d’une région convoitée
Plus de 2 600 personnes, dont 1 312 civils, ont trouvé la mort dans le conflit qui fait rage à Cabo Delgado. En 2020 uniquement, 570 incidents violents – incendies, pillages, meurtres de villageois à coups de machette et maintenant décapitations d’enfants – ont été enregistrés dans le pays par le projet de collecte de données, d’analyse et de cartographie des crises (ACLED).
La situation, qui s’est encore détériorée au cours des 12 derniers mois, a aussi entraîné une augmentation spectaculaire des déplacements de populations au sein du pays. Ils sont plus de 670 000 à avoir fui leurs maisons, soit sept fois plus qu’il y a un an.
Une réponse humanitaire entravée
Le Mozambique, qui fait partie des pays les plus pauvres du monde, en plus d’être le terrain de violents conflits armés, a été confronté à des sécheresses cycliques, de sévères inondations et à deux épisodes cycloniques majeurs qui se sont succédé en 2019.
Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l’ONU rapporte que 36 % des installations sanitaires de la province de Cabo Delgado ont été endommagées ou détruites et que de nombreuses villes n’ont plus une seule clinique fonctionnelle. Les organisations humanitaires, confrontées à un contexte particulièrement insécuritaire, se voient grandement limitées dans leur capacité d’intervention, dans les régions les plus touchées.
« Le gouvernement fait tout pour que les journalistes ne puissent pas se rendre dans la région, empêchant du même fait une vraie réponse humanitaire. De nombreuses plaintes sont émises contre l’armée, il n’est pas étonnant qu’il ne veut pas qu’ils aillent voir », dénonce David Matsinhe, en référence à un rapport de l’ONG Amnesty International, publié en mars 2021. L’ensemble des parties prenantes du conflit – le groupe djihadiste Ansar al-Sunna, mais aussi les troupes de l’armée ainsi qu’une société de sécurité privée – y sont accusées de violations du droit humanitaire international, dont des crimes de guerre.
Empêcher la propagation du terrorisme
Lundi 15 mars 2021, l’ambassade américaine du Mozambique a annoncé le lancement d’un programme de coopération militaire de deux mois avec l’armée mozambicaine, afin de former leurs militaires. Comptant ainsi « soutenir les efforts du pays pour empêcher la propagation du terrorisme et de l’extrémisme violent ». Pour David Matsinhe, le respect des droits humains doit être au cœur de cette formation, c’est un premier pas indispensable, « même si la guerre ne peut pas et ne doit pas être la seule réponse ».
En attendant, l’ONU estime que 1,3 million de personnes, pris au piège d’un conflit qui ne semble pas connaître d’issue à court terme, ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence.