24 octobre 2025
Paris - France
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Air Côte d’Ivoire a-t-elle les moyens de ses grandes ambitions internationales? 

Le pavillon ivoirien fait de la capitale française la rampe de lancement de ses longs courriers. Après Paris, la compagnie dirigée par Laurent Loukou vise Beyrouth à partir de fin novembre et compte bien desservir le Brésil et les ÉtatsUnis dans les cinq prochaines années

Air Cote d’une 

Après un lancement à Paris le 16 octobre, Air Côte d’Ivoire vise Beyrouth avec l’ouverture d’une liaison prévue fin novembre. © Facebook Air Cote d’Ivoire 

Pari réussi pour Air Côte d’Ivoire, 13 ans après son lancement. Le 16 octobre, la compagnie nationale ivoirienne a posé ses ailes à Paris, marquant son entrée sur le segment longcourrier. Ce vol inaugural entre Abidjan et la capitale française, attendu de longue date et intervenant après la réception début septembre d’un premier Airbus A330-900neo assurant la liaison entre la Côte d’Ivoire et la France, illustre les ambitions à 

l’international du transporteur ivoirien. « Cette ouverture vers l’Europe consacre une nouvelle phase de notre développement et symbolise notre engagement à positionner Abidjan comme une véritable porte d’entrée vers l’Afrique de l’Ouest », a déclaré Laurent Loukou, le directeur général de la compagnie depuis 2021

Détenue par l’État ivoirien à 57%, la compagnie compte également à son capital l’investisseur suisse Optimus Holding, la compagnie tricolore Air France (à hauteur de 11%) et la Banque ouestafricaine de développement (BOAD). Durement touchée comme l’ensemble des transporteurs par la crise du Covid19, elle a su se relancer, ayant dégagé un résultat d’exploitation de 10 milliards de FCFA (près de 15 millions d’euros) en 2022, selon les derniers chiffres communiqués. Bien que modeste opérateur dans le paysage aérien mondial, Air Côte d’Ivoire revendique la place de principal opérateur en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, avec 52% de part de marché, ayant transporté plus de 7,5 millions de passagers depuis sa création en 2012. Forte de cette progression et de son dynamisme, peutelle concrétiser ses projets en dehors du continent

Concurrence exacerbée 

Pour l’heure, la bataille s’annonce serrée sur la très disputée ligne AbidjanParis. Air Côte d’Ivoire, qui procédera à six rotations hebdomadaires en attendant de porter ce nombre à sept dès la réception de son second A330-900neo en novembre, arrive sur un segment dominé par Air France et Corsair, qui assurent respectivement quatorze et sept vols par semaine

Pour autant, le pavillon ivoirien entend bien capter une part significative des 400 000 voyageurs annuels qui empruntent la ligne. Pour ce faire, il mise notamment sur des horaires soigneusement étudiés : les arrivées à Abidjan en début d’aprèsmidi permettent aux voyageurs venus d’Europe d’enchaîner directement avec les vols régionaux de la compagnie. Cette interconnexion s’appuie sur le hub qu’est devenu Abidjan avec une desserte de 26 villes africaines

 Laurent Loukou, un DG à poigne qui projette Air Côte d’Ivoire dans le longcourrier  

Le contexte concurrentiel explique pourquoi Laurent Loukou plaide pour une attribution égalitaire du trafic, sur la base des textes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Entre Abidjan et Paris, près de 1000 passagers embarquent chaque jour, << la Côte d’Ivoire devrait être capable de transporter 500 passagers 

par jour et la France également », avance le DG d’Air Côte d’Ivoire. Pour lui, il faut réguler la ligne pour éviter que <«<le plus petit souffre ». « Il faut trouver un équilibre pour qu’Air Côte d’Ivoire et les compagnies françaises survivent», insistetil

 Sur la ligne ParisAbidjan, ni Corsair ni Air France n’auront à réduire la voilure 

<«<Aujourd’hui, Air France écrase le marché avec ses deux vols quotidiens. Logiquement, il faudrait un vol quotidien pour chaque opérateur, Air France, Corsair et Air Côte d’Ivoire », expose un spécialiste de l’aérien. C’est aussi l’argument déployé par les autorités ivoiriennes en discussion avec Paris ces derniers mois pour obtenir la 

révision de l’accord aérien conclu en mars 2016 entre la Côte d’Ivoire et la France. Des négociations qui se poursuivent actuellement

Pour porter le long courrier d’Air Côte d’Ivoire, le gouvernement ivoirien a aussi lancé des travaux d’agrandissement de l’aéroport d’Abidjan. Le projet, d’un montant initial d’environ 300 milliards de FCFA (plus de 457 millions d’euros) mais qui devrait toutefois être revu à la baisse, est exécuté par Bouygues et Setao, filiale de Bouygues Bâtiment International, et doit faire passer la capacité d’accueil à 9 millions voyageurs par an, contre 7,5 millions actuellement

Parier sur le moyencourrier 

La conquête de Paris ne doit être qu’une étape dans la trajectoire internationale du transporteur ivoirien. Ainsi

Air Côte d’Ivoire lancera fin novembre une liaison entre Abidjan et Beyrouth. Cette ligne est identifiée comme la seconde route la plus rentable par le transporteur, l’importante diaspora libanaise représentant un vivier de 80 000 passagers potentiels. Sur cette destination, seule la compagnie Middle East Airlines (MEA, communément appelée Air Liban) est présente à travers des vols depuis Abidjan vers Beyrouth avec une escale à Lagos. Pour Laurent Loukou, le choix du Liban se justifie par le poids économique de cette communauté dans la région

En parallèle, la compagnie se fixe comme objectif de parvenir au lancement de liaisons vers le Brésil et les ÉtatsUnis (Washington) au cours des cinq prochaines années, dans la droite ligne de son ambition d’atteindre 35 destinations en 2031. Pour cela, Air Côte d’Ivoire

présente à date dans 27 villes, entend accroître sa flotte. Celleci doit passer de 12 à 20 appareils, en continuant à se fournir auprès du constructeur européen Airbus. Le pari est très audacieux. « Le vol vers Beyrouth étant relativement court, il est moins risqué de se lancer sur ce créneau que sur la desserte des ÉtatsUnis ou du Brésil

Le moyen et le long courrier, ce n’est pas le même métier. Et il est beaucoup plus difficile de gagner de l’argent sur le second»>, met en avant l’expert sollicité

Poussée de Turkish 

Le renforcement de la flotte annoncé doit également permettre de relancer deux lignes continentales actuellement suspendues, Casablanca et Johannesburg. Air Côte d’Ivoire a stoppé la première, à la demande des autorités ivoiriennes, après l’instauration par le Maroc d’un visa d’entrée pour les voyageurs ivoiriens. Cette mesure, prise pour juguler l’immigration, a divisé par deux le trafic des passagers d’Air Côte d’Ivoire vers le royaume chérifien. Pour autant, Laurent Loukou assure que sa compagnie sera de retour dans la capitale économique marocaine en décembre

A lire a Paris, Johannesburg, CasablancaCes destinations qui échappent à Air Côte d’Ivoire 

L’autre ligne suspendue, vers Johannesburg, est une victime collatérale du conflit entre la RDC et le Rwandaen raison des combats en cours à l’est de la RDC, la compagnie ne dispose plus d’aéroport de dégagement pour assurer une escale technique, ce qui l’aurait obligée à dérouter ses vols. « Ce changement de route nous imposait 2h30 supplémentaires à l’aller et 2h30 supplémentaires au retour, c’était une perte sèche. Il était plus sage de prendre du recul sur cette liaison, avant de la 

reprendre, ce que nous espérons pouvoir faire au premier semestre de l’année prochaine », confie le DG d’Air Côte d’Ivoire

Ces deux revers sont intervenus alors que le transporteur ivoirien subit une concurrence croissante de la part d’opérateurs venus du Proche et du Moyen Orient, à savoir Turkish Airlines, Emirates et Qatar Airways. Si Emirates est précurseur sur le continent, les deux autres acteurs appliquent un plan d’expansion musclé. Ces dix dernières années, Turkish a ouvert une quarantaine de destinations et s’est lié à Air Algérie pour étoffer son offre africaine quand, dans le même temps, le groupe turc LAS (Limak, AIBD et Summa) a pris la gestion de l’Aéroport international BlaiseDiagne (AIBD) de Dakar au Sénégal

La poussée qatarie est tout aussi forte alors que Qatar 

Airways est actionnaire de Airlink et doit finaliser sa prise de participation dans Rwandair une transaction qui peine toutefois à se concrétiser. Pour Laurent Loukou, la concurrence de Turkish Airlines est nettement plus agressive que celle de Qatar Airways en Afrique. << La vraie question n’est pas de savoir ce que font les autres, mais ce que font les Africains », tempère le dirigeant, pour qui, il faut se battre pour s’imposer dans cette région face aux compagnies étrangères

JA

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