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À la frontière entre l’Inde et la Chine, un face-à-face de plus en plus musclé

New Delhi et Pékin s’accusent mutuellement de franchir leur frontière commune. Depuis plusieurs mois, les tensions entre la Chine et l’Inde se sont accrues dans cette zone de l’Himalaya, faisant craindre de nouveaux affrontements.

Des incidents ont eu lieu samedi 29 et lundi 31 août dans la région du Ladakh, située dans l’est de l’Inde. Selon Pékin et New Delhi, la ligne de contrôle effectif, qui fait office de frontière entre l’Inde et la Chine mais qui n’est pas démarquée, aurait été franchie. Mais aucune des deux parties n’admet l’avoir fait.

Une représentante du Parlement tibétain en exil, Namghyal Dolkar Lhagyari, a par ailleurs annoncé qu’un soldat d’origine tibétaine engagé au sein des troupes indiennes avait été tué lors d’un accrochage avec l’armée chinoise.

Un affrontement meurtrier, une première depuis 1975

Pour Jean-Luc Racine, directeur de recherche émérite au CNRS et chercheur au think tank Asia Centre, contacté par France 24, ces violences marquent un tournant dans les relations sino-indiennes. « Ces accrochages ne sont pas nouveaux, ce qui l’est, c’est qu’il y a eu des morts. C’est une première depuis 1975 », explique-t-il.

En effet, un accord bilatéral datant de 1993 interdit aux armées de tirer sur le camp adverse. « Les troupes situées le long de la ligne de contrôle font des visites. Elles peuvent être armées mais ne peuvent pas tirer. Le 15 juin, il n’y a pas eu de coups de feu mais une bagarre. Des soldats sont tombés dans la rivière », précise Jean-Luc Racine.

Le 15 juin, des heurts avaient en effet déjà eu lieu dans la région montagneuse du Ladakh. Au moins 20 soldats indiens sont morts ce jour-là dans un combat au corps à corps avec leurs homologues chinois. La Chine n’a de son côté pas communiqué le nombre de victimes.

Un statu quo menacé

À la suite de ces nouveaux heurts, fin août, l’armée indienne a accusé la Chine de « mouvements militaires provocateurs ». L’Inde a dans la foulée annoncé avoir « pris des mesures pour renforcer [ses] positions et déjouer les intentions de la Chine de changer unilatéralement la situation sur le terrain ».

De son côté, Pékin a rejeté toute responsabilité dans ces accrochages. Mercredi, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunying, a déclaré que « depuis le début de l’année en cours, l’Inde [avait] violé de manière répétée les accords bilatéraux et un consensus important » sur la frontière.

Et d’affirmer que l’Inde « a essayé de modifier unilatéralement le statu quo par la force, sapé la paix, la stabilité et provoqué de la tension dans la zone frontalière. La responsabilité revient indubitablement à la partie indienne ».

Un conflit ancien

Cette ligne de contrôle a été définie en 1962, au moment de la défaite de l’Inde face à la Chine dans un conflit sur la frontière himalayenne. Mais selon Jean-Luc Racine, « des incertitudes subsistent autour du tracé de cette ligne ». Les affrontements récents ont ainsi eu lieu dans la région de l’Aksai Chin, administrée par Pékin mais revendiquée par New Delhi. Selon Jean-Luc Racine, l’Inde s’appuie en effet sur « diverses cartes britanniques », héritées de l’indépendance de l’Inde en 1947. Des documents qui conduisent à des « interprétations différentes » du tracé de la ligne de contrôle.

Dans l'Himalaya, les armées chinoises et indiennes s'accusent mutuellement de franchir la ligne de contrôle qui sépare les deux pays depuis 1962.
Dans l’Himalaya, les armées chinoises et indiennes s’accusent mutuellement de franchir la ligne de contrôle qui sépare les deux pays depuis 1962. © Infographie France 24

Pour les Chinois, il s’agit en outre d’une zone stratégique car elle s’étend notamment sur deux provinces chinoises, le Tibet et le Xinjiang, où Pékin souhaite asseoir sa souveraineté. Cette volonté de domination de Pékin pourrait être à l’origine du renforcement du contentieux dans cette région du Cachemire. « Cette opération aux frontières pourrait être un moyen de relancer la machine nationaliste », indique le chercheur.

Pour Jean-Luc Racine, les récentes violences pourraient également être liées à des ripostes militaires. « Les Chinois ont multiplié les infrastructures dans cette zone contestée. Et depuis quelques années, les Indiens ont fait de même de leur côté de la ligne de contrôle, dans la région de Ladakh. Les Chinois ont peut-être voulu se manifester en voyant que les Indiens étaient en train de renforcer leurs positions », affirme le spécialiste.

Ces événements surviennent également plus d’un an après l’abrogation de l’autonomie du Jammu-et-Cachemire, région indienne revendiquée par le Pakistan. « Quand le gouvernement indien a modifié le changement de statut du Jammu-et-Cachemire, il a aussi publié une nouvelle carte qui redéfinit les régions. Pour les autorités indiennes, cette nouvelle carte ne faisait que remettre sur la table les revendications indiennes qui ne reconnaissent pas les occupations chinoises et pakistanaises » dans le Cachemire, explique Jean-Luc Racine. Cette décision aurait pu, selon lui, déclencher une réaction de la part de Pékin.

Malgré ce regain de tensions à la frontière, un conflit ouvert est peu probable, selon le spécialiste. « Cela m’étonnerait que ces tensions dégénèrent car ce n’est pas dans l’intérêt des deux parties », affirme Jean-Luc Racine. La Chine connaît en effet des tensions croissantes avec les États-Unis et est un partenaire commercial majeur pour l’Inde. Mercredi, des pourparlers entre des officiers des deux camps ont eu lieu, mais aucun progrès susceptible d’apaiser les tensions n’a été annoncé.

Source : France 24

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