En Côte d’Ivoire, Charles Blé Goudé et le pari de la << victoire reportée » 

En félicitant Alassane Ouattara pour sa victoire, l’ancien tribun radical qui se rêve en président fréquentable poursuit son patient travail de réhabilitation. Il vient d’annoncer la participation de son parti aux élections législatives. 

Depuis son retour en Côte d’Ivoire, en 2022, il avance avec la retenue de ceux qui savent que le moindre mot peut réveiller un passé encombrant et anéantir un patient travail de réhabilitation. À 53 ans, Charles Blé Goudé, qui n’a jamais renoncé à ses ambitions politiques et se rêve en président rassembleur et fréquentable après plus d’une décennie d’exil et de prison, a tenu à féliciter 

publiquement Alassane Ouattara pour sa réélection, lors d’un bureau politique extraordinaire de son parti, le Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep), dimanche 9 novembre. Un geste symbolique, inimaginable il y a encore quelques années. Le dernier acte de la mue entreprise par l’ancien «< général de la rue >> – surnom dont il déteste être affublé aujourd’hui –, désormais en quête de respectabilité. 

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Charles Blé Goudé, définitivement acquitté en 2021 par la Cour pénale internationale (CPI) des charges de crimes contre l’humanité pour lesquelles il était poursuivi, mais toujours sous le coup d’une condamnation à 20 ans de prison et à 10 ans d’inéligibilité prononcée en 2019 par la justice ivoirienne, aura traversé cette élection présidentielle en personnage secondaire après le rejet de son recours pour contester sa radiation de la liste électorale. Contrairement à Tidjane Thiam et à son ancien mentor Laurent Gbagbo, eux aussi inéligibles, qui feront le choix d’une stratégie jusqu’au–boutiste, l’ancien tribun optera, lui, pour le soutien à la candidature de sa <«<maman >> Simone Ehivet Gbagbo, avec qui il partage une volonté farouche de tenir le passé à distance. 

Une vingtaine de candidats aux législatives 

<<< Je ne vais pas brûler la Côte d’Ivoire pour une candidature », expliquait–il alors pour justifier sa décision. Fini les slogans rageurs et les appels à la violence, Charles Blé Goudé se présente désormais en homme politique responsable, prêcheur de paix et adepte des appels à la réconciliation et à l’apaisement. Jusqu’à participer avec l’ancienne première dame à une rencontre, en juillet dernier, avec plusieurs représentants du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir) pour réclamer l’ouverture d’un dialogue politique. 

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Et si Simone Ehivet Gbagbo n’a finalement obtenu que 2,42% des voix exprimées lors du scrutin présidentiel, pas question de considérer ce score comme un échec. << Nous assumons pleinement, avec notre candidate, les résultats de l’élection. Pour certains, il s’agit d’un échec. Pourtant non, ce n’est qu’une victoire reportée », a lancé l’ancien leader radical des Jeunes patriotes face aux cadres de son parti. << La vraie bataille ne se gagne pas par la force et les armes, mais pas les urnes », assure–t–il aujourd’hui. 

Le Cojep participera ainsi aux élections législatives du 27 décembre prochain. Selon nos informations, une vingtaine de candidats seront présentés – sur 205 circonscriptions –, avec l’espoir de parvenir à constituer un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. << Cela participe à la construction de son parti et à celle de son avenir politique », affirme l’un de ses interlocuteurs réguliers. 

<< La vérité sera exhumée des décombres >> 

Mais sera–t–il capable de séduire au–delà du noyau dur de ses partisans? Sa tentative de nouveau départ suscite des réactions contrastées. Chez certains, le retour en politique de celui qui fût l’icône de la rue ravive une passion intacte. Pour d’autres, il reste associé aux heures les plus sombres de la Côte d’Ivoire, à des années de violence et de radicalité. Charles Blé Goudé en a bien conscience. Il sait aussi que ses anciens alliés sont certainement aujourd’hui ses plus farouches adversaires. 

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Sans les nommer, il a dénoncé, dimanche 9 novembre, le comportement de ceux qui l’ont «< insulté, caricaturé, vilipendé, diabolisé » et «< présenté comme l’ennemi public à abattre, le traître » pour ses prises de position en faveur de << la raison et de la retenue » avant l’élection présidentielle. <«<Le jour viendra où la vérité sera exhumée des décombres où l’on tente vainement de l’ensevelir. Ce jour–là, l’histoire m’acquittera, comme la CPI n’a pas eu d’autres choix que de m’acquitter», a–t–il assuré à l’issue de ce conseil politique extraordinaire de son parti. 

Si la rupture est bel et bien consommée avec Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, un rapprochement avec Ahoua Don Mello, candidat malheureux à la présidentielle, afin de constituer ensemble un grand parti de la gauche ivoirienne est souvent, et depuis longtemps, évoqué en coulisses. Les discussions, qui incluent Simone Ehivet Gbagbo, pourraient reprendre après les législatives. 

JA