Alerte publiée le 11/10/25 à 21 h 50 – Après la mutinerie d’une partie de l’armée dans l’après- midi du 11 octobre, le président malgache s’est retranché avec sa garde rapprochée dans un bâtiment sécurisé d’Antananarivo. Il tente d’y organiser la riposte appuyée par les militaires qui lui sont restés fidèles.
Des militaires des forces armées malgaches rejoignent les manifestants qui appellent à la démission d’Andry Rajoelina, à Antananarivo, le 11 octobre 2025.
En cette fin de matinée du 11 octobre, la rumeur d’une mutinerie de militaires se répand dans les couloirs du palais d’Iavoloha, pour arriver jusqu’aux oreilles d’Andry Rajoelina. Immédiatement, le président malgache décide de se retrancher dans un bâtiment sécurisé d’Antananarivo. Là–bas, il organise une réunion de crise avec l’ensemble de sa garde rapprochée afin de suivre l’évolution de la situation en temps réel. Contrairement aux informations diffusées tout au long de la journée par plusieurs titres de presse, le chef de l’État malgache n’a pas quitté la capitale. Simplement, le lieu où il s’est installé demeure méticuleusement tenu secret par son entourage.
Pour l’heure, ses plus proches soutiens militaires, dont le chef d’état–major de l’armée de terre, le général Jocelyn Rakotoson, et son aide de camp, lui sont restés fidèles. Andry Rajoelina a également maintenu sa confiance au premier ministre, le général Ruphin Fortunat Zafisambo, nommé quatre jours auparavant.
Tout au long de la journée, le chef de l’État a conduit une série de consultations afin d’évaluer la progression des putschistes et les rapports de force sur le terrain. Jusqu’en fin d’après–midi, le président espérait encore pouvoir reprendre la main, soutenu par les unités restées loyales. Dans la soirée, le chef du gouvernement assurait à la télévision publique continuer à mener des « négociations« , notamment avec les Églises, sans toutefois mentionner le président.
Fronde des officiers
Dans la matinée, un premier rapport avait été remis à Andry Rajoelina sur le profil des officiers impliqués dans la tentative de coup d’État. Dans la vidéo diffusée par les militaires appelant leurs camarades à
l’insurrection depuis les locaux du Corps d’administration des personnels et services de l’armée de terre (Capsat), la carrure imposante du colonel Michaël Randrianirina n’est pas passée inaperçue auprès de l’entourage du président. Ancien commandant du bataillon d’infanterie de Tuléar (Sud- Ouest), Michaël Randrianirina avait été écarté de
l’institution militaire à l’été 2024, sur fond d’accusations de coup d’État (AI du 26/09/24). Le colonel Lucien
Rabearimanana a lui aussi été vu dans la vidéo.
Parmi les militaires qui ont mené le cortège jusqu’à la place du 13–Mai, en centre–ville d’Antananarivo, le général de gendarmerie Lylison René de Rolland, ancien sénateur, actuel gouverneur de la région Sofia (Nord) et figure du coup d’Etat militaire qui avait mis au pouvoir Andry Rajoelina en 2009, a été aperçu. À la période où la Haute autorité de transition (HAT, gouvernement putschiste non reconnu par la communauté internationale sous la houlette d’Andry Rajoelina) dirigeait le pays, il était codirecteur de
la Force d’intervention spéciale (FIS). Celle–ci occupait les premiers rôles dans les opérations qui visaient à contrer les voix critiques à l’égard d’Andry Rajoelina.
Mais cet ancien proche du chef de l’État a progressivement estimé que son investissement envers ce dernier n’avait pas été assez récompensé, ses ambitions de devenir ministre de la gendarmerie ayant toujours été déçues. Pendant l’élection présidentielle de 2023, le général s’était d’ailleurs rapproché de la plateforme de « médiation nationale« , dirigée par Christine Razanamahasoa, ancienne présidente de l’Assemblée nationale.
Si Andry Rajoelina tente par tous les moyens de contenir la contagion au sein de l’armée, il s’agace de l’attitude du tout–puissant homme
d’affaires Maminiaina Ravatomanga, dit « Mamy« . La relation, déjà très tendue, entre le président et son ancienne éminence grise est devenue glaciale : ils ne s’adressent plus la parole, et le président malgache ne ménage plus ses critiques à l’encontre de Mamy. De son côté, ce dernier a particulièrement mal vécu la dissolution du gouvernement, annoncée sans qu’il en soit informé. Pris de court, il a vu plusieurs de ses proches écartés du nouvel exécutif et n’a pas caché son irritation face à cette décision du chef de l’Etat.
Canaux de discussions avec la « Gen Z »
Depuis quarante–huit heures, plusieurs émissaires de la présidence sont entrés en contact avec des cadres du
mouvement de la Gen Z (génération Z). Outre ses conseillers militaires, Andry Rajoelina s’est enfermé avec sa nouvelle directrice de cabinet, Lova Rinel Rajaoarinelina, nommée le 7 octobre, comme l’a révélé Africa Intelligence (AI du 06/10/25). Très active au sein des réseaux de la diaspora malgache en France, cette dernière est notamment chargée d’assurer le lien avec une partie des jeunes figures de la contestation issue du collectif Gen Z. C’est elle qui avait, entre autres, mis sur pied le grand débat du 8 octobre entre le chef de l’Etat et plusieurs personnalités de la société civile soigneusement sélectionnées.
Andry Rajoelina tente toujours de dissocier l’agenda des putschistes de celui de la Gen Z. Il a adressé plusieurs messages aux cadres du mouvement, dénonçant les ambitions des officiers à la manoeuvre, qualifiés de « corrompus« . Le président essaie aussi de convaincre les cadres de la Gen Z que les mutins « poursuivent un
projet très éloigné » du leur. Le dirigeant malgache, qui pensait avoir obtenu des garanties de la part de plusieurs leaders de la jeunesse contestataire, s’est agacé de ce rapprochement de fait entre les deux fronts. Il avait réussi à rallier à sa cause au moins trois de leurs représentants, dont l’un devait rejoindre son cabinet comme conseiller technique chargé du suivi des réformes promises.
Si l’entourage d’Andry Rajoelina s’efforce de minimiser la situation, l’inquiétude est palpable. Plusieurs membres de son premier cercle reconnaissent, en privé, redouter un scénario de reddition du président face à la pression conjuguée des militaires et du mouvement de contestation de la Gen Z.
Jean Moliere . Source :AI
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