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Wagner contre Castel : en Centrafrique, les Russes déclenchent la guerre de la bière

Mocaf. Objectif des Russes : s’imposer sur le marché des spiritueux.

Le tract a fait tout récemment son apparition à Bangui, avant d’être repris sur les réseaux sociaux et relayé dans les groupes de discussionconcernant la Centrafrique via WhatsApp ou Facebook. Sur une simple feuille, un court slogan est écrit en lettres capitales : “À chaque achat de Castel, tu !nances la guerre et tu te tues.” Puis, plus bas, pour marteler le message, un autre est encore plus limpide : “Castel =
terrorisme.”

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Trois petites vignettes dessinées illustrent le propos, représentant un Centrafricain achetant une bouteille de bière Castel à un Blanc. Cet individu, de toute évidence un Français, distribue ensuite de l’argent liquide à des rebelles portant un habit de l’Unité pour la paix enCentrafrique (UPC), groupe armé d’Ali Darassa. Ces derniers pointent alors des kalachnikovs sur d’innocents Centrafricains consommateurs de Castel. La boucle est donc bouclée.

Qui se cache derrière ce petit tract de propagande ? Selon nos informations, sa production a été lancée à Bangui par les hommes de Vitali Per!lev, le patron de Wagner en terre centrafricaine. Le groupe de mercenariat russe – dont l’emprise dans le pays n’a jamais été aussi forte –y dispose d’une cellule chargée des opérations de propagande, lancée voici plusieurs années par le francophone et spécialiste encommunication Dmitri Sytyi.
Celle-ci n’a pas ciblé au hasard l’UPC comme complice présumée de Castel. En effet, le groupe est accusé d’avoir passé des accords avec Ali Darassa a!n de sécuriser les sites d’une de ses !liales, la Sucaf. La société sucrière centrafricaine aurait ainsi versé, selon une enquête de l’ONG The Sentry, plusieurs dizaines de milliers d’euros à l’UPC en échange de la garantie que ses activités se poursuivront dans une zone  contrôlée par le groupe armé.
Propagande et tonnes de malt
Pourquoi Wagner et ses relais centrafricains s’attaquent-ils au puissant Castel, implanté de longue date sur le continent africain ? Outre le fait que celui-ci soit français, les hommes d’Evgueni Prigojine poursuivent une visée plus commerciale. Ils vendent en effet depuis peu à Bangui  leur propre bière, en bouteilles d’un litre. Baptisée Africa Ti L’Or, celle-ci est produite dans leur brasserie, située dans le quatrième arrondissement de la capitale centrafricaine.
Cette usine de production, située sur un terrain cédé par l’État, abrite notamment les services de la Fisrt Industrial Company (FIC), enregistrée. au nom de Dmitri Sytyi et qui se charge de commander les fournitures nécessaires à ses activités via le port camerounais de Douala. Comme l’a récemment révélé Jeune Afrique, l’entreprise s’est fait livrer en avril 2022 quelque quarante tonnes de malt d’orge, pour un peu plus de  30 000 dollars, ainsi qu’un système de !ltration.
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La FIC – qui produit aussi des dérivés de whisky et de vodka – a également lancé une campagne de promotion de ses produits. Juchées sur des petits tricycles motorisés, ses équipes sillonnent Bangui a!n d’élargir sa distribution dans les bars et restaurants locaux. Un minibus a également été utilisé dans la capitale pour offrir des séances de dégustation. Su$sant pour bouter hors de Centrafrique Castel et sa célèbre Mocaf ?
En réponse au slogan « Castel = terrorisme », un autre tract faisant part de l’ »incompréhension totale » du personnel de la brasserie Mocaf s’est mis à circuler sur les réseaux sociaux. Dénonçant une « manipulation », le texte rappelle que le groupe français représente une industrie  « qui entretient plus de 300 emplois directs et des milliers d’emplois indirects » en Centrafrique. Entre pro-Français et pro-Russes, la guerre de la bière est déclarée.

Mathieu OLIVIER ·

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