Madame la ministre,
Mesdames, Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités,
Merci d’être présents pour cette conférence de clôture de ce sommet de l’OTAN. Et je voulais d’abord commencer ici en remerciant le Président NAUSEDA et les autorités lituaniennes pour leur accueil. Je mesure le chemin que la Lituanie a parcouru depuis qu’elle s’est débarrassée du joug soviétique pour rejoindre l’Alliance atlantique et l’Union européenne. Et je sais combien ce sommet signifie, pour nos partenaires lituaniens, mais aussi les Baltes et plus largement l’ensemble de nos partenaires de la région. Donc en remerciant le Président, je tiens à remercier aussi l’ensemble de la population qui nous a accueillis durant ces deux jours et féliciter le secrétaire général Jens STOLTENBERG pour sa reconduction et avoir accepté d’œuvrer encore plusieurs mois dans ce contexte un peu particulier à la tête de notre alliance.
Ce sommet de l’Alliance atlantique a été celui de l’unité, de la détermination et de l’efficacité, et je m’en félicite. L’unité d’abord. 500 jours après le début de la guerre en Ukraine, les Alliés ont montré leur unité face aux menées de la Russie. Ils ont non seulement réaffirmé leur plein soutien à l’Ukraine, mais dit aussi qu’ils agiront ensemble pour que la guerre cesse et que la paix et la stabilité soient rétablies sur notre continent. Et dans ce moment de grande incertitude, il fallait envoyer un signal clair à la Russie : qu’elle ne divisera ni n’épuisera les partenaires européens et les Alliés. Il fallait lui dire qu’elle ne pourrait pas à nouveau kidnapper cet Occident, cher à Milan Kundera, auquel je veux aujourd’hui rendre hommage. Il fallait lui dire aussi que l’aspiration de l’Ukraine à rejoindre l’Alliance sera respectée. C’est chose faite. La voie la plus directe a été ouverte à l’Ukraine, qui est désormais dispensée du plan d’action pour l’adhésion et sera des nôtres dès que les conditions le permettront.
L’unité, c’est aussi notre capacité à agir partout où les tensions et les crises peuvent diviser les Alliés. Nous avons ainsi renouvelé notre engagement pour la stabilité dans les Balkans occidentaux. J’ai pu m’entretenir avec les dirigeants de la région présents ici pour trouver les moyens d’une désescalade entre la Serbie et le Kosovo, ainsi qu’en Bosnie Herzégovine. J’ai dit par ailleurs au président Erdogan également ma satisfaction qu’il dise vouloir une relation apaisée avec l’Union européenne et le retour au calme en Méditerranée orientale. Nous resterons en contact sur chacun de ces points.
L’unité, c’est enfin une alliance élargie à la Finlande et qui s’apprête à accueillir la Suède. Je souhaite que la Turquie donne rapidement suite à l’engagement pris par le président Erdogan de ratifier son adhésion. Cet élargissement de l’OTAN à deux membres de l’Union européenne est la preuve la plus évidente de la défaite stratégique à laquelle les décisions du président POUTINE acculent désormais la Russie. Il consolide aussi la sécurité collective des Alliés et nous offre de nouvelles ressources de coopération et d’action.
Après l’unité, c’est la détermination qui a présidé à nos débats et nos décisions. Cette détermination, c’est celle des Alliés à assurer d’abord leur sécurité collective. L’article 5 produit tous ses effets. Il tient la Russie en respect, tant au plan conventionnel qu’au plan nucléaire, qui reste une dimension essentielle. Il permet l’action des nations et de l’Union européenne qui arment efficacement l’Ukraine depuis un an et demi. Lors de ce sommet, nous avons réaffirmé la posture décidée à Madrid, qui est à la fois robuste et flexible, et adopté nos plans de défense. Nous avons avancé vers la réforme de l’architecture de commandement et avons validé de nouvelles initiatives comme celles des États baltes sur la défense aérienne, à laquelle la France contribuera et qui s’inscrit en parfaite intelligence avec le sommet que nous avons tenu il y a quelques jours à Paris avec plusieurs ministres de la Défense européens.
La France, en pointe depuis les tout premiers jours du conflit, contribue de manière décisive à la protection du flanc est de notre alliance avec plus de 1 000 hommes en Roumanie, 300 en Estonie et une participation à la police du ciel, avec en particulier des opérations qui dans quelques mois reprendrons en Lituanie.
Les Alliés montrent la même détermination à soutenir l’Ukraine. Nous sommes en effet collectivement au rendez-vous. L’OTAN ne joue aucun rôle en tant que tel dans l’armement de l’Ukraine, mais l’interopérabilité qu’elle permet est décisive. Et il est crucial que les Alliés, eux, continuent chacun de faire le maximum pour soutenir l’Ukraine de manière concrète. C’est exactement ce que nous faisons, et avec notre soutien, l’Ukraine a fait reculer les forces russes à plusieurs reprises à Kiev, Kharkiv, Kherson et elle progresse. Les États-Unis ont joué un rôle évidemment majeur, et je les en remercie. L’Union européenne et ses membres prennent aussi toute leur part du fardeau et de l’engagement, et ont fourni près de 14 milliards d’euros d’aides militaires à l’Ukraine et assument l’essentiel du soutien budgétaire qui lui est apporté.
Cette crise, on le voit chaque jour, est un moment Alliés, si je puis dire, et un moment européen à la fois. Jamais l’Europe n’avait autant dépensé pour sa défense, autant sollicité son industrie souveraine, autant délié les règles qui pouvaient limiter son action. Mais il faut faire plus et c’est maintenant qu’il faut le faire dans le cadre de la contre-offensive lancée par l’Ukraine. La France a déjà beaucoup contribué, que ce soit par les canons CAESAR, les blindés, les munitions, le SAM/PT déployé avec l’Italie. Nous avons aussi été les premiers à décider de fournir des chars occidentaux à l’Ukraine avec les AMX-10RC. J’ai décidé d’aller plus loin et de livrer à l’Ukraine des missiles de croisière SCALP qui leur donneront une capacité de frappe dans la profondeur et ainsi un avantage décisif dans la phase qui s’ouvre en permettant à l’Ukraine d’atteindre les infrastructures militaires clés de l’adversaire sur le territoire ukrainien.
Ce que nous devons montrer collectivement, c’est que le temps joue désormais en faveur de l’Ukraine. D’abord, parce que la Russie a montré ses premiers signes de division et la position prise par plusieurs mercenaires de faction bien connue, et qui commettent le pire du Caucase jusqu’au continent africain, ont montré la faiblesse du pouvoir russe ces dernières semaines. Mais surtout parce qu’au-delà des efforts déjà faits et que nous renforçons, nous offrons aujourd’hui un signe clair de pérennité de notre soutien à l’Ukraine, et je pense que c’est un point extrêmement important. La Russie est fragile militairement et politiquement, plus que d’aucuns ne le disaient, et notre soutien à l’Ukraine est durable, plus que d’aucuns ne le pensait. En effet, il nous faut, au-delà des efforts faits à court terme, continuer de fournir les moyens l’été, l’hiver et aussi longtemps que ce sera nécessaire et que cette agression durera. C’est exactement le sens des engagements de sécurité que les partenaires du G7 ont pris à l’égard de l’Ukraine. Tous les Alliés peuvent naturellement s’y joindre. Certains d’ailleurs, durant la session de cet après-midi, ont confirmé d’ores et déjà et dès aujourd’hui, leur volonté de se joindre à cet engagement qui donc marque un effort collectif dans la durée à l’égard de l’Ukraine, de son armée et de son peuple.
Au-delà de l’unité et de la détermination, c’est enfin l’efficacité qui a présidé à nos travaux, la cohérence politique et le partage des responsabilités militaires. Vous savez que j’ai parfois jugé sévèrement la performance collective de l’alliance et la difficulté qu’elle avait à s’adapter aux conditions d’aujourd’hui. L’agression de la Russie contre l’Ukraine a provoqué un réveil stratégique des Alliés. L’augmentation de leurs budgets militaires, le renforcement de leur posture, le lancement de programmes d’équipement ambitieux en témoignent. Sur chacun de ces sujets, la France a été cohérente et a montré l’exemple avec une loi de programmation militaire dont les travaux stratégiques ont été entamés dès 2017 et qui a permis dès 2019 d’accroître très fortement notre budget, puis celle que le Parlement vient de voter et qui permettra sur la période 2024-2030 de poursuivre cet effort. Ces deux lois de programmation militaire marqueront un doublement du budget de nos armées. Nous n’avons pas attendu le début de la guerre, mais nous confortons et confirmons cet effort. Notre engagement en Estonie, en Roumanie, comme je l’évoquais à l’instant, en est d’ailleurs la meilleure preuve.
Je suis heureux aussi que les Alliés soutiennent désormais le principe que l’Union européenne et ses membres assument ensemble de plus grandes responsabilités pour la sécurité du continent, en parfaite cohérence avec leurs engagements au sein de l’Alliance. Et vous le savez, lorsque la France a beaucoup poussé pour une plus grande autonomie stratégique de l’Europe et pour renforcer une Europe de la défense, nous avons beaucoup défendu la complémentarité de cette approche avec celle de l’OTAN. Je crois que ce débat est aujourd’hui derrière nous et que nous avons collectivement démontré la complémentarité de ces deux approches et sa nécessité pour mieux partager le fardeau, mais aussi assurer une plus grande part de notre propre sécurité et des questions de voisinage ; qu’il était nécessaire de conjuguer les deux. C’est parfaitement cohérent aussi avec l’agenda de Versailles que nous avons défini sous présidence française en mars 2022.
Enfin, chacun voit bien que les Alliés doivent composer aujourd’hui avec des menaces multiformes qui ne relèvent pas strictement du registre militaire, ainsi des défis liés à l’intelligence artificielle comme des risques cyber ou des menaces globales liées au comportement menaçant d’acteurs étatiques ou non-étatiques. Dans ce contexte, les Alliés doivent pouvoir compter sur des partenaires fiables qui partagent leurs engagements pour la paix et la sécurité et consolident justement celles-ci. Il était donc bienvenu que non seulement l’Union européenne, mais aussi l’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande et la Corée soient invités à ce sommet. J’ai pu d’ailleurs m’entretenir durant ces deux jours avec plusieurs des dirigeants concernés et j’ai eu l’occasion de dire au Conseil de l’Atlantique Nord que nous devons aussi être attentifs à la sécurité des pays les plus vulnérables et agir pour que les crises multiples, sanitaires, sécuritaires, économiques et sociales qu’ils ont vécues ces dernières années ne deviennent pas bientôt de nouvelles crises globales.
À cet égard, au-delà des messages de soutien, au-delà des décisions très claires que nous avons prises, s’agissant de l’Ukraine comme de notre propre sécurité que je viens de rappeler, il a été constamment rappelé dans nos débats, en particulier dans les sessions de ce matin comme de cet après-midi, la nécessité également d’engager avec les grands acteurs émergents et les pays en développement de tous les continents pour justement montrer d’abord qu’au travers de ce conflit, nous défendons la Charte des Nations unies et notre stabilité internationale, mais qu’en aucun cas il n’y a chez nous la volonté d’un double standard mais une détermination à régler les grandes crises internationales. Je crois que la France l’a démontré en accueillant il y a quelques semaines ce Sommet pour le Nouveau Pacte financier mondial dont la vocation était de penser avec ces pays de nouvelles règles financières pour permettre de régler la question tout à la fois du climat et de la lutte contre la pauvreté, dans le contexte que je viens de décrire. Et c’est important géopolitiquement pour éviter une partition du monde qui en quelque sorte nous renverrait à nos conflits de voisinage et considérerait que ceux-ci ne sont pas l’affaire de tous. Là aussi, nous menons un agenda je crois cohérent qui montre que la France essaie de régler ces problèmes en même temps car ils sont bien souvent liés. Je ne serai pas plus long, je vais maintenant répondre à vos questions.
JM avec AFP