En République démocratique du Congo (RDC), le M23 et les soldats rwandais ont poursuivi leur avancée dans le Sud-Kivu. Après une journée de flottement, d’après un porte-parole de l’armée congolaise, ils sont désormais à Bukavu, la capitale de la province, mais la situation reste confuse.
Ce dimanche matin, la situation à Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, reste floue et inquiétante. La veille, Emmanuel Macron et Félix Tshisekedi ont lancé un appel conjoint exigeant le retrait immédiat du M23 de la ville et de l’aéroport de Kavumu, après une escalade des tensions. Mais alors que les autorités congolaises assuraient que Bukavu était sous contrôle des FARDC et des Wazalendo, des images diffusées ce matin montrent des combattants identifiés comme appartenant au M23 se déployant dans plusieurs quartiers stratégiques. « Je ne sais même plus si l’armée congolaise peut vraiment gérer la situation, confie Sophie, une habitante de Bukavu. C’est le M23 qui semble avoir le dessus aujourd’hui. » « Les dirigeants ont demandé au M23 de se retirer, mais leur présence sur le terrain semble indiquer le contraire », explique Patrick, un habitant du quartier de Kadutu. « La situation est chaotique, c’est un coup dur pour nous tous », ajoute-t-il.
L’appel de Macron et Tshisekedi, visant à apaiser la situation et à forcer un retrait des forces rebelles, semble n’avoir pas eu d’impact jusqu’à présent. Le commandement du M23 restant inflexible face aux appels internationaux à se retirer. « Nous n’écouterons ni Macron ni aucune autre pression internationale », lancent les rebelles, accusés par les Nations unies de bénéficier du soutien militaire du Rwanda. « Nous ne sommes pas ses enfants, nous sommes chez nous. Ils veulent qu’on rentre où ? » Si la prise de Bukavu se confirme, il s’agirait de la plus grande avancée du M23 en RDC depuis le début de son insurrection, en 2022.
Sur le terrain, la situation devient intenable pour les habitants. « Nous n’avons pas d’autre choix que de rester chez nous », témoigne Jean-Michel, un résident du centre-ville, joint par téléphone.
Sur le plan humanitaire, la ville sombre dans le chaos. Toujours ce dimanche matin, alors que le M23 consolide son emprise, l’approvisionnement en produits essentiels devient un défi. « Toutes les boutiques sont fermées, les marchés n’ouvrent pas. J’ai un peu d’argent, mais je ne sais pas où acheter. Il faut que ma famille mange », confie un habitant au Point Afrique, arpentant les rues escarpées à la recherche de nourriture.
Avancée rapide du M23 sur Bukavu
Après avoir conquis Goma, capitale du Nord-Kivu fin janvier, l’AFC/M23 a poursuivi ces derniers jours son avancée rapide vers le sud, en direction de Bukavu. Vendredi 14 février, en début de journée, ses combattants ont d’abord pris le contrôle de l’aéroport de Kavumu, situé à environ 25 km de la capitale provinciale. Selon des témoins sur place, l’incursion s’est déroulée sans résistance apparente, sous le regard impuissant de la population. Plusieurs soldats de l’armée congolaise (FARDC) avaient déjà quitté leurs postes avant l’arrivée des assaillants.
Dans la matinée du samedi 15 février, des tirs ont été entendus dans plusieurs quartiers de la ville, bien que les circonstances exactes restent toujours floues. De nombreuses sources locales ont toutefois confirmé la présence des combattants de l’AFC/M23 à des points stratégiques de Bukavu, notamment dans le bureau du gouverneur et devant la mairie.
Depuis la veille, des scènes de pillage ont été signalées au marché de Kadutu. Des témoins affirment avoir aperçu, toujours ce samedi matin, des individus transportant des sacs de riz et d’autres marchandises volées dans des entrepôts situés à proximité de la brasserie locale.
À l’approche des rebelles, les forces congolaises ont abandonné leurs matériels de l’aéroport de Kavumu, y compris un avion, et l’aérogare a été fermée, selon deux employés de l’aéroport.
La communauté internationale augmente la pression
Corneille Nangaa, coordonnateur de l’Alliance Fleuve Congo, branche civile de la rébellion, a déclaré que les rebelles avaient atteint la ville dans la soirée et qu’ils poursuivraient leurs opérations ce samedi, avant que des informations contraires nous parviennent.
Face à cette intensification, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé au dialogue entre les parties belligérantes dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). « Il n’y a pas de solution militaire. L’impasse doit cesser, le dialogue doit commencer », a-t-il déclaré lors du sommet de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba, alors que les craintes d’une escalade régionale s’intensifient.
Le Rwanda, régulièrement accusé de soutenir le M23, dément toute implication. Son président, Paul Kagame, a affirmé sur Facebook que « le Rwanda n’a rien à voir avec les problèmes du Congo ». Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine s’est réuni à huis clos vendredi soir pour examiner la crise.
L’Union européenne (UE) a réagi samedi, indiquant envisager d’utiliser tous les moyens à sa disposition pour protéger la RDC. « Alarmée par les informations selon lesquelles les forces du M23, soutenues par le Rwanda, se sont emparées de l’aéroport de Kavumu et sont entrées dans Bukavu, ignorant les appels internationaux au cessez-le-feu, l’Union européenne examine en urgence toutes les options pour protéger la RDC », a déclaré sur le réseau social X Anouar El Anouni, porte-parole de l’UE pour les Affaires étrangères. Il a ajouté que « la violation continue de l’intégrité territoriale de la RDC ne restera pas sans réponse ».
À l’annonce de cette nouvelle avancée des rebelles, le président congolais Félix Tshisekedi, qui participait à la conférence de Munich sur la sécurité, a écourté son séjour et regagné Kinshasa dans la nuit de vendredi à samedi. Les dirigeants des blocs régionaux d’Afrique de l’Est et australe ont exhorté les parties à engager des négociations directes. Félix Tshisekedi a toutefois refusé à plusieurs reprises de s’entretenir avec le M23 et a annulé sa participation au sommet de l’UA, qui se tenait à Addis-Abeba.
