Ils sont les architectes invisibles de la campagne, ceux qui peaufinent slogans, visuels et sorties médiatiques. Et qui tirent, en coulisses, les ficelles de la communication politique ivoirienne.
Henriette Lagou, Jean–Louis Billon, Alassane Ouattara, Simone Ehivet Gbagbo; Ahoua don Mello. O MONTAGE JA: Facebook Henriette LAGOU Officiel ; Vincent Fournier pour JA; Issam Zejly pour JA; Facebook Simone Ehivet Gbagbo
La récente réunion organisée par la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (Haca), le 18 septembre, a permis de lever un coin du voile sur les communicants des candidats à la présidentielle du 25 octobre. En présence des représentants de ces derniers, venus pour fixer les modalités de passage sur la Radio télévision ivoirienne (RTI) – la première chaîne publique-, quelques visages sont passés de l’ombre à la lumière.
Parmi eux, Claude Sahi Soumahoro, qui représentait Alassane Ouattara, le chef de l’État, qui brigue un quatrième mandat. Ancien collaborateur d’Hamed Bakayoko, il est aujourd’hui chef de cabinet du président sortant et directeur central de campagne adjoint chargé de la communication. La véritable patronne de la communication de la campagne (et au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, le parti au pouvoir) reste Masséré Touré Koné, laquelle a l’oreille du président et supervise l’ensemble du dispositif, qui compte une trentaine de personnes.
Sawegnon toujours fidèle à Ouattara
Sans surprise, c’est Fabrice Sawegnon, fondateur et PDG de l’agence Voodoo, qui accompagne Alassane Ouattara. Cette année encore, il est chargé de toute la stratégie de la campagne. Avec ses équipes, il avait lancé en 2010 «<ADO Solutions », en 2015 « Avec ADO» et en 2020, « Une Côte d’Ivoire solidaire». Le slogan de 2025 n’a pas encore été dévoilé.
Du côté de Jean–Louis Billon, dissident du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), c’est Larissa Baïot qui était présente à la réunion du 18 septembre. Ancienne cheffe de projet au sein de l’agence Blue Lions pour le compte du patron de Sifca, elle a depuis créé sa propre structure, LB Consulting, basée à Abidjan. Elle travaille étroitement avec Philippe Arnaud N’Da, porte–parole du candidat. «Nous serons sur le terrain, dans les médias, sur les réseaux sociaux », s’enthousiasme celle qui mise sur «une campagne à 360° »>.
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La production de l’ex–ministre est, pour l’instant, confiée à Yves Roland Jay Jay, connu pour avoir été chargé de la communication de l’artiste DJ Arafat au sein de la
Yorogang. <<Nous travaillons avec une agence locale qui a un réseau de prestataires », explique Jean–Louis Billon, joint par Jeune Afrique, qui assure être satisfait d’une équipe << bien formée, solidaire, compétitive, expérimentée et bien équipée sur tous les aspects >>.
Des équipes jeunes
Chez Simone Ehivet Gbagbo, l’ancienne première dame,
la communication est, pour l’heure, dirigée par son directeur de campagne, Dominique Traoré, premier vice- président du Mouvement des générations capables (MGC) et porte–parole du parti. Il est épaulé par Frida Kahiba Gouéli, sous–directrice de la communication au ministère de l’Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique, dirigé par Jacques Assahoré Konan. Elle a été candidate indépendante malheureuse aux élections municipales de 2023, à
Toulepleu, face au journaliste Denis Kah Zion, du PDCI.
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Pour la patronne du MGC, «< la campagne électorale exigera la mobilisation de l’ensemble des électeurs, la présentation du programme de gouvernement ainsi que du projet de société aux populations, sans oublier la mise en place d’une organisation efficace assurant la présence du parti dans les 22 000 bureaux de vote >>. << C’est un défi de taille, mais nous sommes résolument déterminés à aller à la rencontre des électeurs, à sillonner le territoire national et à préparer activement le jour du scrutin », a–t- elle déclaré.
De son côté, Ahoua Don Mello, l’ex–vice–président du Parti des peuples africains–Côte d’Ivoire (PPA–CI), de Laurent Gbagbo, mise sur une équipe jeune, dirigée par son directeur de communication, Fernand Ahilé, dit Léo Côte d’Ivoire, et soutenue par Raphaël Kassi, à la tête du cabinet Image Réputation Influence (IRI Conseil). Ce dernier fut l’adjoint de Djénebou Zongo, laquelle a travaillé pour Henri Konan Bédié. Adjoua Henriette Lagou a, quant à elle, confié son image, sous la direction de Gervais Olivier Tokoré, à Media Lab
Group, fondé par Sié Kambou. Avant de créer sa propre entreprise, ce dernier a travaillé pour de nombreuses agences, dont Young & Rubicam (Panafcom), Mediatics et Continental Agence Régie et surtout pour la société de Martine Coffi–Studer, Ocean Ogilvy, au sein de son antenne gabonaise, de 2004 à 2014.
Bataille sur les réseaux sociaux
Mais derrière cette apparente transparence, les équipes rivalisent de subterfuges quand il s’agit de dévoiler leurs stratégies. << Ce sont des questions trop stratégiques >>, tranche Jean–Louis Billon quand on l’interroge sur son dispositif. Une réaction partagée par l’ensemble des camps, chacun gardant jalousement ses secrets de fabrication.
À l’agence Voodoo, la consigne est claire : <«<«Vois avec Fabio [le surnom qu’ils donnent à Fabrice Sawegnon] s’il te plaît !>> répondent en choeur les membres de l’équipe.
Même le patron reste sur ses gardes, refusant de nous répondre. «C’est ce lundi qu’on connaîtra l’organisation de l’équipe de communication de la campagne», confie–t-
on au RHDP. Seule l’équipe d’Ahoua Don Mello se montre plus loquace: «La campagne sera magique. Tout a été étudié et nous sommes prêts à tous les niveaux. Diagnostic, Émotion, Action, Solution», promet Fernand Ahilé, qui décrit un plan d’action axé sur «<l’incitation au vote >> face
aux appels au boycott de certains acteurs politiques. Un message également repris par Simone Ehivet Gbagbo qui appelle à << un renforcement de l’unité de l’opposition pour faire face aux enjeux cruciaux de cette élection présidentielle >>.
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Paul Ledjou, ancien de Voodoo et expert de la communication politique, résume l’enjeu : « On ne fait pas ce genre de campagne à la légère. Ce n’est pas juste
faire une photo et mettre un slogan. Il y a beaucoup, beaucoup de choses derrière.»>
Lors de la campagne, qui s’ouvrira officiellement le 10 octobre à minuit et se clôturera le 23 octobre, les candidats disposeront chacun de dix–huit << prêts à diffuser» (neuf pour la télé et neuf pour la radio), de quatre–vingt–dix minutes dans l’émission << Face aux électeurs » et de trois minutes de reportage par journal sur la RTI. Mais dans cette Côte d’Ivoire
<<< hyperconnectée », la bataille se jouera aussi sur les réseaux sociaux, dans les meetings et à travers ces milliers de microdécisions communicationnelles qui feront, peut- être, la différence.
Source :JA