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L’opposition ivoirienne aux  abonnés absents 

Lors de la dernière présidentielle, les leaders de l’opposition étaient vent debout contre la candidature d’Alassane Ouattara à un troisième mandat. Depuis, nombre de ses cadres se sont rangés derrière le chef de l’État, faisant de son parti, le RHDP, le grand favori des prochaines élections locales

C’est l’époque l’opposition ivoirienne bandait les muscles. Le 10 octobre 2020, sous un soleil de plomb, ses principaux leaders prennent la parole devant leurs partisans réunis sur la pelouse et dans les gradins du stade Félix- HouphouëtBoigny d’Abidjan. À trois semaines de l’élection présidentielle, ce « giga meeting >> mise en scène de leur unité contre la 

candidature d’Alassane Ouattara à un troisième mandat entend marquer les esprits

Les discours de Marcel AmonTanoh, d’Albert Mabri Toikeusse, de Pascal Affi N’Guessan, de 

Mamadou Koulibaly ou encore de l’ancien président Henri Konan Bédié sont volontairement très offensifs. Le mot 

<< dictature » claque à plusieurs reprises dans l’enceinte sportive. Les militants sont chauffés à blanc

LE PARTI PRÉSIDENTIEL A CERTES PERDU SES ALLIÉS SUR LE PAPIER, MAIS IL N’A JAMAIS ÉTÉ AUSSI FORT

Au lendemain de la réélection d’Alassane Ouattara (ADO) scrutin que finira pas boycotter l’opposition , l’annonce de la création d’un Conseil national de transition (CNT) précipite l’arrestation ou la fuite d’une partie de ces leaders. Deux ans et demi plus tard, à l’aube des élections locales (municipales et régionales) qui doivent avoir lieu en octobre et novembre 2023, que deviennentils ? Si l’on veut en trouver trace, il suffit simplement de regarder dans le camp adverse: celui de la majorité

Côte d’Ivoire: Laurent Gbagbo et le désenchantement d’un camp 

Monopole 

En janvier 2022, après avoir présenté ses excuses au président, Marcel AmonTanoh ancien ministre et compagnon de route d’ADO pendant trente ans était nommé au poste de secrétaire exécutif du Conseil de l’Entente, institution sousrégionale basée à Abidjan ; fonctions qu’il occupe toujours aujourd’hui

Albert Mabri Toikeusse et son Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI

ont eux aussi fait leur retour dans le giron présidentiel, tandis que Pascal Affi N’Guessan annoncé lors de ses voeux de futures alliances électorales avec le parti au pouvoir «< à l’occasion des consultations électorales de 2023 et de la présidentielle de 2025 dans la dynamique d’une gestion conjointe de l’État >>

En Côte d’Ivoire, à quoi peut prétendre Simone Gbagbo

Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié craquelle quant à lui sous le poids des défections en faveur du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Dernier ralliement en date et non des moindres-

celui de l’ancien directeur de cabinet d’Henri Konan Bédié, Narcisse N’Dri, qui devrait figurer sur la liste RHDP dans la région du Bélier

Restent Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, rentrés en Côte d’Ivoire. Mais, tandis que le 

premier est occupé à bâtir son nouveau parti, le Parti des peuples AfricainsCôte d’Ivoire (PPACI), le second dit vouloir d’abord œuvrer pour la réconciliation

LE PERSONNEL POLITIQUE SÈCHE SES HABITS LE SOLEIL BRILLE

<< Le parti présidentiel, qui s’est renforcé lors de la constitution du RHDP en nouant une alliance avec le PDCI, a certes perdu ses alliés sur le papier, mais il n’a jamais été aussi fort »>, constate le chercheur et sociologue ivoirien Fahiraman Rodrigue Koné

Participer au pouvoir politique 

<< Le PDCI est dans l’opposition depuis vingtcinq ans. Certains cadres du parti ne comptent pas sur une alternance lors de la présidentielle de 2025 et ont envie d’avoir une place du côté du pouvoir. Par ailleurs, des élus locaux savent qu’ils s’assurent de conserver leur mandat s’ils reçoivent le soutien du RHDP. Il ne faut pas négliger des raisons plus prosaïques d’ordre financier »>, avance l’historien JeanNoël Loucoumembre du PDCI

<< Il faut avoir un élément essentiel en tête : le jeu politique ivoirien se détermine par la capacité d’un parti à pouvoir nourrir un réseau de clientèle, et pour cela il faut avoir le pouvoir

Pour emprunter une terminologie très connue en Côte d’Ivoire, on sait que le personnel politique sèche ses habits le soleil brille »analyse Fahiraman Rodrigue Koné

L’OPPOSITION N’EST PAS AUDIBLE

Pour JeanNoël Loucou, ancien directeur de cabinet d’Henri Konan Bédié à la présidence, ces départs en cascade depuis 2018 et l’éclatement de la coalition RHDP doivent être relativisés

Cela rappelle certains épisodes retentissants, comme le départ de Laurent Dona Fologo dans les années 2000 ou celui de Daniel Kablan Duncan à la fin des années 2010, << Le PDCI 

résiste », assuretil. JeanNoël Loucou se montre beaucoup plus alarmiste au sujet de l’absence de débats publics et de l’incapacité de l’opposition à porter des propositions. «< L’opposition ivoirienne est en pleine reconstruction. Elle est plus préoccupée par cette tâche que par celle d’être une force de proposition. Résultat, elle n’est pas audible. >> 

<<< Crise de démocratie » 

Vie chère, éducation, logementsLe PPACI organise régulièrement des points presse pour commenter des sujets d’actualité. Mais avec quel écho ? Le parti de Laurent Gbagbo et ses partenaires de l’opposition ont récemment brouillé les pistes en apportant leurs votes à la candidature du RHDP Adama Bictogo à l’Assemblée nationale. Justin Koné Katinan, porteparole du PPACI, avance dans ce cas précis << un jeu d’intérêt circonstanciel >>

AU PPACI, NOUS NOUS BATTONS POUR LA CONQUÊTE DU POUVOIR

<< Ce n’est pas pour cela que l’opposition a cessé d’exister. Au PPACI, nous restons attachés à notre statut d’opposant. Nous nous battons pour la conquête du pouvoir », assuretil. Sa formation ne cédera pas aux sirènes du parti au pouvoir, qui << domine tout et achète tout, y compris les consciences », ditil. Son analyse est claire « La situation de l’opposition est symptomatique d’une crise de la démocratie en Côte d’Ivoire ». Loin de partager cet avis, Pascal Affi N’Guessan estime que l’opposition ivoirienne << continue d’errer »

<< C’est un acteur en léthargie qui ne s’est pas remis du contrecoup de la crise postélectorale de 2010. L’opposition n’a pas su se réinventer après cette crise et s’est progressivement fragilisée. Les facteurs sont multiples. Les partis ne sont pas enracinés autour d’une doctrine politique solide », constate Fahiraman Rodrigue Koné, qui pointe l’absence de renouvellement générationnel mais aussi << l’héritage du logiciel de parti unique laissé par HouphouëtBoigny »>, dont la conséquence a été la naissance de << partis uniques en miniature >>

Un diplomate en poste à Abidjan s’interroge << Estce que le RHDP a besoin de tous ces ralliements? Il est déjà assez puissant. Qu’estce que ces ralliements lui apportent ? Il n’est menacé par personne, même en cas d’alliance de ces opposants >>

JA

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