Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a publié, dimanche, une circulaire ordonnant aux préfets de durcir les conditions d’accès à la naturalisation.
« L’acquisition de la nationalité est déjà excessivement compliquée contrairement à ce que l’on veut bien dire (…) entre le moment où les personnes déposent une demande et où il y a une réponse de la Préfecture donc la réalité, c’est que c’est déjà très compliqué », alerte Claire Hédon, la Défenseure des droits, mardi 6 mai sur franceinfo. « Entre le moment où les personnes déposent une demande et où il y a une réponse de la préfecture il peut s’écouler plusieurs années, donc la réalité, c’est que c’est déjà très compliqué », insiste-t-elle.
Mais ce qui inquiète le plus la Défenseure des droits, c’est l’accumulation des réclamations qu’elle reçoit depuis quelques mois sur la question des renouvellements de titres de séjour : « On parle là de personnes parfaitement intégrées, qui ne posent aucun problème, qui sont là depuis plusieurs années en France, qui ont un emploi et qui sont mises en situation irrégulière par l’administration. »
Elle assure ne pas pointer du doigt les préfets et les préfectures « qui sont eux-mêmes mis à mal », en revanche, elle « critique le système informatique qui permet de demander un certain nombre de titres de séjour et de renouvellement de titres et qui bugge ». Claire Hédon affirme passer son temps « à alerter » : « Nous avons fait un rapport et des recommandations très précises pour régler ce problème. »
Le ministre de l’Intérieur a publié, dimanche 4 mai, une nouvelle circulaire demandant aux préfets de durcir les conditions d’accès à la nationalité française. Ce texte de Bruno Retailleau insiste sur le renforcement du niveau de maîtrise du français, l’adhésion aux valeurs de la République, une insertion professionnelle sur cinq ans et des ressources stables hors prestations sociales.
Durcir les conditions de naturalisation comme le veut Bruno Retailleau, une concession de plus à l’angoisse identitaire ?
Bruno Retailleau a envoyé lundi une circulaire aux préfets pour restreindre les conditions de naturalisation des étrangers. Un nouveau tour de vis qui veut marquer le fait que « devenir français, ça se mérite ».
Qu’on se le dise, le ministre de l’Intérieur est « très exigeant » : « devenir français, ça se mérite », ça exige un « sentiment d’appartenance », a répété Bruno Retailleau, lundi 5 mai. Il a insisté sur trois conditions pour être naturalisé : le respect des lois, la connaissance de la langue et le fait de disposer de ressources suffisantes pour ne pas dépendre seulement des aides sociales. Le ministre de l’Intérieur est formel : sa circulaire est « une rupture ».
Mais sur le fond, cette circulaire ne va rien changer, ou presque rien. Un examen de français un petit peu plus dur, mais pas de « rupture ». Ces critères de naturalisation figuraient déjà dans les textes précédents. Ce qui change, c’est le ton. Musclé, martial. « La naturalisation est une décision souveraine du gouvernement », martèle, par exemple, Bruno Retailleau.
Un ministre déjà en campagne ?
En fait, ce n’est pas le ministre qui parle, c’est le candidat à la présidence du parti LR. Cette situation le met en butte à la surenchère permanente de Laurent Wauquiez. Le patron des députés LR rêve d’envoyer les étrangers sous OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon ? Hop ! Bruno Retailleau s’attaque aux naturalisations. Dans ce duel sans pitié, l’étranger est devenu un épouvantail, ou plutôt un appeau pour attirer les voix des militants LR.
Mais cette surenchère a des conséquences risquées. La droite valide ainsi, une fois de plus, le discours de l’extrême droite. Le RN cible régulièrement ceux qu’il appelle « les Français de papier », ceux qui seraient, à ses yeux, un peu moins français que les autres. Dans son programme, le parti lepéniste préconise même d’interdire certains emplois aux binationaux, ce qui en réalité est déjà le cas lorsqu’il y a des risques avérés d’ingérence étrangère.
De plus, la moyenne annuelle des naturalisations diminue depuis trente ans. Elle se situe désormais autour de 50 000 personnes par an, soit environ 0,05% de la population française. La naturalisation reste un outil d’intégration efficace, d’autant plus utile quand le solde naturel de notre démographie est désormais quasi nul. Enfin, refuser davantage encore la naturalisation de personnes en situation régulière sur notre territoire a un effet mécanique immédiat : cela augmente la proportion d’étrangers vivant en France. Ce qui n’est pas forcément l’objectif recherché par Bruno Retailleau.