À quelques jours du vote, l’opposition hors course multiplie les déclarations mais n’a toujours pas donné de consigne claire à ses militants qui hésitent à participer au scrutin, à s’abstenir ou à soutenir un autre candidat.
Alassane OUATTARA CANDIDAY RHDP
Alors que plus de 8,7 millions d’électeurs sont appelés aux urnes ce 25 octobre, la Côte d’Ivoire retient son souffle. Pour les trois poids lourds de l’opposition Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam et Pascal Affi N’Guessan écartés par le Conseil constitutionnel le 8 septembre, la question n’est plus de gagner mais de savoir comment se positionner. Appeler au boycott? Actif ou passif ? Donner une consigne de vote ? Le << Front commun» censé les unir multiplie les déclarations et les réunions sans vraiment trancher. << Il n’y aura pas d’élection le 25 octobre >>, clament–ils. Mais le compte à rebours tourne, et aucun mot d’ordre clair n’a encore été donné.
En attendant, des routes sont bloquées à Dabou, Issia, Guibéroua ou encore Yamoussoukro et des écoles ferment leurs portes, entre manifestations sporadiques et courses- poursuites avec les forces de l’ordre. La réponse policière s’intensifie puisque plus de 700 individus ont été arrêtés depuis le 11 octobre et 26 ont été condamnés à trois ans de prison ferme. Soumaïla Brédoumy, porte–parole du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), vitupère depuis Paris contre ce «< pouvoir policier » et assure que <<< la lutte va continuer ». Le souvenir traumatique de la crise post–électorale de 2010-2011 qui avait fait plus de 3 000 morts, pèse sur chaque déclaration de l’opposition et explique, en partie, pourquoi les leaders hésitent encore.
Le silence de Laurent Gbagbo
<<<Nous pouvons libérer la Côte d’Ivoire en sept jours. N’ayez pas peur!» a lancé Tidjane Thiam depuis Paris le 18 octobre, entouré de proches de Guillaume Soro. «À quoi fait–il allusion?» s’interroge un membre du bureau politique du PDCI. Ce n’est pas très malin, d’autant plus qu’il est en procès en Angleterre contre des ministres qui l’accusent d’avoir participé au CNT [Comité national de transition, créé lors du boycott de 2020]<«. Les militants sont eux aussi dans le flou. Certains voteront pour Jean- Louis Billon, seul candidat issu du PDCI encore en lice, tandis que d’autres attendent une consigne qui ne vient pas. Brédoumy écarte l’hypothèse d’un CNT bis et assure que tous << cherchent un dialogue »>.
A lire: a Côte d’Ivoire : la stratégie jusqu’au–boutiste de Thiam et Gbagbo peut–elle payer ?
Du côté du Parti des peuples africains–Côte d’Ivoire (PPA–CI), le silence de Laurent Gbagbo devient assourdissant. << Il va parler», répètent ses partisans. Mais l’ancien président laisse ses lieutenants en première ligne. Quand Damana Pickass, porte–parole du Front commun, dénonce la << répression sauvage » de la marche du
11 octobre, Me Habiba Touré, porte–parole du PPA–CI et de son président abonde: << Ce n’est plus une République, c’est une répression ». Des mots forts… mais aucune consigne électorale. Avec le risque qu’Ahoua Don Mello, ancien vice–président du parti, ne récupère des voix ? Ce qui est sûr, c’est que les mots «boycott actif » ou << désobéissance civile »>, utilisés en 2020, ne sont plus prononcés.
Pulchérie Gbalet en première ligne
C’est dans ce vide que Pulchérie Gbalet s’est engouffrée. Depuis un lieu secret, elle pilote le CCRC (Conseil de coordination de la résistance citoyenne) créé le 17 octobre, et orchestre son mouvement << Bloquons tout >>. << Restons dans les rues jusqu’au 25 octobre. À nos hommes, montrez–leur que vous êtes des garçons », exhorte–t–elle le 19 octobre. Chaque jour, elle dresse le bilan: routes barrées, incendies, écoles fermées. Selon elle, les autorités l’accusent de préparer un coup d’État << en complicité avec l’Alliance des États du Sahel »>. << Ils veulent arrêter mes proches et deux membres de ma famille », craint–elle. Ses partisans, jeunes pour la plupart, répondent massivement à ses appels, faisant d’elle l’icône d’une résistance que les partis traditionnels peinent à incarner.
<< On ne veut plus de violences, mais on veut du changement » : en Côte d’Ivoire, Daoukro retient son souffle
À l’inverse, certains recalés ont tranché. Lamoussa Djinko (Renouveau démocratique) et Fiéni Koffi Kévin (Pro–Côte d’Ivoire) soutiennent Ahoua Don Mello. << La Côte d’Ivoire ne peut pas se développer avec le café, le cacao et l’hévéa.
Don Mello est le seul candidat qui parle de politique monétaire », explique Djinko. Pour lui, pas question de
boycott: << Il faut toujours aller à la paix «<. L’ancien préfet d’Abidjan, Vincent Toh Bi, et son allié Assalé Tiémoko naviguent eux aussi à vue. «< Donner un mot d’ordre
irréfléchi peut tuer un mouvement », confie Toh Bi. Tous deux encouragent leurs sympathisants à retirer leur carte d’électeur – le délai a été reporté au 22 octobre –, mais refusent de se prononcer.
En course, Jean–Louis Billon, 60 ans, candidat du Congrès démocratique, multiplie les appels. «J’appelle mon frère Tidjane [Thiam], mettons nos ego de côté », a-
t–il lancé le 18 octobre. «On comprend que Gbagbo et Thiam ne recherchent pas l’alternance. Ils veulent seulement remplacer Ouattara, tranche un cadre du PDCI. Drôles d’opposants! >>
JA