neeon Blog ECONOMIE Suisse-Afrique : « Nous sommes là pour aider les  pays du continent, pas leurs gouvernements » 
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Suisse-Afrique : « Nous sommes là pour aider les  pays du continent, pas leurs gouvernements » 

Responsable pays au secrétariat dÉtat à léconomie suisse, Markus Schrader accompagne de nombreux projets de coopération impliquant les secteurs public et privé sur le continent. Avec une approche très pragmatique, Entretien

Malgré les difficultés induites par la panmie de Covid et les différentes mesures de confinement ou de fermeture des frontières, beaucoup de choses ont évolué dans le domaine des relations entre la Suisse et le continent ces derniers mois. En janvier, le département fédéral des Affaires étrangères a présenté une nouvelle « stratégie pour lAfrique subsaharienne » portant sur la période 2021 2024, qui identifie clairement les zones et les pays sur lesquels la Confédération entend concentrer ses efforts. Markus Schrader fait le point sur ce que ces événements ont changé ou non dans la relation de son pays à l’Afrique

Jeune Afrique : On a souvent le sentiment que les pays riches, européens notamment, sont prioritairement intéressés par les questions de sécurité et dimmigration dans leurs relations avec lAfrique. La Suisse se distingue-telle sur ce point

Markus Schrader : Oui, nous avons une approche différente, ne seraitce que par notre histoire. Nous n‘avons jamais colonisé personne, ni en Afrique ni ailleurs. Cela dit, la stabilité est quelque chose qui compte à nos yeux pas en tant que telle mais parce quelle permet le développement et on a vu ces dernières années, en Afrique du Nord notamment, que le changement est un processus difficile

ON NE PEUT PAS INTERAGIR DE LA MÊME FAÇON AVEC LAFRIQUE DU SUD ET AVEC LE MALI, PAR EXEMPLE 

Pour la sécurité, la logique est proche : notre pays est peu présent au Sahel, à part au Burkina Faso où nous apportons une aide budgétaire, mais il est certain que si vous intervenez dans cette région vous devez avoir en tête les questions de sécurité

Sur les migrations, encore nous gérons les choses dune autre manière. Notre priorité est de créer dans les pays partenaires les conditions nécessaires à la prospérité. Notre but nest pas déviter limmigration à tout prix, nous savons qu‘elle peut être productive pour les pays daccueil même si cela génère des débats chez nous. Mais nous voulons être partenaires du développement du continent pour que les jeunes veuillent y rester

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Vous parliez de stabilité. Comment réagit la Suisse quand le pouvoir arrive dans les mains dinstances transitoires contrôlées par les militaires, comme cela a été le cas récemment 

au Mali ou au Tchad

Ce ne sont pas des évolutions positives à nos yeux, mais la position de la Suisse est de rester ouverts, de poursuivre le dialogue, de parler avec les gens qui ont les moyens et le pouvoir dapporter le changement. Nous sommes pour aider les pays, pas leurs gouvernements

La nouvelle stratégie 20212024 établit trois zones prioritaires et neuf pays à fort potentiel économique, les « lionnes ». Comment ces priorités ontelles été définies

Ladministration a travaillé sur cette liste qui a ensuite été validée par le gouvernement. Nous avons mis en commun nos données, fait le point sur les partenariats existants pour élaborer une stratégie qui va bien audelà des questions de développement

CE NEST PAS LARGENT QUI FAIT LA DIFFÉRENCE, CEST PLUTÔT LEFFET DE LEVIER QUE PROVOQUENT NOS POLITIQUES DE COOPÉRATION 

En Asie, on parle des « Tigres », pour lAfrique la logique a été la me : on a identifié les économies les plus avancées, les pays il est possible dinvestir un peu différemment, avec des accords dans le domaine de la recherche par exemple. Parce quon ne peut pas interagir de la même façon avec l‘Afrique du Sud et avec le Mali, par exemple. Nous travaillons avec la Direction développement et coopération (DDC) afin de déterminer la meilleure façon de dialoguer, de négocier des accords de libre échange avec les pays identifiés

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Beaucoup de pays nouent des partenariats sur des bases de proximité linguistique, visiblement ce nest pas votre cas

Vous savez, nous parlons quatre langues en Suisse... Non, ça ne joue pas du tout, même sin ous faisons partie de la Francophonie et que nous sommes associés à certaines actions dans ce cadre

La nouvelle stratégie 2021-2024 bénéficiet elle d‘un budget revu à la hausse

Non, cela ne fonctionne pas comme ça. Il sagit dune stratégie fédérale qui nest pas accompagnée de moyens financiers. Ce sont les programmes par pays qui sont dotés dune enveloppe budgétaire. Mais pour nous ce nest pas largent qui fait la différence, cest plutôt leffet de levier que provoquent nos politiques de coopération

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cestàdire

Nous sommes dans un dialogue. Nous discutons avec les autorités, les entreprises locales, afin de déterminer quels sont les besoins, et nous réfléchissons à ce que peut être notre valeur ajoutée. Nous ne sommes pas un immense pays, nous ne pouvons pas tout faire. Donc nous regardons ce que nous pouvons changer, et sont nos intérêts

En Afrique du Sud on me disait souvent : « Vous êtes notre capitalrisque. » Cestàdire que nous venons avec nos moyens, nous investissons dans un projet et cela permet aux investisseurs locaux de voir si ce dernier fonctionne ou pas

Nous sommes dans un échange, il faut écouter nos partenaires mais aussi être réalistes. Nous discutons avec les pays des conditions cadres à mettre en place pour que des entreprises 

étrangères viennent sy installer. Souvent, cest que cela devient difficile

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Y at-il des secteurs particuliers dans lesquels vous pensez avoir une compétence à offrir

Bien sûr. Auprès des acteurs publics dabord, nous proposons nos services en matière de gestion des dettes. Nous sommes crédibles sur ce point parce que notre endettement est faible et que nous disposons dun logiciel qui a été financé avec laide de la Cnuced [Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement]

C‘EST ESSENTIELLEMENT CELA QUE NOUS PROPOSONS : DU SERVICE, DU CONSEIL 

Nous apportons aussi notre aide sur les questions délargissement de la base des impôts, comme au Burkina Faso, et sur tout ce qui touche au climat des affaires, au genre de législation qui va permettre dattirer des investisseurs

Avec le secteur privé, nous proposons de la formation, nous aidons les entreprises à atteindre les standards internationaux en matière de conditions de production, de droits des salariés, de respect de lenvironnement. Nous lavons fait dans le secteur du cacao au Ghana ainsi quavec un producteur dacier en Afrique du Sud. Cest essentiellement cela que nous proposons : du service, du conseil

JA

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