Avec la fin du divorce des deux coalisés, la question est la suivante : la France a-t-elle obtenu les garanties qu’elle exigeait des autorités maliennes, notamment sur la problématique du dialogue avec les groupes islamistes et le respect des délais de la transition [après avoir perpétré un premier putsch, en août 2020, contre Ibrahim Boubacar Keïta, le colonel Assimi Goïta a renversé le président de la transition malienne fin mai. Emmanuel Macron avait fermement condamné ce second coup d’État en neuf mois] ?

Faute d’être dans le secret des dieux, il est difficile de donner une réponse à cette question. Mais on imagine que pour qu’Emmanuel Macron lâche du lest, les autorités de la transition ont dû prendre de nouveaux engagements. Reste à savoir la nature de ces engagements et, surtout, s’ils seront tenus. L’on sait, en effet, que le Premier ministre malien, Choguel Maïga, est très proche du plus qu’influent imam Mammoud Dicko, partisan du dialogue avec les groupes islamistes, dont la France ne veut pas entendre parler.

Peut-il donc se défaire de la tutelle de son mentor sur la question sans scier la branche sur laquelle il est assis ? On peut en douter. Quant au respect des délais de la transition, le doute, là aussi, subsiste. En effet, de nombreuses voix dans l’entourage du président Assimi Goïta se sont récemment élevées pour dire que le respect des échéances électorales devant mettre un terme à la transition par la dévolution du pouvoir aux civils est impossible. À quoi tient donc l’accord qui a permis la reprise de la coopération militaire entre les deux pays ? Mystère et boules de gomme.

Une dépendance réciproque

La seule certitude est que Maliens et Français ont fait preuve de réalisme, et cela dans la défense de leurs intérêts respectifs. On sait que la France ne pouvait se passer durablement du Mali, où, en plus des liens historiques nés de la colonisation, elle a d’importants intérêts économiques. Mieux, toute la région sahélienne constitue pour elle un important enjeu stratégique dans un contexte de rivalités avec des pays comme la Russie, la Chine ou les pays du Golfe, qui convoitent la région. Et puis, on ne le dira jamais assez : les portes de la sécurité de la France se trouvent au Sahel. La bouderie n’était donc qu’un coup de bluff destiné à mettre la pression sur les autorités maliennes.

De son côté, malgré les appels au départ des troupes étrangères, le Mali ne peut véritablement se passer de la France. Pour s’en convaincre, il suffit de remonter à 2012, où sans l’intervention de la France à travers l’opération Serval [l’ancêtre de l’opération Barkhane], les groupes terroristes se seraient emparés de Bamako et auraient transformé le Mali en une théocratie musulmane. Aujourd’hui encore, la force Barkhane joue un rôle irremplaçable dans le dispositif sécuritaire du Mali, qui a véritablement mal à son armée. Il ne faut pas s’y méprendre, en l’état actuel, le Mali, sans la France, ne serait pas le Mali.

L’image de la France écornée

Cela dit, c’est Assimi Goïta qui se frotte les mains. Après la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui a renoncé à imposer véritablement des sanctions au Mali et à ses autorités, c’est au tour de la France de desserrer l’étau autour du président de la transition après son putsch. Il lui appartient désormais de ne pas faire regretter à la Cedeao et à la France leur disposition bienveillante en tenant ses engagements internationaux, comme ses alliés politiques l’ont toujours clamé.

La France, quant à elle, se tire de cet épisode, il faut le dire, avec une image quelque peu écornée. Car l’impression que donne cette reprise de la coopération militaire est qu’il y a eu une hâte suspecte ; toute chose qui vient apporter de l’eau au moulin de ceux qui pensent que la présence militaire française au Mali et au Sahel cache mal d’autres intérêts que la lutte contre le terrorisme.

Cela étant, les deux alliés doivent tirer leçon de cette crise. Le Mali, comme tous les États du Sahel, doit travailler à se passer de la présence militaire française pour échapper aux pressions de la France, notamment par la construction d’armées républicaines et fortes. Quant à la France, il est aussi temps qu’elle comprenne que plutôt que de donner le poisson à nos États, elle doit plutôt leur apprendre à pêcher. Autrement dit, elle a aujourd’hui tout intérêt à aider les armées africaines à monter en puissance plutôt qu’à vouloir se substituer à elles.

CI