(Ottawa) Un Québécois qui se trouve présentement en Haïti et qui fait miroiter des postes dans les établissements de santé québécois auprès d’infirmières locales – même s’il n’existe aucun programme de recrutement – est dans la ligne de mire de l’ambassade du Canada à Port-au-Prince.

« Attention ! », a-t-on alerté vendredi dernier sur le compte Twitter de l’ambassade.

« Veuillez noter que le Canada et le Québec ne recrutent pas d’infirmières/infirmiers en Haïti présentement. Prenez garde aux arnaques. Malheureusement, les offres d’emploi frauduleuses pour aller au Canada augmentent tous les jours », a-t-on ajouté.

La mission canadienne en Haïti n’a pas fourni davantage de détails sur l’escroquerie qui est en cours.

En revanche, chez Affaires mondiales Canada, dimanche midi, on a signalé dans un courriel à La Presse qu’un « citoyen privé prétendait recruter des citoyens haïtiens pour travailler au Canada en tant que professionnels de la santé ».

Ainsi, en prenant connaissance de cette campagne, l’ambassade du Canada en Haïti « a immédiatement entamé une campagne d’information afin de contrer cette désinformation », a-t-on ajouté.

Le gouvernement du Québec a lancé une campagne internationale visant à attirer des milliers de travailleurs de la santé, en grande partie des infirmières, pour pallier la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur. L’effort de recrutement vise la France, la Belgique et les pays du Maghreb, entre autres, mais pas Haïti.

Au cabinet du nouveau ministre de l’Immigration, Jean Boulet, on a d’ailleurs souligné, dimanche soir, que « le recrutement d’infirmières à l’international [était] une responsabilité du ministère de la Santé et des Services sociaux ».

Une démarche « citoyenne »

L’homme au cœur de cette histoire est Pierre Côté, qui s’affiche comme un journaliste, entre autres, et qui a une certaine notoriété en Haïti, ayant notamment été conseiller en communications de l’ancien premier ministre Laurent Lamothe.

PHOTO GABRIEL DELISLE, ARCHIVES LE NOUVELLISTE

Pierre Côté s’était retiré de la course à la mairie de Trois-Rivières

Dans la foulée de la mise en garde de l’ambassade, il a publié sur Twitter une vidéo dans laquelle il plaide que son initiative est la sienne, et il martèle que les gouvernements du Canada et du Québec « ne recrutent pas d’infirmières haïtiennes présentement ».

« Cette démarche est une action citoyenne qui vise à soulager la souffrance à la fois en Haïti et au Québec », est-il écrit dans le message coiffant la vidéo de celui qui a brigué la mairie de Trois-Rivières en 2021 avant de se désister, faute d’appuis suffisants.

Le 26 novembre dernier, M. Côté a publié sur la page Facebook de l’organisation « The Radical Transparency », dont il dit être le fondateur, une fiche d’inscription « pour les infirmières haïtiennes intéressées à travailler au Canada en 2022 ».

On y pose une série de questions, notamment sur la scolarité, les années d’expérience, le statut vaccinal. Dans les commentaires sous la publication, on lit autant des « je suis intéressé » que des « arnaque ».

Le formulaire trompeur était toujours en ligne, dimanche soir.

Dans un échange de textos avec La Presse, dimanche soir, Pierre Côté jure qu’il n’a reçu aucune rétribution en échange de ses services de soi-disant facilitateur à l’immigration au Canada.

« Non », a-t-il répondu.

Le Trifluvien s’est fixé comme objectif de « mobiliser 250 infirmières » avant son retour à la maison, prévu à la mi-décembre. D’ici là, il loge au chic Marriott Port-au-Prince, où il a une chambre depuis son arrivée, en octobre dernier, selon nos informations.

Vendre du rêve

La situation est extrêmement instable en Haïti.

En plus de bloquer depuis plusieurs semaines l’approvisionnement en carburant du pays et de faire la loi dans les rues de la capitale, les gangs de rue multiplient les enlèvements, semant la frayeur au sein de la population.

Des personnes avec qui La Presse a échangé dans le cadre de ce reportage accusent M. Côté de vendre du rêve à des gens qui sont dans la misère et qui laisseraient volontiers tout derrière eux pour se rendre au Canada.

« Je ne vends rien. Je ne fais que le lien entre Haïti et le Canada », a pianoté le principal intéressé, qui affirme avoir une liste de 286 infirmières potentielles et qui ne comprend pas pour quelle raison l’ambassade a parlé de son initiative comme d’une « arnaque ».

La mise en garde a tout de même été relayée dans plusieurs médias haïtiens. « Les tentatives d’arnaques se multiplient ces derniers jours, a-t-on écrit dans la Gazette Haïti, vendredi dernier. Les Haïtiens se font arnaquer pour diverses raisons. »

Avec la collaboration de Vincent Larouche, La Presse